Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

C’est donc à une nouvelle poussée de fièvre spéculative que devrait conduire l’accord issu du dernier Conseil européen !

Quatrième loi de finances rectificative pour 2011 :question préalable -

Par / 13 décembre 2011

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’appel à l’union nationale face à la crise qui vient d’être lancé, les propos que je tiendrai seront quelque peu différents.

Selon les experts, le déficit public des pays de la zone euro s’élèvera, en 2012, aux alentours de 4 % de leur produit intérieur brut. Au Japon et aux États-Unis, ce déficit atteindrait même 9 % du PIB. La réduction des déficits n’est donc pas une priorité absolue, et encore moins le Graal de la gestion financière !

C’est ainsi que, très récemment, au mois d’août, l’économiste Henri Sterdyniak, de l’Observatoire français des conjonctures économiques, commentant les politiques budgétaires actuellement en vigueur en Europe, écrivait ceci : « Les pays européens ne peuvent pas vivre en permanence dans l’angoisse des agences de notation. Cela reviendrait à dire que ces agences auraient un droit de regard perpétuel sur les politiques économiques. La bonne stratégie est de faire la politique économique que nous jugeons bonne et de compter sur la Banque centrale européenne, la BCE pour maintenir des taux d’intérêt relativement bas. La BCE doit dire que, si nécessaire, elle achètera des titres de la dette publique. Aujourd’hui, des pays qui sont hors zone euro, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, le Japon, ont des déficits et des dettes publics plus importants que la zone euro mais ont des taux d’intérêts beaucoup plus bas. »

Bien évidemment, je ne me livrerai pas à l’exégèse du discours de l’un de ces économistes « atterrés » qui n’ont, bien entendu, pas l’oreille de l’Élysée, de Bercy et de Matignon. Je relèverai malgré tout quelques points.

Tout d’abord, depuis la semaine dernière, les tenants de l’actuelle politique gouvernementale laissent croire à qui veut bien l’entendre que l’Europe a pour ainsi dire été refondée par l’accord entre les deux partenaires du couple franco-allemand, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.

Une telle lecture des faits appelle plusieurs observations.

Premièrement, elle nie l’évidence, c’est-à-dire le fait que la démocratie apparaît bel et bien comme le cadet des soucis des auteurs de l’accord, puisque les politiques budgétaires de tous les pays de la zone euro et de l’Union européenne se trouveront ainsi placées sous tutelle.

M. Patrick Ollier, ministre. Sous tutelle de qui ?

M. Éric Bocquet. D’ailleurs, les gouvernements de ces États sont nommés sans l’avis des citoyens.

Ce faisant, ces pays seront placés sous tutelle tant de la Commission européenne, qui, au demeurant, n’est jamais apparue comme la quintessence de l’institution démocratique – de fait, elle reste sourde aux aspirations des peuples et largement sujette aux pressions des lobbies les plus divers –, que de la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE, devenant, par un jeu institutionnel pour le moins ahurissant, le juge en dernier ressort des politiques économiques et budgétaires des États !

Deuxièmement, cet accord ne remet nullement en question les dispositions du traité de l’Union européenne relatives à la place et au rôle de la Banque centrale européenne.

Par un stupéfiant retournement dialectique dont la logique nous échappe quelque peu, la BCE garde ainsi comme objectif fondamental la lutte contre l’inflation, et, à cette fin, elle conserve toute latitude pour limiter la création monétaire, assurant de fait la « sécurité » des moyens de paiement, c’est-à-dire le maintien du monopole réel des banquiers sur ces derniers. On croit rêver !

À ce titre, la BCE se trouve autorisée à prêter, au taux défiant toute concurrence de 1 %, aux banques privées toutes les liquidités dont elles pourraient avoir besoin pour réaliser leurs règlements interbancaires. En revanche, il est toujours interdit à la Banque centrale européenne de prêter de l’argent pour financer, en premier ressort, les politiques publiques des États membres de la zone euro et, singulièrement, toute politique d’investissement public susceptible de créer les conditions de la croissance.

L’Espagne, la Grèce ou l’Italie sont autorisées à rester aux prises avec les retards et handicaps économiques de certaines de leurs régions les moins développées, la BCE ne bougera pas d’un pouce pour y remédier !

Dans le même ordre d’idées, les États ne peuvent solliciter la BCE pour répondre aux nécessités de leurs choix budgétaires et économiques, notamment s’ils ont le mauvais goût d’être à l’origine de déficits budgétaires temporaires ou conjoncturels. Mais quel progrès la construction européenne a-t-elle donc accompli dans ces circonstances ?

Résumons-nous : la BCE prête à une banque privée au taux de 1 %. La même banque privée, pour ne pas laisser cette somme dormir dans un coin sans rapporter un peu d’argent, décide de participer à l’adjudication de titres de dette publique d’un des pays de la zone euro. Elle réalise ainsi une opération pour compte propre, si tant est que nous ayons bien compris le procédé.

