Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Activité des sénateurs

Pour un État démocratisé, renforcé dans ses missions pour assurer l’égalité sur le territoire de la République.

Par / 7 juillet 2023

Première contribution écrite du groupe CRCE préalable au rapport du groupe de travail sénatorial relatif à la décentralisation

Le groupe CRCE est favorable à un approfondissement de la décentralisation mais certainement pas dans un contexte d’austérité budgétaire et de mise en concurrence généralisée. Celle-ci doit s’appuyer sur un État démocratisé, renforcé dans ses missions pour assurer l’égalité sur le territoire de la République.

L’équilibre entre les pouvoirs locaux et le pouvoir central est important dans un contexte frappé par une crise de l’énergie et une hausse des prix. Les collectivités territoriales ne peuvent agir sans le soutien de l’État et de ses services. Les nombreux débats lors de l’examen du projet de loi relatif aux finances publiques ont révélé les limites d’un tel exercice. La décentralisation doit renforcer la proximité entre l’action publique et nos concitoyens. Or, cette dernière décennie laisse des traces sur les collectivités territoriales ; de la loi Maptam à la fusion des Régions, en passant par la loi NOTRe, les collectivités ont perdu en moyens et en compétences, tout en étant confrontées à l’urgence du maintien des services publics.

Les contrats de Cahors ont illustré les difficultés des élus locaux à être entendus et reconnus par le gouvernement. Les élus ne sont pas simplement de bons gestionnaires de compétences transférées par l’État, ils les portent auprès de leur population qui les ont élus pour cela. La décentralisation que nous souhaitons est intimement liée à l’approfondissement de la déconcentration et à la stabilité d’un cadre législatif national assurant l’égalité de toutes et tous devant la loi, l’unicité et l’indivisibilité de la République. La subsidiarité locale et nationale doit permettre une politique qui parte de la réalité communale tout en assurant l’égalité républicaine. La proximité permise par la commune est à revaloriser et cela passe aussi par les finances locales.

Les finances locales à l’épre uve de nouvelles normes et baisses de moyens

Les élus locaux souhaitent une autonomie financière et appellent à une refonte des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Les transferts de compétences sans les compensations nécessaires engendrent aussi d’énormes difficultés dans la gestion financière.

Les collectivités territoriales ne disposent plus de ressources et dépendent beaucoup des subventions de l’État : fin de la taxe d’habitation, fin de la CVAE… Quelle autonomie financière lorsqu’elles ne disposent pas des ressources nécessaires ?

Face à une crise de l’énergie et une inflation galopante, les élus locaux sont inquiets. A la différence de l’État, les collectivités locales doivent voter un budget de fonctionnement en équilibre et sans emprunt. On note une baisse de 11 milliards d’euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de l’État entre 2014 et 2017. C’est le service public aux habitants qui en dépend. Aujourd’hui, certains maires font des choix, ils priorisent, au détriment d’autres politiques publiques, cela retarde certains chantiers parce qu’ils n’ont pas les moyens de tout prendre en charge. La suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE mettent en difficulté les ressources premières des collectivités locales. La taxe foncière reste le seul appui de ces dernières, qui va, elle aussi, augmenter, puisque le vote de la loi de finances, en décembre dernier, a entériné une revalorisation forfaitaire des bases cadastrales de 7,1%. Il est nécessaire de poursuivre la réflexion autour des impôts, notamment de leur répartition au niveau des différents échelons des collectivités afin qu’ils puissent correspondre à la réalité de chacune, tout en étant toujours plus justes. Une réforme fiscale qui redonne tout son sens à l’impôt et sorte de la logique de la multiplication des taxes et les niches fiscales qui favorisent bien souvent les grandes entreprises et les plus riches est insensible pour rétablir un impôt local. La suppression de la TP, de la taxe d’habitation, et aujourd’hui de la CVAE, sont autant d’effets leviers en moyens, de marges de manœuvre pour mener les politiques locales. Maitriser le taux comme l’utilisation est indispensable pour continuer à faire des collectivités territoriales des espaces de démocratie et de citoyenneté.

