Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Derrière « confiance et simplification », il faut lire « nouveau management public » et « austérité »
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification -
Par Cathy Apourceau-Poly / 17 février 2021Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe a déposé une motion tendant à opposer la question préalable, car nous pensons que ce texte ne peut pas être amélioré.
Comme l’a rappelé ma collègue Laurence Cohen, sa philosophie globale est contraire au service public national de la santé que nous défendons depuis plusieurs années. Derrière les mots « simplification » et « confiance », il faut lire : « management public des hôpitaux et autonomie renforcée pour gérer l’austérité ».
La proposition de loi de la députée Rist, qui est en réalité celle du Gouvernement, est pour le moins hétéroclite mais non dépourvue de cohérence puisqu’elle tend à l’affaiblissement du service public. Plutôt que d’investir massivement et durablement dans notre système de santé, ce texte propose de ronger les murs porteurs de l’hôpital. Après un Ségur raté, vous nous proposez une loi fourre-tout qui ne répond en rien aux attentes des soignants, ni même des usagers.
Depuis trente ans, les politiques d’austérité ont entraîné la fermeture d’hôpitaux, de maternités, de centres de santé publique, de caisses d’assurance maladie. L’éloignement des services publics a créé une véritable rupture d’égalité, notamment pour les plus fragiles.
À l’heure des débats sur le séparatisme, votre politique d’affaiblissement des services publics renforce le séparatisme financier qui met son argent au Luxembourg.
Vous renforcez aussi le séparatisme économique qui licencie après avoir bénéficié de milliards d’aides publiques.
Enfin, vous renforcez le séparatisme social de celles et ceux qui n’ont pas les moyens d’accéder aux soins.
Cette proposition de loi donne l’illusion aux personnels hospitaliers qu’en contrepartie du renforcement de l’autonomie des hôpitaux ils pourront dégager des économies suffisantes pour sortir des baisses des dotations. Quelle déception ! Quels mensonges !
Alors que certains services n’ont même plus les moyens d’acheter des couvertures pour les malades ni de renouveler le matériel vétuste, ce texte va aggraver la situation.
En renforçant l’autonomie des hôpitaux, vous accélérez la mise en concurrence des établissements publics de santé entre eux, comme si celle avec les établissements privés lucratifs et non lucratifs ne suffisait pas.
Vous créez une profession d’auxiliaire médical en pratique avancée. Vous avez certainement oublié l’activité professionnelle des infirmiers anesthésistes diplômés d’État qui se livrent depuis de nombreuses années à un exercice de pratique avancée !
Je suis certaine que vous allez revoir votre copie et que vous allez les écouter...
Ne pensez-vous pas qu’il est temps, monsieur le ministre, de satisfaire les véritables besoins des personnels médicaux et paramédicaux ? C’est urgent et nécessaire. Arrêtez donc de présenter des lois qui ne sont que du bricolage à cinq sous !
Les personnels ont besoin de considération, de recrutements, de revalorisation salariale et d’amélioration de leurs conditions de travail. Telles sont les solutions pour remédier à la pénurie.
Plutôt que de renforcer le pouvoir des chefs de service, il faut renforcer la démocratie sanitaire et garantir une meilleure représentation de l’ensemble des usagers, des personnels et étudiants en santé, dans la prise de décision.
La réforme des universités qui a suivi le même chemin que celle de la santé offre un exemple instructif. Le renforcement de l’autonomie des facultés s’est traduit par une baisse du budget de l’enseignement supérieur de 10 % entre 2008 et 2018. Dans le même temps, le nombre d’étudiants progressait de 20 %.
L’accélération de l’intégration des hôpitaux dans les GHT, prévue à l’article 7, ne répond absolument pas aux revendications des personnels hospitaliers. Elle éloigne des usagers les dispositifs de santé dont ils pourraient avoir besoin.
Votre dispositif anti-intérim se retourne contre les directeurs d’établissement qui devront fermer des services plutôt que recourir à l’intérim, s’ils veulent éviter les sanctions financières. Il conviendrait au contraire de sanctionner les entreprises de travail temporaire qui ne respectent pas le plafond de rémunération.
Nous proposons de rétablir les gardes de nuit, du week-end et des jours fériés, en indemnisant correctement les médecins qui effectuent ces astreintes.
Quant aux besoins des personnes en situation de handicap, vous y répondez par la mise en place d’une plateforme unique d’accès aux droits. Pourquoi pas ? Il est en effet indéniable que l’accès aux droits est un vrai parcours du combattant tant pour ces personnes que pour les aidants.
Cependant, où sont les mesures pour les établissements médico-sociaux ? Où sont les revalorisations salariales ? Les décrets pris à l’automne ont exclu du Ségur de la santé les personnels exerçant dans ce secteur. Or la négociation en cours pour la fusion des conventions collectives risque de dégrader encore leurs conditions de travail. Un numéro vert ou une plateforme peuvent être un progrès, mais celui-ci ne doit pas cacher la misère !
Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE votera contre cette proposition de loi.