Comme la France, malgré son triple A, emprunte à un taux proche de 3,3 %, on voit tout de suite la marge qui peut ainsi se dégager de l’opération. Il en est de même des titres de dette publique d’autres pays, titres qui peuvent tout aussi bien changer de mains en tant que de besoin.

C’est donc, dans les faits, à une nouvelle poussée de fièvre spéculative que devrait conduire l’accord issu du dernier Conseil européen. C’est bien là la méthode du docteur Diafoirus, qui infligeait la saignée à ses patients déjà anémiés !

Comme nous l’avons indiqué, cet accord a justifié et validé les options prises par les politiques en œuvre dans l’Euroland, à savoir l’austérité à tous les étages !

Ces « serrages de ceinture » généralisés ont d’ailleurs eu des conséquences précises sur un plan plus directement politique : en Irlande, le gouvernement en place a été balayé par les électeurs au printemps dernier.

En Espagne, le gouvernement de M. Zapatero a été battu aux élections.

En Grèce ou en Italie, les premiers ministres en place, autant par incapacité à tenir leur programme que par usure, ont été débarqués et remplacés par des « techniciens », issus d’ailleurs des structures de conseil d’une célèbre banque américaine, Goldman Sachs, pour ne pas la nommer ; en Slovénie, le parti social démocrate au pouvoir a subi un revers électoral et ce sont d’autres forces de gauche qui ont obtenu la majorité.

En Allemagne, tous les scrutins régionaux qui se sont déroulés cette année ont conduit au recul de la CDU de la Chancelière Angela Merkel et à la quasi-disparition de son allié proeuropéen et libéral, le FDP.

Au Portugal, le parti au pouvoir a été battu par l’opposition de droite, mais celle-ci est désormais confrontée à un puissant mouvement social contre la politique d’austérité qu’elle entend mener dans le pays.

Quant à la politique d’austérité mise en œuvre par le gouvernement de droite danois, elle a également été sanctionnée par les électeurs, qui ont préféré choisir un gouvernement composé de partis progressistes.

Ainsi, partout sur le territoire de l’Union européenne, le sort des urnes a été contraire aux attentes des tenants actuels de l’austérité.

Je pourrais presque inviter les parlementaires de l’opposition sénatoriale à voter notre motion pour s’épargner cette destinée, mais là n’est pas le sujet !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous devons faire notre travail jusqu’au bout !

M. Éric Bocquet. Il convient de rompre clairement avec la politique et les plans d’austérité menés en France et dans la plupart des pays de la zone euro. D’ailleurs, s’il fallait une preuve de la nécessité de cette mesure, elle résiderait très exactement dans l’examen de la situation des pays aujourd’hui frappés par ces plans.

La Grèce, qu’on a voulu affubler du bonnet d’âne européen, connaît cette année une récession plus grave encore que celle qu’elle avait dû affronter jusqu’alors.

Nous avions, en son temps, rejeté le plan européen relatif à ce pays, au motif, précisément, qu’il ne lui permettait pas de se remettre dans le bon chemin. Les faits semblent, malheureusement, nous donner raison !

La situation de l’Irlande n’est pas meilleure ; quant à la Hongrie, l’appauvrissement de sa population est particulièrement significatif.

Et l’on dit désormais que près d’un ménage français sur six renonce à se chauffer, en raison de la hausse continue des prix de l’énergie domestique !

Le débat sur le projet de loi de finances pour 2012 a été l’occasion, pour la nouvelle majorité sénatoriale, de faire valoir un certain nombre de propositions alternatives face à la volonté dogmatique de réduire les dépenses publiques, volonté utilisée, pour l’heure, pour justifier les choix gouvernementaux.

Mes chers collègues, permettez-moi, à ce stade, de rappeler un certain nombre de faits.

Comment pouvons-nous continuer à lever un impôt sur le revenu dont le produit, proche de 60 milliards d’euros, subit des mesures correctrices atteignant au moins 40 milliards d’euros et bénéficiant d’abord et avant tout aux revenus les plus élevés et, en particulier, aux revenus financiers ?

Comment pouvons-nous continuer à tolérer un impôt sur les sociétés rapportant péniblement, les bonnes années, 50 milliards d’euros, alors que 110 milliards d’euros environ, soit deux fois plus, sont utilisés pour en « corriger » l’application ?

Un impôt dont nous abandonnons les deux tiers du rendement, ce n’est plus un impôt à 33 %, c’est un impôt à 10 % !

Comment, au moment où les comptes publics sont dans le rouge, pouvons-nous accepter qu’un allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune de 2 milliards d’euros soit encore accordé, d’autant que cela vient s’ajouter à l’exonération des biens professionnels et à quelques autres niches venant « miter » cet indispensable impôt ?

Comment pouvons-nous accepter le maintien du dispositif « heures supplémentaires », dont le coût s’avère d’autant plus élevé qu’il est devenu un obstacle à la création d’emplois, notamment d’emplois intérimaires ?

Comment pouvons-nous accepter que persiste un dispositif d’allégement général des cotisations sociales, dont le coût est également très élevé, et qui, depuis dix ans, a ouvert tout grand la « trappe à bas salaires », dans laquelle des millions de travailleurs ont été jetés, sans respect ni pour leurs droits ni pour leurs compétences et qualifications ?

