Affaires économiques
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
L’agrivoltaïsme maîtrisé peut avoir des vertus
Développement de l’agrivoltaïsme en France -
Par Fabien Gay / 4 janvier 2022Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, dans un premier temps, à remercier les auteurs de cette proposition de résolution sur le développement de l’agrivoltaïsme. En effet, ce sujet soulève de multiples questions, dont nous avons eu l’occasion de débattre au cours des derniers mois : revenu des agriculteurs, préservation du foncier agricole, développement des énergies renouvelables et évolution de notre mix énergétique, un des outils permettant d’atténuer les effets du changement climatique.
En ce sens, ce sujet n’est pas anodin, car il soulève de nombreuses interrogations liées à la question de la multifonctionnalité de l’agriculture et de la vocation des agriculteurs à fournir à la société des biens autres qu’alimentaires.
En effet, agriculture et énergie sont fortement liées.
D’une part, l’agriculture est un secteur clef dans la transition énergétique et climatique. Si elle est fortement émettrice de gaz à effet de serre, environ 20 % de la production d’énergies renouvelables française en est issue. À cet égard, l’énergie en agriculture ne peut plus être considérée comme un enjeu secondaire.
D’autre part, les agriculteurs sont les premiers touchés par le changement climatique, par la perte de biodiversité et par l’appauvrissement des sols. Je le répète, ce qui est essentiel dans l’agrivoltaïsme, c’est l’agriculture et non la production d’énergie, qui doit dépendre, selon nous, d’un grand service public national.
Néanmoins, comme la petite hydroélectricité, dont nous avons débattu grâce à une initiative de notre collègue Daniel Gremillet, cette pratique peut avoir, si elle est maîtrisée, quelques vertus. L’agrivoltaïsme peut en effet être un outil agricole ayant pour but premier de protéger les cultures – par exemple des températures extérieures, trop fraîches ou trop élevées, ou de la grêle – ou encore de permettre de réduire la consommation d’eau.
Toutefois, si le secteur agricole a toute sa place dans la production d’énergie, il n’en demeure pas moins qu’il faut veiller à ne pas engendrer des conflits d’usage de la terre et une concurrence entre production alimentaire et production non alimentaire.
Cela peut être le cas pour le photovoltaïque sur les terres agricoles, présenté à la fois comme une énergie renouvelable rentable, comme un complément de revenu pour les agriculteurs et comme une activité compatible avec l’activité agricole, et qui a connu une progression rapide au cours des dernières années, mais qui suscite également de nombreuses résistances.
En effet, alors que 18 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté et qu’un tiers seulement de leurs revenus est issu de l’agriculture, l’énergie solaire a des airs de nouvel « or vert » pour les agriculteurs, qui ont de plus en plus de mal à vivre de leur activité.
Or le risque est grand de voir se développer des fermes photovoltaïques qui stériliseraient les surfaces agricoles et entraîneraient un renchérissement du foncier agricole, de nombreux exploitants accueillant sur leurs terrains des dispositifs photovoltaïques en contrepartie d’un loyer généreux.
Pour autant, toutes les formes de production solaire ne sont pas à exclure. Ainsi, pour l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’agrivoltaïsme est une façon d’éviter les conflits d’usage et il s’intègre dans le système agricole et alimentaire dans son ensemble.
C’est pourquoi il est indispensable, comme le soulignent les auteurs de cette proposition de résolution, de donner une définition précise de l’agrivoltaïsme, afin de le distinguer du photovoltaïque au sol.
De même, il est indispensable de rappeler que la production alimentaire doit rester la priorité et que le développement du photovoltaïque doit se faire au service de la production agricole. C’est le cas du photovoltaïque innovant.
C’est pourquoi il convient de mieux cibler les aides en faveur de ce mode de production énergétique plus respectueux de la priorité agricole, tout en encadrant strictement les surfaces de production solaire et les loyers proposés aux agriculteurs, afin que la part du revenu tiré de la production énergétique ne soit pas disproportionnée par rapport à celle du revenu tiré de la production agricole.
La question du revenu paysan ne se résoudra pas par la multiplication des revenus complémentaires, voire de substitution. Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce débat continuera de nous animer.
Cette proposition de résolution est un premier pas que nous saluons. Malgré les questionnements que je viens d’évoquer, nous la voterons avec plaisir.