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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La stratégie de la concentration est forcément perdante

Protection et accès aux oeuvres culturelles à l’ère numérique -

Par / 20 mai 2021

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, du projet de loi déposé par le Gouvernement à la fin de l’année 2019 et discuté à l’Assemblée nationale l’an dernier, il ne reste plus grand-chose. Je sais que la majorité sénatoriale – elle a commencé à le faire en commission – va intégrer certaines dispositions du projet de loi présenté par le précédent ministre de la culture. Il reste donc principalement trois éléments.

Premièrement, la fusion du CSA et de la Hadopi au sein de l’Arcom est logique à bien des égards, puisque le CSA se voit confier une mission de régulation d’internet.

Toutefois, trois doutes persistent.

Tout d’abord – c’est une rumeur persistante –, cette fusion pourrait n’être qu’une étape avant la création d’un super-régulateur médiatique, l’Arcep ayant déjà été enrichie voilà deux ans. Une telle usine à gaz poserait des problèmes pratiques et logistiques, mais aussi philosophiques.

Ensuite, il me semble dangereux de transférer au CSA un outil qui fait toujours l’objet de recours devant le Conseil d’État et la Cour de justice de l’Union européenne.

Enfin, la régulation d’internet par le CSA n’est pas sans poser question, le CSA ne délivrant pas d’autorisation préalable de diffusion.

Deuxièmement, concernant la création d’un mécanisme de protection des œuvres culturelles françaises, la directive européenne SMA va obliger les plateformes comme Netflix à participer à la création ; c’est une bonne chose. Cela ne doit pas pour autant leur servir d’excuse pour multiplier les droits exclusifs sur les contenus sans en assurer l’exposition. Si le dispositif prévu va dans le bon sens, il pèche selon moi à deux égards.

Tout d’abord, je regrette que le Conseil d’État ait dissuadé le Gouvernement d’aller plus loin en l’autorisant à bloquer une vente par un mécanisme d’autorisation préalable. Ensuite, me semble-t-il, il faudra bien que l’on pose, à un moment, la question de l’accessibilité des contenus.

Troisièmement, concernant la lutte contre le piratage, plus que celui du piratage en tant que tel, c’est bien le problème du manque à gagner financier qui doit être traité. J’avais évoqué ce sujet en commission en prenant l’exemple de la NBA, qui a décidé d’arrêter sa lutte contre le piratage, faisant le calcul que cette pratique lui rapportait en définitive de l’argent.

Nous avons conscience d’être à la croisée des chemins. La télévision connaît aujourd’hui ce qu’ont connu jadis, en leur temps, le théâtre et, dans une moindre mesure, le cinéma : l’arrivée de concurrents féroces et le détournement d’une partie de son audience.

Le service public de l’audiovisuel, victime de coupes budgétaires de plus en plus importantes, se retrouve en grande difficulté face à ces nouveaux acteurs, mais aussi face à un secteur privé bien mieux armé. Tout communiste que je suis, je ne peux d’ailleurs que regretter que le secteur privé de l’audiovisuel soit lui aussi aux abois devant les coups de boutoir qu’il subit.

On le voit bien, les choses avancent, et pas dans le bon sens. Certains pensent qu’en se réunissant ils constitueront des empires à même de concurrencer les nouveaux acteurs de l’audiovisuel. Ainsi, Vincent Bolloré veut se rapprocher d’Europe 1 ; la fusion entre TF1 et M6, ces derniers jours, va dans le même sens.

Cette stratégie est perdante sur tous les tableaux, et ce d’autant plus que des initiatives de coopération pourraient tout à fait exister. Salto, bien que largement perfectible, en est un parfait exemple.

Elle est perdante face aux géants Netflix, Discovery ou Disney+, qui auront toujours la puissance financière pour écraser ces empires. En 2021, Netflix va investir 19 milliards de dollars dans ses productions, soit cinq fois plus que le chiffre d’affaires cumulé des groupes TF1 et M6…

Elle est perdante face aux nouveaux acteurs comme YouTube et Twitch, qui, par ailleurs, appartiennent aux géants financiers Google et Amazon, et elle l’est pour deux raisons. Ces acteurs attirent une nouvelle audience, la jeunesse, et ont su se renouveler. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si toutes les chaînes de télévision possèdent aujourd’hui une chaîne YouTube. Surtout, ces plateformes sont venues combler pour partie le vide qu’on ne peut que regretter dans l’audiovisuel traditionnel, ou y apporter un coup de frais. Arte et France Télévisions ont été en la matière précurseurs en intégrant tout récemment à leur grille de programmes des vulgarisateurs et vulgarisatrices scientifiques et historiques reconnus et en leur laissant une liberté de ton.

La volonté acharnée d’aseptiser l’audiovisuel en créant des empires unis par une seule ligne éditoriale va totalement à contre-courant de ce que recherche aujourd’hui la majorité de nos concitoyens, sans donner pour autant aux intéressés les moyens de lutter économiquement.

Au vu de tous ces éléments, et sous réserve du sort qui sera réservé à nos amendements, notre groupe s’abstiendra en retenant notamment, parmi les dispositions du texte, la protection des catalogues.

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