L’Ukraine dans l’Otan ?
Conseil européen des 29 et 30 juin 2023 -
Par Pierre Laurent / 19 juin 2023Frêt ferroviaire, guerre en Ukraine, marché de l’énergie... Le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 29 et 30 juin 2023 qui s’est tenu au Sénat le mardi 20 juin dernier a été l’occasion pour Pierre Laurent, Sénateur de Paris, de revenir sur quelques points chauds de l’actualité.
Les questions à l’ordre du jour de ce Conseil européen sont nombreuses. Il y a des contradictions entre les grandes déclarations et nombre de décisions récentes. Nous ne décolérons pas contre l’accord entre la Commission européenne et la France sur le démantèlement de la filière fret de la SNCF, aberration sociale et écologique.
De même, la réforme du marché de l’électricité, entrée dans le trilogue, est bien en deçà des ambitions. Elle persiste dans une logique de marché qui sera néfaste aux PME et aux collectivités locales, ainsi qu’à l’investissement. Dans dix jours, nous sauterons sans filet avec la suppression des tarifs réglementés du gaz, sans contrepartie.
Alors que la crise sociale est générale, aucun point de l’ordre du jour ne porte sur les questions sociales. Je salue l’accord du 12 juin sur les travailleurs des plateformes, mais sa mise en oeuvre s’annonce très longue. C’est par ailleurs le moment choisi par Macron pour faire d’Elon Musk la grande vedette des plateaux de télévision et celui que les patrons s’arrachent. C’est aberrant, alors que nous affirmons notre souveraineté économique.
Nous sommes par ailleurs dans une logique, non de compétition, mais de guerre économique, dans laquelle s’inscrivent nos relations avec la Chine, qui ne semble plus être traitée qu’en rivale systémique, ce qui n’était pas le cas il y a quatre ans. Nous refusons de nous attaquer aux causes réelles de nos handicaps industriels, qui viennent surtout de nos propres décisions. Nous voulons rattraper notre retard avec le Green Deal, très bien, mais si la Chine produit autant de panneaux photovoltaïques, d’éoliennes et d’électrolyseurs, demandons-nous ce qui a failli chez nous.
Que pensez-vous du passage du rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz : « Dans la course qu’elle a engagée pour construire avant les autres un nouveau modèle de croissance verte, c’est-à-dire pour définir les standards de demain et établir une position forte dans les industries du futur, l’Europe prend le risque d’additionner les handicaps. Elle cumule en effet retards industriels, coût de l’énergie élevé, exposition aux fuites de carbone et volonté de ne pas s’écarter de la discipline budgétaire. » Tirerons-nous les leçons de ce constat pour être moins belliqueux et plus offensifs ?
Sur la guerre et le futur sommet de Vilnius, vous avez été très peu loquace, madame la ministre.
La France donnera-t-elle au Conseil européen et à Vilnius son feu vert à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan ? Le Parlement a le droit d’être informé si la France est en train de changer de position sur cette question. Dans ce cas, la frontière orientale de l’Union européenne serait transformée en ligne de front de l’Otan de l’Arctique à la Méditerranée. Ce n’est pas de cette façon que nous obtiendrons le retrait des troupes russes des territoires qu’elles occupent illégalement.
L’alternative à la guerre devrait être la coalition de tous pour des solutions pacifiques. La surmilitarisation de l’Europe ne nous met pas sur ce chemin. J’espère que la France ne donnera pas ce feu vert, qui ne ferait qu’aggraver les problèmes.