Ces dirigeants et leur méthode sont la honte de l’Europe !
Accord UE-Grèce -
Par Pierre Laurent / 15 juillet 2015Nous abordons le vote crucial d’aujourd’hui, conscients que le week-end écoulé et le coup qu’il a porté à l’idée européenne marqueront durablement les esprits.
Trois sentiments animent notre groupe. Le premier est la volonté de défendre l’intérêt du peuple grec, qui a eu le courage de se lever – le 25 janvier et lors du référendum – pour crier à la face de l’Europe sa souffrance et son exigence de voir se lever le pilon qui l’écrase.
M. Bruno Sido. Ah !
M. Pierre Laurent. Nous redisons ce soir : « Vive ce peuple grec digne et libre ! », et nous saluons Alexis Tsipras, dont le courage et la responsabilité politique sont exemplaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Bruno Sido. Ah oui ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Laurent. Notre deuxième sentiment, c’est la colère contre la violence de nombre des dirigeants de l’Union européenne, au premier rang desquels Angela Merkel et Wolfgang Schäuble. Ils viennent de montrer quels intérêts ils défendent. Qu’un peuple se lève contre l’ordre libéral et l’oligarchie financière, et leur seule préoccupation est de le soumettre et de le punir. Depuis le premier jour, ils n’ont jamais recherché un accord viable avec la Grèce et ont organisé, dès le lendemain du 25 janvier, son asphyxie financière. Ils voulaient la tête d’Alexis Tsipras.
Le référendum a douché leur tentative de coup de force. Ils se sont alors acharnés jusqu’à la dernière minute à provoquer un « Grexit » de fait. Alexis Tsipras, porteur du mandat que lui avait confié son peuple de rester dans la zone euro et de faire respecter la souveraineté de la Grèce, dans l’Union européenne, s’y est refusé à juste raison. Dès lors, leur choix a été l’humiliation et le chantage pour imposer, le couteau sous la gorge, un nouveau plan drastique à la Grèce. Ces dirigeants et leur méthode sont la honte de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.) Des millions d’Européens ne l’oublieront pas.
Notre troisième sentiment est une très grande inquiétude quant à l’avenir de l’Europe. Elle saignera dans les cœurs et dans les têtes de millions d’Européens si elle continue ainsi. Tous ceux qui persistent à soutenir de telles méthodes prennent une très grave responsabilité devant l’histoire ! Des frustrations et humiliations engendrées par une telle arrogance et la seule loi du plus fort naîtront des monstres politiques, qui grandissent déjà au cœur de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Patrick Abate. C’est déjà arrivé !
M. Pierre Laurent. La première leçon à tirer des événements est l’impérieuse nécessité de la refondation sociale, politique et démocratique de l’Union européenne et son émancipation urgente des logiques financières qui l’étouffent.
L’accord qui nous est soumis écarte à première vue le Grexit, qui était, et qui reste, l’objectif des dirigeants allemands. Alexis Tsipras a dit hier, avec une grande loyauté à l’égard de son peuple, dans quelles conditions il a assumé un accord, contraint et forcé, pour éviter ce cauchemar.
Je sais, que devant la brutalité de l’accord, certains en viennent à penser que le Grexit ne serait plus qu’un moindre mal. Je ne le crois pas, et les Grecs ne le croient pas non plus. Une sortie de la zone euro ferait passer la Grèce de la crise humanitaire à l’hécatombe. Regardez comment, dans le dos de M. Schäuble, Marine Le Pen et les siens attendent le Grexit comme la victoire enfin remportée pour sonner le glas de la solidarité européenne !
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Pierre Laurent. Cependant, l’accord n’a pas réellement écarté ce risque, car on a choisi d’imposer à la Grèce une mise sous tutelle insupportable et de nouvelles mesures d’austérité draconiennes. Joseph Stiglitz a déclaré que les efforts demandés à Athènes « dépassaient la sévérité », qu’ils « recelaient un esprit de vengeance ». Si les exigences des créanciers sont respectées jusqu’au bout, elles s’avéreront une nouvelle fois injustes socialement et contre-productives économiquement.
Alexis Tsipras a redit sa volonté de protéger les plus faibles et d’aller chercher les nouvelles recettes fiscales contre ceux qui s’enrichissent, il a redit la nécessité de réaliser des investissements productifs et d’alléger le fardeau de la dette, mais, en réalité, tout est fait, y compris dans le cadre de l’accord, pour l’en empêcher. Ainsi en va-t-il du programme démentiel de privatisations qui figure dans l’accord. Les rapaces sont déjà à l’œuvre. Vinci est paraît-il déjà sur place pour racheter les aéroports. (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Vautours !
M. Pierre Laurent. Plusieurs engagements financiers, mentionnés à la demande de la Grèce dans l’accord, sont envisagés : un programme de refinancement, un rééchelonnement partiel de la dette et un plan d’investissement. Sans ces engagements, il n’y aura pas de relance. Or, sous la pression de l’Allemagne, tous ces engagements sont rendus hypothétiques et seront soumis au chantage permanent des créanciers ! C’est le supplice de Tantale qui continue.
Quant à la France, si le Président de la République a joué tardivement un rôle positif pour éviter le Grexit, elle a accepté au cours de la dernière nuit que le prix exorbitant à payer soit fixé par Angela Merkel, qui a finalement dicté ses conditions. La France n’est donc pas quitte. Après cela, nous pouvons encore moins nous remettre à célébrer, comme si de rien n’était, le couple franco-allemand « indestructible ».
Il faut poursuivre le débat et la bataille. Certains voudraient refermer la parenthèse grecque. Notre intérêt commun est au contraire de pousser au changement dans toute l’Europe pour libérer le continent des forces libérales.
La France doit agir immédiatement pour obtenir le déblocage immédiat – il n’est toujours pas acquis – des liquidités de la Banque centrale européenne, sans que ce déblocage soit soumis à de nouvelles conditions. Elle doit également agir pour mobiliser le plus vite possible les 35 milliards d’euros d’investissements prévus, en engageant sans tarder la contribution de la France et en proposant à d’autres pays de se joindre à la création d’un fonds de développement pour la Grèce adossé à la Banque centrale européenne.
M. Jean Bizet. Il n’y a plus d’argent !
M. Roger Karoutchi. Avec quel argent ?
M. Pierre Laurent. La France doit enfin travailler à concrétiser le rééchelonnement de la dette.
Notre vote d’aujourd’hui est un acte de lutte et de solidarité aux côtés du peuple grec, d’Alexis Tsipras et de Syriza.
M. Bruno Sido. Qui va payer ?
M. Pierre Laurent. Nous sommes solidaires de leurs choix et nous assumons leur difficile et courageux combat. Nous sommes à leurs côtés pour dire non à l’expulsion de la Grèce, mais nous disons d’un même mouvement, au nom de la France et du rôle qu’elle doit jouer, que l’accord scandaleux imposé à Bruxelles n’est pas digne de l’Europe et qu’aucun maintien dans l’euro ne peut le légitimer. Voilà pourquoi le groupe CRC votera majoritairement contre cet accord.