Les collectivités locales doivent bénéficier de moyens financiers suffisants pour remplir leurs missions de service public. La péréquation financière entre les collectivités locales doit devenir une réalité pour garantir des moyens équivalents pour tous les territoires.
La dotation globale de fonctionnement (DGF), qui est la principale source de financement des collectivités locales, doit être repensée. Elle doit garantir un seuil minimal par commune et permettre réellement à la vie locale de se réaliser. Elle doit être plus juste et plus transparente, en prenant mieux en compte les besoins des territoires et en garantissant une répartition équitable des moyens financiers.
Face à la difficulté du recours à l’investissement local, il faut plus de visibilité sur les différentes aides DETR, DSIL, fond vert qui, à force de se multiplier, fragilisent les plus petites communes. En matière d’investissement local, la solidarité nationale doit être réelle. Les banques ne peuvent pas devenir les arbitres de l’investissement local, nous proposons le recours à des emprunts à taux zéro pour les collectivités locales.

Pour des débats efficaces qui permettent d’apporter des solutions aux demandes des élus, il serait judicieux de prévoir un temps de débat dans la LOLF sur les finances locales. De ce fait, nous proposons la création d’un jaune budgétaire pour les collectivités territoriales. Cela permettra de regrouper toutes les données relatives aux dépenses de l’État pour ces dernières. Et de comparer d’une année sur l’autre les compensations réelles de l’État vers les collectivités.

La déconcentration et l’ingénierie territoriale : un État observateur plutôt qu’acteur

Les libertés locales ne peuvent prendre leur sens qu’avec une égalité républicaine. La présence de l’État est indispensable pour accompagner les décideurs locaux. Les services publics sont indispensables, les manques se font ressentir sur tous les territoires, encore plus dans nos ruralités. Cet État déconcentré, garant de l’unicité républicaine et du plein exercice des missions régaliennes, est encore trop absent, encore trop observateur, encore trop à l’écart des réalités des collectivités et des demandes des habitants. De fait il est de plus en plus censeur alors qu’il devrait avoir un rôle de conseil et d’accompagnement en amont et en réalisation.

L’État se désengage, à coup de fermetures préfectorales, de baisses budgétaires qui ont des conséquences drastiques sur la gestion quotidienne au sein des services déconcentrés de l’État. Pour compenser le manque de moyens, on privilégie la déshumanisation avec la forte dématérialisation qui impacte le service public. Prenons l’exemple des maisons France Services qui ont été créées pour accompagner cette dématérialisation mais qui sont confrontées à des obstacles : les liens sont rompus avec l’administration, les agents n’ont pas la formation adéquate et de ce fait, ne peuvent garantir un service public à la hauteur pour les usagers. Un maire sur deux, de communes de moins de 1000 habitants, estime que l’offre de services publics sur son territoire est défaillante. C’est une réalité de nos territoires, autant dans les milieux ruraux qu’à l’échelle urbaine. Ce sont des milliers de gens qui ne peuvent accéder à des services publics pour répondre à leur problématique quotidienne. La Défenseure des Droits alerte sur cette dématérialisation qui augmente les saisines puisque l’accès aux droits est remis en cause.

La crise sanitaire a témoigné de l’importance et de la nécessité d’associer les élus locaux dans les décisions qui impactent les collectivités territoriales. De ce fait, le lien avec les représentants de l’État, les préfets, est plus que jamais nécessaire. La place du préfet de département ou de sous-préfecture est importante. Le couple maire-préfet doit vraiment exister. Aujourd’hui 4 élus locaux sur 5 estiment ne pas avoir été suffisamment associés aux différentes réformes des services déconcentrés de l’État. L’État doit mettre à disposition une ingénierie efficace et efficiente afin d’accompagner les élus locaux au quotidien, notamment lors de la construction de grands projets.

Simplification des normes : un rapport sénatorial pour avancer

Il est important de prendre en compte l’impact des lois, de la règlementation sur les collectivités territoriales. En effet, les derniers travaux ont témoigné des limites de cet excès, sans concertation, sans échanges avec les acteurs locaux. Cela met également les parlementaires en difficulté, souvent confrontés à des dilemmes, ceux de répondre à des objectifs précis dans un contexte de crise environnementale, de crise économique et sociale tout en représentant les territoires et en étant garant de leur développement.

