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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’adhésion d’un 30e pays à l’OTAN est dangereusement anachronique

Accession de la République de Macédoine du Nord à l’OTAN -

Par / 17 octobre 2019

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour commencer, je tiens à remercier le président de la commission, Christian Cambon, d’avoir demandé l’inscription en séance publique de ce débat sur la ratification de la convention d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN. C’est en effet un sujet d’importance, qui ne saurait être expédié sans réflexion.

De quoi s’agit-il ? De sécurité régionale, nous disent les partisans de cette adhésion. Permettez-nous d’en douter.

En vérité, le processus d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN a été engagé en 1995, quand les États-Unis ont décidé de hâter l’entrée dans l’OTAN de tous les pays des Balkans issus de l’éclatement de la Yougoslavie et de la guerre qui a ensanglanté la région.

En vérité, les États-Unis ont alors entrepris ce qu’ils appellent encore aujourd’hui « l’extension de la ligne de front de l’OTAN vers la Russie ». Cette politique concerne les Balkans et tous les pays de l’est de l’Europe jusqu’à l’Ukraine.

En 2003 était signée la charte de l’Adriatique avec les États-Unis, qui poussait les feux de ce projet et constitue jusqu’à aujourd’hui le motif premier de cette adhésion.
C’est ce projet américain qui enregistrera un nouveau progrès si nous ratifions aujourd’hui cette adhésion, dont le ressort principal ne relève donc pas d’un projet partagé de sécurité régionale, mais bien de l’accélération du processus d’élargissement de l’OTAN vers l’est de l’Europe, sous impulsion américaine.

Il y a presque trois ans, notre chambre débattait de l’adhésion du Monténégro à l’OTAN, intervenue en 2017. Cohérent, notre groupe soulignait déjà dans ce débat les dangers de la militarisation atlantiste de la zone balkanique, qui, loin d’améliorer sa sécurité, en fait, au contraire, une plaque sensible du surarmement comme du commerce, légal et illégal, des armes entre l’Europe et les zones de conflit moyen orientales.

De surcroît, cette adhésion s’accompagnera d’une contrepartie, exigée des pays membres de l’OTAN : l’augmentation des dépenses militaires de la Macédoine du Nord, qui devront atteindre 2 % de son PIB, contre 1,35 % aujourd’hui. Celles du Monténégro ont déjà grimpé de près de 25 % en trois ans, passant de 56 millions d’euros à 71 millions d’euros.

Est-ce de cela que ces pays ont un urgent besoin ? Selon l’Organisation internationale du travail, la pauvreté touche 41 % de la population de Macédoine du Nord. N’y a-t-il pas de priorité plus urgente ?

Le comble est que cette intégration à l’OTAN ne semble en rien être le prélude à une adhésion à l’Union européenne, contrairement à ce que l’on nous dit. Les mêmes qui poussent les pays balkaniques à entrer dans l’organisation militaire atlantique sont les premiers à repousser aux calendes grecques l’intégration économique et politique de ces pays.

Dès lors, ils ne peuvent même pas nous expliquer qu’il s’agit de jeter les bases d’un futur de système de défense européen, puisque la Macédoine du Nord adhérera à l’OTAN, mais sera soigneusement maintenue dans l’antichambre de l’Union européenne, sans espoir d’en sortir à court ou à moyen terme.

Quel est donc le sens de cette adhésion, qui sonnera comme une victoire pour les États-Unis au moment même où ceux-ci et leurs alliés turcs, également très actifs dans la région balkanique, viennent de provoquer une crise majeure de l’OTAN en tournant le dos à leurs alliés européens de la coalition en Syrie et en lançant une offensive condamnée par nous tous contre les Kurdes ?

L’adhésion d’un trentième pays à l’OTAN est dangereusement anachronique. Elle torpille toute velléité d’une réflexion indépendante sur un nouveau système de sécurité collective en Europe. Elle tourne le dos aux autres modèles de coopération nécessaires. Elle affaiblit le rôle de l’ONU au profit d’un système aligné, désuet et dangereusement miné par outrances américaines et par les contradictions entre ses principaux contributeurs.

Nous devrions parler avec la Russie ; c’est d’ailleurs ce qu’affirme désormais le Président de la République, mais l’élargissement de l’OTAN éloigne encore cette perspective.

Cette adhésion fera monter la tension. Comme le rappelle le Président de la République fédérale d’Allemagne : « Celui qui croit augmenter le niveau de la sécurité avec des parades de chars sur le front est de l’alliance se trompe ». Tel est pourtant l’objectif sans cesse énoncé par le secrétaire général de l’alliance atlantique.

Il faut cesser d’urgence la course à la confrontation dans laquelle l’OTAN joue un rôle de premier plan, comme le montre son action de plus en plus contestable dans les récentes crises et conflits internationaux et, tout au contraire, relancer d’urgence l’initiative politique pour une nouvelle conférence paneuropéenne sur la sécurité collective du continent.

L’OTAN a besoin non pas d’un trentième adhérent, mais de la tenue d’un débat parlementaire en urgence, dans lequel nous, parlementaires français, prendrons le temps d’évaluer le sens de la situation et de cette alliance, ainsi que notre rôle au sein de son commandement intégré.

Arrêtons la machine infernale de l’escalade militaire qui s’est remise en route au plan mondial et élaborons d’autres systèmes de sécurité collective du XXIe siècle, avant qu’il ne soit trop tard.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons contre cette ratification. N’y voyez pas un geste de défiance à l’égard de la Macédoine du Nord : notre vote est un appel à reprendre d’urgence notre destin en main, loin des visées bellicistes dans lesquelles, à défaut, la France et l’Europe risquent de se trouver entraînées toujours plus loin.

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