Ces questions, mes chers collègues, nous y avons répondu au cours du débat budgétaire pour 2012. Elles seront, quoi qu’il arrive, au cœur du débat politique des mois à venir. C’est bien parce que notre pays souffre d’un déficit résultant d’abandons successifs et massifs de recettes, qu’il s’agisse de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu des plus riches, de la taxe professionnelle ou de la participation des entreprises au financement du développement local, que nous devons changer totalement de braquet !

La dette publique, mes chers collègues, n’est pas due à un excès de dépenses publiques, aux effectifs pléthoriques de la fonction publique ou à je ne sais quelle dérive des dépenses sociales ; elle résulte bel et bien de décennies de cadeaux fiscaux – ils ont été particulièrement importants au cours de ces dernières années –, qui ont entraîné une diminution des recettes, alors que les besoins sociaux s’accroissaient.

Des années de politique libérale ont laissé aux plus riches, aux grands groupes, des sommes toujours plus considérables à leur libre disposition. Qu’en ont-ils fait ? Nous avons un niveau de dette publique rarement égalé en temps de paix, des déficits publics dont ni le montant ni le niveau n’avaient encore été atteints sous la ve République, un déficit de notre commerce extérieur d’une ampleur également inégalée, et il faudrait continuer, faire comme si de rien n’était et laisser ceux qui ont usé et abusé de l’argent public laissé à leur discrétion continuer de le gaspiller ?

Au moment où les conditions de réalisation du nouveau ministère de la défense en formule « PPP », ou « partenariat public-privé », et l’attribution de ce marché au groupe Bouygues nourrissent désormais les doutes les plus sérieux, on comprend que le gaspillage des deniers publics doit effectivement cesser !

Une réforme fiscale de grande ampleur est la condition sine qua non du redressement de nos comptes. Or, force est de le constater, elle ne figure aucunement dans ce collectif, qui ne comporte que des mesures de portée conjoncturelle, faussement présentées sous couvert d’équité, en faisant évidemment abstraction de ce que je viens de rappeler de notre histoire fiscale récente.

La question de la dépense publique est également au cœur d’un projet réellement alternatif de gestion budgétaire. En effet, nous ne souffrons aucunement d’un trop haut niveau de dépenses publiques.

Au risque d’en étonner certains, je me permets tout de même de vous rappeler, mes chers collègues, qu’il est heureux, pour nos banquiers, nos compagnies d’assurance, nos commerçants, qu’il existe dans notre pays une population de plusieurs millions de fonctionnaires. Comment feraient-ils, s’il n’y avait cette population disposant d’un revenu assuré, versé de manière régulière ?

Je me demande, dans les mêmes termes, ce que ferait l’État lui-même, notamment du point de vue de la régularité de ses propres ressources fiscales.

J’irai même au bout de cette réflexion. Certains se sont gaussés d’une proposition visant à créer 60 000 postes nouveaux dans l’éducation nationale, dont le coût serait prétendument « insupportable » pour les deniers publics. Mais les vingt années passées par 60 000 jeunes diplômés en attente de ces emplois sur les bancs de nos écoles, collèges, lycées et universités, combien cela coûte-t-il à la nation ?

Telles sont donc les raisons qui nous conduisent à vous demander, mes chers collègues, de voter cette motion tendant à opposer la question préalable.

Les dernieres interventions

Finances Les injustices de la solidarité fiscale pour les femmes

PPL Justice patrimoniale au sein de la famille - Par / 19 mars 2024

Finances Médecine scolaire : l’État doit assumer son rôle

Proposition de loi visant à PPL visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires - Par / 18 mars 2024

Finances Et pour 13 000 milliards de dollars

Rapport de la Cour des comptes 2024 - Par / 13 mars 2024

Finances Non à l’économie de guerre

Financement des entreprises de l’industrie de défense française - Par / 7 mars 2024

Finances Les Départements dans le collimateur

Débat sur les finances des Départements - Par / 7 mars 2024

Finances Que faire d’EDF ?

Proposition de loi proposition de loi visant à protéger visant à protéger EDF d’un démembrement - Par / 24 janvier 2024

Finances Un budget, deux visions de la société

Explication de vote sur le projet de loi de finances pour 2024 - Par / 12 décembre 2023

Finances La chute de la démographie a bon dos

Débat sur les crédits de l’enseignement supérieur - Par / 4 décembre 2023

Finances Le logement est en urgence humaine, sociale et économique

Vote des crédits pour la cohésion des territoires - Par / 1er décembre 2023

Finances Les lois de la République contre celles des actionnaires

Débat sur la partie recettes du projet de loi de finances pour 2024 - Par / 23 novembre 2023

Finances Le budget de l’État à l’aune de la vie de Chantal

Question préalable au projet de loi de finances 2024 - Par / 23 novembre 2023

Finances 30 millions d’euros pour l’aide alimentaire

Vote sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 - Par / 20 novembre 2023

Administration