Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Activité des sénateurs

Hausse de la taxe foncière : à qui la faute ?

Par / 11 octobre 2023

Il y a un an, à l’aune de leur préparation budgétaire pour l’année 2023, les élus locaux ont interrogé le gouvernement. Parce qu’eux même se posaient des questions très concrètes face au coût des fluides. Pour la première fois ils se sont demandé : va-t-on devoir mettre la clé sous la porte ? Le Maire doit-il fermer la piscine cet hiver, baisser le chauffage dans les écoles maternelles, augmenter la taxe foncière ?

C’est une réalité nouvelle qui doit nous questionner.
C’est pour cela nous avons voulu un débat sincère, constructif et utiles aux élus locaux, avec trois objectifs : clarté, vérité et perspectives.

D’abord clarté.
La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP), s’est traduit par une perte de ressources pour les communes.
Cette perte a été compensée depuis 2021 par le transfert aux communes de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Cependant, le montant de TFPB départementale transféré n’est pas automatiquement égal au montant de la ressource de taxe d’habitation perdue par la commune.

Si la commune touche plus de TFPB départementale que la « perte » de Taxe d’habitation, elle est dite « commune surcompensée » avec un un coefficient correcteur qui lui est appliqué. Mais cela n’apparait pas dans la feuille d’imposition des habitants.
En cas contraire, on parlera alors de « commune sous-compensée ».
Plus la taxe d’habitation était faible avant sa suppression, moins on est compensé.
Cela n’est pas juste car des habitants propriétaires pauvres sont imposés pour compenser les communes qui avaient une taxe d’habitation haute.

À aucun moment une information claire n’est donnée sur ce que touche réellement la commune. Première question donc, Monsieur le Ministre, comment pouvons-nous gagner en clarté à ce sujet ?
Combien de nos concitoyennes et de nos concitoyens ignorent les modalités de calcul de la taxe foncière ? Combien des 32 millions de propriétaires tiennent pour responsable de l’augmentation de leur taxe foncière leur maire, alors même que 84% des communes n’ont pas augmenté les taux ?

Ajoutons à cela la confusion découlant de l’augmentation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, celle-ci étant additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties, et difficilement distinguable de cette dernière pour beaucoup de contribuables. Une augmentation qui résulte des besoins croissants et justifiés en matière de gestion des déchets, mais jamais compensés.

Pourtant, l’histoire fiscale suffit à s’en convaincre : À quelques exceptions près, ce sont bien 7,1% d’augmentation que tous les propriétaires du pays ont dû s’acquitter par une simple décision gouvernementale et non pas des collectivités.

Cette augmentation creuse une nouvelle fois les inégalités en pesant plus lourd sur les propriétaires de petites surfaces type T2.
En effet, les 20 premiers m2 d’un bien sont toujours les plus chers, et la surface supplémentaire bénéficie d’une taxation allégée. Déjà en 2021, quelle que soit la ville, la taxe foncière rapporté au m2 est 36% plus élevé en moyenne pour les petits logements comparé aux T4 et plus. Nul doute que cette augmentation va placer les bailleurs sociaux, qu’ils soient publics ou privés, dans une situation financière très délicate. Pire, si aucune action n’est entreprise, ces difficultés se traduiront inévitablement par des répercussions sur les locataires.

Monsieur le Ministre, vous portez, et au travers vous le Gouvernement, seule la responsabilité de cette hausse record depuis 1986, de l’envolée de la taxe foncière des communes. Donc oui, ce débat est un moment de vérité.
Mes chers collègues, partagez ma stupeur quand la première Ministre affirmait que l’envolée de la taxe foncière était due à, je cite, « une décision des collectivités locales ».

Les relations État-collectivités, ciment de la République, souffrent de ce type de communication qui méprise la réalité, les faits et les responsabilités. Ce que nous vous demandons, c’est de la sincérité ! Cessez de nous dire que vous allez refonder un pacte entre les échelons politiques du territoire, quand vous vous évertuez à vous défausser sur les élus locaux, en première ligne face à leur population.

Vous vous réfugiez sur la règle de l’indexation des bases locatives cadastrale qui fait office d’assiette, à laquelle on applique ensuite un taux décidé par les communes. Prévoyant une envolée des bases, les députés avaient voté en faveur du plafonnement de la revalorisation des bases locatives à 3,5% soit moitié moins que l’augmentation appliquée par votre gouvernement. La démocratie parlementaire a été une nouvelle fois baffouée par un énième 49.3.

A titre d’exemple, quelle exception française implique que 72% des impôts fonciers soient acquittés par les ménages contre 40% en Allemagne ou 61% au Royaume-Uni. Une anomalie telle, que l’Insee recense la taxe foncière sur les locaux d’habitation dans la catégorie des impôts dits « de production ». Une belle incohérence !

Monsieur le Ministre, il aurait été plus responsable politiquement de ne pas présenter, lors du budget précédent devant la représentation nationale, un article repoussant encore la révision des bases locatives de 2026 à 2028. S’eut été d’assumer politiquement qu’il est inacceptable que les bases de la taxe foncière soient déterminées dans les conditions du marché locatif qui avait cours au 1er janvier 1970.

Des collectivités ont été contraintes d’augmenter leur taux de taxe foncière en plus de la majoration de 7,1% des base locatives, c’est vrai. Pourtant, ces décisions sont prises avec responsabilités. Quand un maire croise l’un de ses administrés, il n’y a pas de 49.3 possible.

Tout cela dans un contexte où les collectivités ont été réduites à une impuissance fiscale qui se traduit par un dessaisissement du pouvoir de taux : en 1986, 90% des recettes fiscales s’accompagnaient d’un pouvoir de taux, une proportion qui dégringole à 65% en 2018 et 42% trois années en 2021.

  Suppression de la taxe d’habitation, 17,6 milliards d’euros de baisses d’impôt soit un gain de 7,8 milliards d’euros pour les 20 % des plus aisés !
  La suppression de la CVAE déjà entamée, à la hache, pour 14 milliards d’euros auxquels s’ajouteront à coups de 49.3 les 4 milliards restants !

France Urbaine et l’Association des maires de France fustigent communément, je cite, « des erreurs politiques majeures ».

Vient maintenant le temps des perspectives.

Nous insistons et nous proposerons à nouveau lors des prochains temps budgétaires que la Dotation Globale de Fonctionnement, soit indexée sur l’inflation.

Nos questions sont donc cruciales pour l’avenir collectivités :

Comment comptez-vous restaurer cette autonomie fiscale et financière des collectivités ? Comment aller vers une nouvelle décentralisation qui appuiera un redéploiement des services publics de proximité, là où les territoires dits « délaissés » de la République exigent réparation et là où la défenseure des droits a écrit dans un de ces rapports que la dématérialisation, issue des politiques d’austérité, a accéléré les inégalités d’accès aux services publics ?

Les élus.e.s locaux attendent des réponses concrètes et des solutions viables pour que les collectivités continuent d’innover et d’être utiles.

Sans oublier les départements, premiers partenaires des municipalités, qui ont perdu tout pouvoir fiscal autonome et assistent à l’effondrement des Droits de Mutation à Titre Onéreux (DMTO).

En considération de ces faits, c’est la raison pour laquelle le groupe CRCE- Kanaky a lancé ce débat ouvert et pluraliste, cherchant ainsi à représenter les intérêts des collectivités qui ont été tant malmenées.
Merci.

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