Presque chaque année, les collectivités territoriales se retrouvent face à de nouvelles contraintes, souvent sans les moyens nécessaires pour y faire face. Elles agissent donc dans l’urgence avec les moyens dont elles disposent. Cela fragilise les liens entre élus et services de l’État, puisque les rencontres, les échanges, n’existent pas, voire très peu avant l’application de nouvelles normes. Le projet de loi relatif à l’objectif de zéro artificialisation nette est un bon exemple qui permet de témoigner de la complexité de normes nouvelles quand certains territoires sont moins concernés ou plus en difficulté que d’autres.

Le rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales va dans ce sens. Il est nécessaire de donner au Parlement plus de visibilité sur les mesures législatives envisagées par le gouvernement. Cela permettrait un travail de fond pour anticiper, proposer des alternatives afin que le droit parlementaire soit efficient, représentatif, et utile à toutes et tous, dans un contexte de crise démocratique.
Réduire l’inflation normative c’est avant tout et surtout bien écrire la loi. Le recours quasi systématique à la procédure d’urgence pour l’examen des projets de loi, l’injection d’amendements sur commande gouvernementale sans aucune étude d’impact, multiplient des normes qui se superposent. Alors que la norme doit être protectrice ? elle devient bloquante dans la réalisation de l’initiative locale. Les exemples sont nombreux, citons simplement la loi climat et résilience et la mise en place du ZAN.
Il est impératif que les études d’impact des normes applicables soient réalisées en amont pour pouvoir être un outil utile dans la prise de décision. L’évaluation est une étape indispensable dans la mise en place de politiques publiques. Le pouvoir de contrôle du Parlement doit pouvoir s’exercer pleinement.

Différenciation dans les outre-mer : l’Appel de Fort-de-France.
Un an après l’Appel de Fort-de-France, les signataires demandent des actes forts.

Dans ces territoires doublement touchés par la crise économique, énergétique et sanitaire et dont le retard de développement ne pourra pas se compenser d’aussitôt, les communes et les élus locaux ont besoin d’un accompagnement fort pour mettre en place des politiques publiques, assurer leur mission première de service public, et lutter contre la pauvreté grandissante.

L’accès aux biens essentiels est compromis : l’eau potable et l’électricité ne sont pas des biens abondants, les nombreuses fuites d’eau provoquent de grosses pertes et le traitement des eaux usées et des déchets n’est pas conforme aux normes faute d’infrastructures et de moyens humains suffisants.

Les signataires souhaitent de réels arbitrages sur ces sujets. Le comité interministériel outre-mer sera l’occasion de proposer des actions concrètes de la part de l’État. Les travaux de la délégation outre-mer pourront être, à cette occasion, de réels appuis pour faire avancer le débat et permettre aux territoires ultramarins d’acquérir plus de droits, d’égalité et de services publics et permettre ainsi d’y améliorer les conditions.

Encore une fois, les acteurs locaux doivent être concertés, l’horizontalité dans la pratique est indispensable afin de renouer les liens, faire entendre les voix et améliorer le quotidien. Des moyens financiers sont indispensables.

Aucun territoire, aucun habitant ne doit être oublié de la République. Plus de 15 millions de nos concitoyens souffrent d’inégalités territoriales, dans l’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi, le droit à la sécurité. Ils habitent en zone rurales, dans les banlieues comme dans les outre-mer.
Loin de quelques privilèges, nous demeurons convaincus que la République doit y retrouver toute sa place.
La République ne doit plus reculer, elle doit au contraire avancer.
Pour fabriquer des politiques publiques de qualité, il y a besoin d’agilité et de stabilité.
Les politiques publiques doivent être réellement ascendantes et non descendantes. C’est la garantie de politiques publiques robustes, adaptées aux réalités.
S’il y a inévitablement besoin de mesures financières fortes, cela ne suffit pas si leur utilisation n’est pas en adéquation avec les besoins territoriaux.
La politique de la ville est aujourd’hui une expérience unique, elle est la seule politique véritablement territorialisée, qui permet de faire de la politique à 360 degrés. Elle ne représente que 0,5% du budget de l’État. Cette logique doit nous guider dans tous les territoires, jusque dans nos ruralités qui, par leur diversité, leur enclavement parfois, sont fragilisées.

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