2023-2027 : les collectivités locales au pain sec
Par Eric Bocquet / 16 octobre 2023Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, André Comte-Sponville, lors d’un débat au 93e congrès des maires, trouvait les mots justes : « Je suis convaincu qu’il y a un bonheur d’être maire, au moins un bonheur attendu, un bonheur espéré. Attention, cela ne veut pas dire que vous êtes heureux, mais cela veut dire que vous êtes maire pour être heureux. »
À la lecture de ce projet de loi de programmation des finances publiques, les élus locaux s’éloignent considérablement du bonheur. La raison est simple et est énoncée clairement : « les collectivités territoriales contribueront à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique ». C’est inscrit en toutes lettres dans ce projet de programmation. Les collectivités territoriales sont mises au pain sec, pour paraphraser la très inquiétante formule du président Retailleau. Pourtant, la majorité sénatoriale apporte son soutien aux articles 13 et 16.
Le premier, l’article 13, ne prévoit ni plus ni moins qu’une baisse de 2,55 milliards d’euros constants des concours financiers de l’État, qui représentent 50 % des transferts financiers que perçoivent nos collectivités, soit 5,8 % de moins en volume, une bouché de pain !
Peu importe que, dès la première année de programmation entre le texte initial et la nouvelle version, 1,8 milliard supplémentaires soient prévus, attestant de l’obsolescence programmée de cette loi de programmation. Vous me direz que c’est moins que les 4,5 milliards d’euros de rabot du texte initial, mais je ne connais aucun maire dans mon département du Nord qui avoue pouvoir se passer du moindre euro.
Vous disiez dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vouloir faire confiance aux élus locaux : commencez donc par les écouter.
Nous leur dirons, partout dans nos départements, que vous leur faites rembourser la dette publique au mépris des réalités financières locales.
Le second, l’article 16, inscrit une baisse de 0,5 % des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités en volume par année. La majorité sénatoriale, là non plus, ne dit rien, acquiesce, prend acte et vote. Elle allège légèrement le fardeau des départements en excluant quelques-unes des dépenses contraintes.
Non sans une certaine ambiguïté, elle se félicite que cet objectif ne soit plus contraignant. Nous nous sommes battus pour la suppression du retour des contrats de Cahors, véritables pactes de défiance envers les collectivités locales qui avaient déjà frappé 322 communes lors du précédent quinquennat.
Le côté droit de l’hémicycle se borne à demander que l’effort de l’État soit au moins aussi important que celui des collectivités. La position politique que vous adoptez est une fois de plus très simple : l’austérité – n’en déplaise à Vincent Delahaye – pour toutes les administrations publiques, l’État, les collectivités et la sécurité sociale.
N’y a-t-il pas un renchérissement des taux d’intérêt dû au resserrement de la politique de la Banque centrale européenne ? N’y a-t-il pas une augmentation des financements de la Banque des territoires du fait de l’indexation des prêts sur le taux du livret A, insuffisamment majoré ? Les collectivités, qui souffrent dans leur capacité de financement, devraient réduire encore leurs dépenses de fonctionnement et se débrouiller seules, une fois de plus.
Pourtant, les témoignages que j’ai entendus dans le Nord pendant les élections sénatoriales et que je lis également dans le rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) sont incompatibles avec ces restrictions à venir. Les achats et charges externes ont bondi de 8,8 %, après une hausse de 5,6 % en 2021. En 2022, la situation arrêtée et connue est grave : l’énergie-électricité a augmenté de 22 % pour les communes de plus de 500 habitants, les combustibles et carburants sont en hausse de 29%, l’alimentation de 10% après une augmentation de 24,7 %, les transports de 28 % après une hausse de 19 % en 2021. Voilà qui justifierait pleinement l’adoption des amendements de suppression qui vous seront soumis.
L’évolution obligatoire du point d’indice, pour protéger les agents de la fonction publique, en particulier territoriale, grèvera une nouvelle fois les budgets locaux.
Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky s’opposera à ce texte, qui valide l’impasse financière des collectivités et empêche le bonheur des élus locaux ainsi que celui de leurs administrés.