Affaires culturelles
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Le directeur doit rester un pair parmi les pairs, et non devenir un gestionnaire
Directrice et directeur d’école (deuxième lecture) -
Par Céline Brulin / 20 octobre 2021Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a suivi son parcours législatif jusqu’à cette deuxième lecture au Sénat, sans convaincre les premiers intéressés, les directeurs et directrices d’école, qui ont continué de se mobiliser contre elle, sans nous convaincre, non plus, que l’autorité fonctionnelle liée à la direction d’école serait la réponse aux problèmes qu’ils rencontrent.
Ces problèmes, je le rappelle, tiennent essentiellement à la multiplication de tâches administratives, chronophages, à des consignes pas toujours claires émises par les autorités académiques et à un manque de moyens et de soutien administratif ou hiérarchique.
Au contraire, de nouveaux développements sont venus inquiéter davantage encore.
Tout d’abord, il y a le refus d’une précision, de poids, selon laquelle les directeurs et directrices n’exercent pas d’autorité hiérarchique sur leur équipe. Cette originalité, qui en chiffonne certains, les directeurs et plus globalement les équipes la considèrent comme un atout pour le fonctionnement et la cohésion des écoles. Être des pairs parmi leurs pairs, voilà ce qu’ils demandent, et peut-être encore plus après la crise sanitaire qu’ils ont dû gérer.
J’avais eu l’occasion de dire lors de la première lecture combien nous y perdrions s’ils devenaient des gestionnaires, suivant ainsi le mouvement constaté dans d’autres services publics, où la finalité des missions finit parfois par se noyer dans la technocratie.
Ensuite, il y a eu la volonté exprimée par le Président de la République à Marseille que les directeurs d’école recrutent les enseignants. Comme si cela allait rendre les écoles peu demandées, ou qui connaissent une trop grande rotation dans leurs équipes, plus attractives... L’exemple du dispositif Eclair, qui partait du même principe, est d’ailleurs éclairant : il a été un échec dans le secondaire.
C’est précisément le statut de fonctionnaire qui permet qu’il y ait un enseignant devant chaque élève. Regardons ce qui se passe avec la désertification médicale et gardons-nous bien de suivre le même chemin en matière éducative !
Une inquiétude supplémentaire est suscitée par le projet que les inspecteurs généraux soient placés sous le régime de l’emploi fonctionnel, avec toutes les questions que cela pose en termes d’indépendance et sur la nature des objectifs qu’ils auront à poursuivre.
Une nouvelle architecture se dessine ainsi. Il n’est pas certain que la réussite des élèves et la réduction des inégalités, qui restent les principaux enjeux de l’école en France, y gagnent. Finalement, les directeurs et directrices d’école risquent de devoir remplir plus de tâches encore : la formation ou l’encadrement, par exemple, en échange de moyens supplémentaires dont on attend la concrétisation.
Je veux redire, à la suite d’autres collègues, combien nous manquons de remplaçants dans nos différents départements. Les décharges auxquels les directeurs pourront désormais prétendre en pâtiront, comme les efforts de formation à engager.
Les directeurs demandaient une revalorisation de leur fonction ; on préfère assouplir les conditions d’accession à ladite fonction. Gérer la pénurie de postes, au lieu de gérer la pénurie de volontaires, n’est pas la solution à nos yeux.
Les quelques motifs de satisfaction, comme la reconnaissance du statut de chargé d’école ou l’obligation, inscrite dans le texte par notre commission, de présenter chaque année devant le conseil départemental de l’éducation nationale un rapport sur l’effectivité des décharges et des remplacements, ne suffisent malheureusement pas à rendre ce texte acceptable à nos yeux.
Néanmoins, je me félicite que deux de nos amendements, visant le périscolaire et la responsabilité des directeurs en matière de plan de sécurisation des écoles – notre groupe les avait fait adopter en première lecture –, soient inscrits dans le texte définitif.
M. Julien Bargeton, rapporteur. Tout à fait !
Mme Céline Brulin. Enfin, malgré les propos que vous avez tenus à l’instant, monsieur le ministre, et que vous avez voulus rassurants j’invite tous nos collègues à rejeter l’amendement que vous avez déposé visant à impliquer les communes dans le soutien matériel et administratif apporté aux directeurs d’école.
Une telle responsabilité incombe à l’État ! Celui-ci ne saurait une fois encore se décharger de ses obligations sur les collectivités, qui ne connaissent que trop ce mouvement.