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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Nationaliser les autoroutes, ce serait utiliser leurs bénéfices pour l’intérêt général

Nationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes -

Par / 8 mars 2019

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà quelques semaines, une large majorité s’est dégagée ici, indépendamment des clivages politiques, pour s’opposer à la privatisation d’Aéroports de Paris. Ce vote a été largement salué dans le pays. L’exemple de la privatisation des autoroutes était alors dans toutes les têtes et son échec sur toutes les lèvres.

Je me souviens que, du côté droit de l’hémicycle, on a même fort justement affirmé que cette privatisation avait été une expérience « catastrophique ».

En cohérence, notre groupe a souhaité remettre le sujet de la nationalisation des autoroutes au cœur de nos discussions. La proposition de loi que nous proposons mérite d’être examinée sans a priori idéologique. Elle invite d’abord à s’interroger sur le rôle de l’État dans l’aménagement du territoire. L’État n’est aujourd’hui plus en mesure de faire prévaloir l’intérêt général face à la puissance des sociétés concessionnaires : le droit des contrats passés devient plus fort que la souveraineté politique.

Dernier exemple en date, à mes yeux parmi les plus choquants, l’exonération de péages votée pour les véhicules de secours devrait, selon ces contrats, conduire à une indemnisation par l’État des sociétés concessionnaires. Pour cette raison, cette exonération ne sera pas appliquée et les véhicules de police, des pompiers ou du SAMU continueront de s’acquitter des péages !

Avec la privatisation, l’État a renoncé à un levier politique puissant. Oui, mes chers collègues, les autoroutes sont tout aussi stratégiques que les aéroports franciliens au regard des défis écologiques et des défis de désenclavement et d’égalité territoriale. L’État a organisé sa propre incapacité à mettre en place une tarification sociale ou environnementale, à œuvrer en faveur de la complémentarité entre modes de transport et à réaliser le report modal du routier vers le ferroviaire.

La privatisation est aussi une aberration économique aux conséquences lourdes.

On peut débattre à l’infini des chiffres des bénéfices et des dividendes perçus et distribués par les sociétés concessionnaires. Il reste qu’il y a bien un consensus sur la « rentabilité exceptionnelle » des autoroutes, pour reprendre les termes de l’Autorité de la concurrence, rentabilité – certains d’entre vous ont parlé à juste titre de « rente » – qui ne cesse de croître et qui a rapidement permis aux sociétés en question de récupérer leur mise de départ. Les autoroutes sont donc un bien économiquement viable permettant, sans prise de risques, d’obtenir d’importants bénéfices.

Or cet argent ne tombe pas de nulle part. C’est celui des Français, qui subissent la hausse des tarifs, laquelle, après une accalmie, a repris au mois de février.

L’État lui aussi continue d’être mis à contribution, tout comme les collectivités territoriales. Ces dernières participent notamment aux investissements lorsqu’il s’agit de construire de nouvelles bretelles raccordant les territoires au réseau autoroutier. J’en connais des exemples en Normandie, mais chacun d’entre nous pourrait en citer concernant son territoire.

Nationaliser les autoroutes permettrait donc d’utiliser ces bénéfices pour l’intérêt général en permettant à l’État de trouver de nouvelles ressources pour le financement des infrastructures. L’Agence de financement des infrastructures de transport de France a en effet été privée de ressources pérennes par la privatisation, ce qui l’empêche d’assumer son rôle, aussi bien pour favoriser la mobilité sur tout le territoire que pour permettre le report modal nécessaire à l’urgence écologique et à la sécurité routière.

Alors que nous nous apprêtons à débattre dans les prochains jours du projet de loi d’orientation des mobilités, dont la programmation est totalement sous-financée, il serait judicieux de s’appuyer sur une source pérenne de financement plutôt que sur un doublement des recettes des radars, comme l’ont évoqué certains de nos collègues.

Enfin, et peut-être surtout, il est nécessaire d’assumer le caractère politique de cette question. Les « gilets jaunes », à la suite de nombreuses associations d’usagers qui agissent en ce sens depuis des années, se sont chargés de nous le rappeler. La nationalisation des autoroutes fait partie de leurs principales revendications, comme en témoignent les nombreuses opérations « péage gratuit ».

Ce que les « gilets jaunes » ont aussi rappelé, c’est que l’organisation actuelle du système autoroutier ne fonctionnait pas : entre ceux qui ne peuvent se permettre d’emprunter les autoroutes trop chères, ceux pour qui ces dépenses ne cessent de peser dans le budget et ceux qui sont tout simplement exclus du réseau autoroutier, les Français ont tordu le cou à cette conception technocratique et coupée des réalités sociales selon laquelle tout va bien tant que les autoroutes sont bien entretenues.

Je précise d’ailleurs que la comparaison entre l’état des autoroutes et celui des routes secondaires plaide, elle aussi, pour la nationalisation. En effet, si les sociétés gestionnaires ont les moyens de réaliser les travaux nécessaires, c’est bien parce qu’elles bénéficient d’une source de financement que n’ont pas les routes secondaires. La nationalisation permettrait donc une redistribution plus favorable au réseau secondaire.

Les revendications de la population sont très claires : on ne veut pas d’une renationalisation dans dix, vingt ou trente ans, au risque très probable que les contrats actuels soient reconduits jusqu’à constituer une privatisation indéfinie de fait. Non ! On veut simplement arrêter de payer dès maintenant pour un service qui devrait être public et qui sert des intérêts particuliers.

Mes chers collègues, montrons, montrez à nos concitoyens que vous n’êtes pas sourds à leurs revendications et que vous souhaitez répondre au vent de colère qui souffle dans notre pays. Avec nous, votez la nationalisation des autoroutes !

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