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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ces plateformes précarisent les travailleurs et sont un danger pour notre modèle social

Droits sociaux des travailleurs numériques -

Par / 15 janvier 2020

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit ce soir est majeur.

Madame la ministre, j’y reviendrai plus tard, mais j’ai été effaré de ce que vous avez indiqué sur la situation des travailleurs des plateformes ! Franchement ! Vous avez quand même évoqué Deliveroo et Uber et, vous le savez – nous le savons tous –, il ne s’agit pas d’un problème concernant une poignée de travailleurs. Tous ceux qui ont vu le film de Ken Loach, qui témoigne magistralement des méfaits de l’ubérisation, voient bien de quoi je parle ; cela dépasse d’ailleurs les seuls travailleurs des plateformes.

Il s’agit de l’idée selon laquelle le travail doit donner, dans notre société, accès au statut protecteur de l’emploi, et je ne vous ai pas entendue le dire. Il s’agit aussi de l’idée selon laquelle nous devons tous – citoyens et travailleurs, mais aussi entreprises – être égaux devant la loi.

Le modèle sur lequel reposent les plateformes numériques de travail représente un danger pour notre modèle social, en raison de l’extrême paupérisation qu’il provoque, madame la ministre ; j’avoue que j’ai été scotché de ne pas entendre un mot à ce sujet. Je vous ai attentivement écoutée, et vous avez dit qu’il fallait « améliorer » la protection sociale des travailleurs des plateformes… Mais ils n’en ont pas, madame la ministre ! Ou quasiment pas ! Allez donc voir par vous-même !

Ce phénomène constitue aussi un danger pour notre modèle économique. En effet, nos TPE, nos PME, nos artisans et nos petits commerçants subissent la concurrence déloyale des plateformes, qui ne respectent ni le droit commercial – vous ne l’avez pas indiqué –, ni le droit du travail, ni la protection sociale.

Il est donc nécessaire et urgent d’intervenir, avec tout le sérieux et toute la rigueur que cette question mérite, au regard de ses nombreux enjeux et de ses implications.

Néanmoins, je le dis, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste craint que la proposition de loi que nous examinons ne réponde pas à cette impérieuse exigence. Ainsi, nos collègues socialistes le verront, si nous avons voté pour la proposition de loi précédente et pour de nombreux amendements s’y rapportant, nous aurons une autre attitude sur ce texte, parce que nous trouvons que son approche est trop lacunaire – je le dis avec sincérité, avec authenticité – et même un peu maladroite sur certaines questions.

En effet, le texte de cette proposition de loi fait référence à la notion de plateforme « de mise en relation par voie électronique ». Cette expression n’est d’ailleurs pas étonnante, puisque ce sont les termes de la loi El Khomri servant à désigner les plateformes comme Uber et Deliveroo.

D’ailleurs, cette loi a permis à ces acteurs de faire totalement ce qu’ils voulaient. En effet, elle visait à faire croire que ces plateformes n’étaient que des intermédiaires, de simples outils de mise en relation, et qu’elles n’avaient donc pas à appliquer la législation pour les chauffeurs et les coursiers.

En réalité, nous avons bien affaire à des plateformes de travail. La Cour de justice de l’Union européenne a d’ailleurs, depuis lors, confirmé cette analyse : la mise en relation n’est que l’accessoire de l’activité principale de ce type de plateformes, qui ne peuvent prétendre se présenter comme de simples plateformes de mise en relation.

Cela dit, il existe de vraies plateformes de mise en relation entre des clients et des indépendants. C’est pourquoi il faut faire la clarté sur ces questions, car les plateformes dont nous parlons n’ont pas vocation à donner davantage de visibilité à des entrepreneurs sur le marché. Or cette proposition de loi, en se référant à la notion de plateforme « de mise en relation », nous semble se tromper de cible. C’est grave. Nous avons bien compris qu’il est proposé, au travers d’un amendement, de préciser les conditions, mais cela ne suffira pas à nous faire approuver le texte.

Prenons des exemples simples : les créatrices de bijoux qui proposent leurs produits sur la plateforme Etsy – pas du tout concernées par notre sujet – ; l’artiste peintre qui expose certaines de ses toiles sur la plateforme Singulart ; ou encore le free-lance qui choisit des missions dans son domaine professionnel via la plateforme Malt. Allons-nous forcer toutes ces personnes, qui élargissent leur clientèle par ce biais, à endosser la qualité, très inadéquate pour eux, de salarié ? Allons-nous forcer des plateformes qui ne sont pas coupables de fraude, d’infraction à la loi ou de concurrence déloyale à changer leur forme sociale pour devenir des coopératives d’activité économique au seul motif qu’elles sont numériques ? Nous pensons donc que, en l’état, ce texte constitue une entrave injustifiée à la liberté d’entreprendre et un dévoiement du statut salarial.

À propos de dévoiement, le texte prévoit en outre comme seule échappatoire à un statut salarial forcé la coopérative d’activité et d’emploi.

Tout d’abord, pour ce qui concerne l’organisation en coopérative, n’inventons pas l’eau chaude, mes chers collègues ; des coopératives éthiques et démocratiquement gérées existent déjà pour les travailleurs des plateformes. Je pense par exemple à CoopCycle, mais on peut aussi citer les coursiers de Bordeaux, de Nantes, de Lyon ou de Toulouse. Néanmoins, ces coopératives sont nées de la volonté des travailleurs de s’unir. Imposer cette forme sociale présenterait le danger de dévoyer le projet des coopératives d’activité et d’emploi et de leur faire perdre en pouvoir et en démocratie. Il y a donc là une erreur.

En outre, cela reviendrait à les forcer au portage.

Nous n’allons donc pas voter ce projet de loi, même si nous voterons l’amendement, parce qu’il tend à rectifier un peu le tir en déterminant plus précisément les plateformes visées ; il s’agit notamment d’indiquer qu’elles fixent les prix des prestations.

Madame la ministre, je ne suis pas spécialement de mauvaise humeur ce soir (Sourires sur les travées du groupe CRCE.), mais avez-vous suivi l’évolution des logiciels et des algorithmes déterminant les courses, les conditions de travail, les trajets, la rémunération des travailleurs de Deliveroo, d’Uber et des autres ? Mais ce sont les canuts du XXIe siècle ! Vous connaissez les rémunérations, le nombre d’accidents ?

M. le président. Il faut conclure, car vous êtes en train de dépasser votre temps de parole !

M. Pascal Savoldelli. Nous voterons donc pour l’amendement, mais nous pensons qu’il faut poursuivre ce travail.

Nous avions d’ailleurs soumis une proposition à l’ensemble des groupes, en déposant un texte le 13 septembre dernier, mais nous avons été étonnés du silence radio qui a suivi, y compris de la part de nos collègues socialistes. C’est dommage ; on aurait pu avoir un texte complet, que nous aurions pu voter ensemble.

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