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Activité des sénateurs

Loi "anti-squat" ou comment aggraver la crise du logement

Par / 15 juin 2023

Samedi 3 juin, à La Garenne-Colombes, une femme en grande précarité, avec une dette locative élevée et trop peu de ressources, s’est rendue à la mairie : pas pour demander assistance, mais pour s’asperger d’essence et s’immoler.

Cet exemple dramatique n’est pas le lot de toutes les personnes en détresse, mais il est symptomatique : 1,2 million de personnes sont en situation d’impayés. Cette proposition de loi ajoute de la dette à la dette, en imposant des amendes jusqu’à 7 500 euros.

Plusieurs d’entre vous pensent défendre les petits propriétaires, or ceux-ci sont de plus en plus minoritaires.

Nombre de situations posent problème, mais elles ne seront pas résolues par ce texte, ni par la force.

Le manque de logement, le manque de places d’hébergement, le déficit de construction... Voilà les symptômes de l’absence de politique du logement. Quelque 5,7 millions de personnes consacrent plus de 35 % de leurs ressources au logement.

Le délai pour être reconnu prioritaire au titre du Dalo est de dix ans à Paris, au moins trois ans en Île-de-France. Dans la rue, on ne vit pas, on survit, si on a de la chance. Que dire des femmes à la rue, victimes de l’intersectionnalité de leur situation ?

Les locataires endettés sont des femmes, des hommes, des enfants. Je pense aux jeunes familles, non prioritaires si l’enfant a plus de trois ans. Et voilà le jeune Falou, quatre ans, qui suit sa mère d’hôtel en logement de secours, qui souffre d’un déficit de croissance depuis ses trois ans.

L’an dernier, 611 SDF sont morts à la rue. Cette année, déjà, on déplore plus d’un mort par jour, selon le collectif Les Morts de la rue. Entre 2012 et 2021, 126 mineurs y ont perdu la vie - le plus jeune avait un mois...

La Convention des droits de l’enfant le rappelle : on est enfant jusqu’à 18 ans ! Son article 27 leur garantit le droit à l’alimentation, au vêtement, au logement, à l’éducation. Certains de ces enfants sans toit sont scolarisés, comme Falou, à Ivry-sur-Seine. Nous avons lutté tous ensemble pour lui - avec la préfète du Val-de-Marne.

Ce n’est pas le moment d’ajouter de la sévérité. Le Gouvernement permet une hausse des loyers jusqu’à 3,5 %, et cette proposition de loi va certainement nous revenir, votée par la majorité présidentielle, la droite et l’extrême droite...

Quelque 330 000 personnes vivent à la rue, plus de 4 millions sont mal logées, 2,4 millions de foyers attendent un logement social - 100 000 rien que dans mon département. Votre réponse : payez vos loyers, sinon vous paierez des amendes.

Toute personne, pauvre ou non, a droit à un toit et à un logement décent. Ce texte accentue les asymétries entre locataires et propriétaires. Le Président de la République déclarait, dans un éclair de lucidité, le 12 mars 2020 : « Il y a des biens qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » Les promesses du monde d’avant n’ont jamais vu le monde d’après...

Votre seul argument, c’est de vous ranger derrière le droit de propriété, qui n’est pas pourtant pas mis à mal. C’est que vous mettez sur le même plan domicile et propriété...

Le droit de propriété n’a jamais gagné à servir de fondement à l’exclusion. Eugène Varlin, figure de la Commune de Paris, disait : « Tant qu’un homme pourra mourir de faim aux portes d’un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans ce monde. »

L’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen garantit le droit à la propriété privée, mais il ne peut exister dans la rue. Le logement est non pas un privilège, mais un droit.

Les dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 le disent de manière très moderne : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » ; « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » Que faisons-nous de ces valeurs constitutives de notre Nation ?

Le 30 mars dernier, le rapporteur spécial de l’ONU sur le logement convenable a écrit à la France pour dire son inquiétude. La Défenseure des droits a jugé ce texte « ni nécessaire ni proportionné ».

Vous n’êtes pas si sévères avec les marchands de sommeil, qui ne risquent qu’une amende de 15 000 euros en profitant de la misère des gens.

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