Monsieur le Ministre, ce matin, le ministre de la Culture vous a demandé de conduire la procédure d’agrément au protocole toujours aussi minoritaire modifiant l’accord du 26 juin relatif au régime chômage des intermittents du spectacle.
Sachez, que les intermittents sont soutenus dans leur refus par de nombreux artistes et intellectuels ! Un sondage indique que 70 % des Français sont en sympathie avec leur profession et leur travail.
Sans ces femmes et ces hommes, souvent jeunes, le spectacle vivant n’existerait pas ! Ce sont en quelque sorte les soutiers du plaisir que nous prenons à regarder, à écouter une œuvre.
Sans doute le Médef et le mépris dont fait preuve M. Seillière pour les catégories modestes a-t-il cru que ce mauvais coup passerait comme une lettre à la poste ! Or, la France estivalière est en émoi !
Cet accord, même modifié, est irrecevable, car il casse toute une profession. Les commentaires sur les ajouts d’hier me font penser à ce qu’on dit de jeunes filles qui rêvent à leur fiancé futur.
Aujourd’hui, nous en sommes à un carrefour : au festival d’Avignon que nous connaissons bien, monsieur le Ministre, et nous nous y sommes croisés plus d’une fois dans la cour d’honneur, les soutiers refusent l’accord qui vient d’être signé.
Ne l’agréez pas ! Songez aux 1 103 cinéastes, aux 350 comédiens de renom, aux 500 intellectuels qui se sont prononcés contre lui ! Avec cet accord, la responsabilité publique de l’art et du spectacle s’éclipse, l’intérêt public est mis à mal.
Toutes ces personnalités craignent que le monde artistique ne soit embarqué dans une galère lancée dans les eaux glacées du calcul égoïste !
Rira bien qui rira le dernier ! Dites à ces intermittents que vous entendez leurs cris, et leurs silences aussi !
J’étais récemment à Hérisson, petite commune de 700 habitants : or 150 personnes débattaient de cette question et personne ne soutenait l’accord ! J’ai reçu hier un coup de téléphone du théâtre du Radeau au Mans : c’est le même son de cloche. Je rentre d’Avignon et hier soir j’étais au cinéma du Cinéaste pour participer à un débat sur l’Europe et la culture et une vraie solidarité s’est exprimée.
Nous demandons que soient respectées en leur nom, les exigences de la culture et de l’art, c’est-à-dire la véritable liberté d’échapper à l’emprise de la nécessité pour créer du sens ! La question du statut de l’esprit, comme celle du vivant, est posée.
Ce qui m’inquiète c’est de voir disparaître toute considération culturelle tandis que le mépris s’étend comme une tâche d’encre sur un papier buvard !
Après avoir parlé avec beaucoup de respect au Président de la République, je lui ai écrit une lettre que je terminais ainsi : « Comme vous l’avez vous-même dit, la France doit savoir offrir à nos artistes et à nos créateurs les conditions d’une création vivante et dynamique ». Je sais, monsieur le Ministre, que vous avez en vous et par vos pratiques festivalières, la capacité de prendre une décision juste en disant non au protocole qui n’a réussi qu’à rallier ceux qui avaient déjà signé l’accord précédent.