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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Débat d’orientation budgétaire

Par / 8 juillet 2004

par Thierry Foucaud

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Quelques remarques liminaires pour commencer sur les conditions mêmes de ce débat d’orientation budgétaire que nous n’avons finalement que le 8 juillet, alors même que nous sommes en session extraordinaire, et que la plupart des éléments réels de ce débat sont ’ dans les tuyaux ’ entre Bercy et les autres Ministères.

Un tel débat appelle dans un premier temps que nous produisions une ’ petite marche arrière ’, sur ce qui s’est passé depuis 2002.

Il faut dresser le bilan de deux ans d’une politique qui a multiplié les cadeaux aux plus riches, abandonné le soutien à l’emploi, accentué l’injustice fiscale, paupérisé l’Etat et réduit les moyens de la solidarité nationale.

Si d’aucuns, dans la majorité, se plaignent, à l’image des propos entendus ce matin, ou font semblant de se plaindre de la progression des dépenses sociales, comment ne pas y voir la conséquence de la politique menée depuis deux ans : le ralentissement de l’activité économique, les avantages fiscaux accordés sans obligation de résultat en termes de croissance et d’emploi n’ont pu que générer ces dépenses d’intervention sociale.

Et ça continue, comme le montrent à l’envi le projet de loi sur la décentralisation, ou encore le plan dit de cohésion sociale.

Nous continuons de penser qu’il s’agit de contraindre les collectivités locales à assumer, en lieu et place des entreprises, la charge de la réparation des dégâts causés par un libéralisme économique jouissant de plus en plus de liberté, sans entrave excessive du point de vue fiscal ou juridique.

Le texte que nous examinerons la semaine prochaine, prétendument destiné à soutenir la consommation et l’investissement, en est une illustration parmi d’autres.

On peut donc se demander quelle réponse apporte le Gouvernement à la triple sanction électorale qu’il a subi en mars et en juin lors des élections régionales, cantonales et européennes.

Là où l’on pouvait s’attendre enfin à un peu de sagesse et de retenue, voilà qu’au contraire, tirant parti d’un calendrier électoral en apparence dégagé (rien ne devant a priori se produire avant 2007), on en rajoute dans le libéralisme forcené en créant les conditions de la privatisation d’Electricité de France, du démantèlement des services publics utiles à la population, de la mise en cause des solidarités collectives dans l’application de la réforme des retraites ou le projet de loi sur l’assurance maladie.

Pour en revenir rapidement sur le plan de cohésion sociale, comment ne pas pointer ici qu’il s’inscrit, outre qu’il réduit la dépense publique pour l’emploi des publics dits prioritaires (jeunes, chômeurs de longue durée notamment), dans cette course effrénée à la mise en cause des garanties du monde du travail, des salariés.

Sur l’emploi, 1,1 milliard d’euros sont annoncés là où, par exemple, 1,6 milliard d’euros était sur les emplois-jeunes et 1,3 sur les contrats aidés en 2004.

Une fois encore, c’est au travers de contrats dérogatoires du droit commun, véritable emploi au petit pied que l’on va prétendre résoudre les difficultés d’emploi des habitants de notre pays.

Et pendant ce temps, les finances publiques ne sont pas plus en bonne santé.

Malgré un petit plus de croissance en mai, nous en sommes à moins 43 milliards d’euros, comme l’an dernier à la même époque !

Quelles solutions et quelles pistes sont donc explorées pour répondre à ces questionnements ?

Certains commencent à penser qu’il est temps de faire une pause dans le domaine des baisses d’impôts, mais il semble bien que l’on ne soit pas encore au bout de nos surprises en la matière.

Les comptes sont dégradés, que d’aucuns s’alarment de la croissance de la dette (qui frise les 800 milliards d’euros pour l’Etat) comme du déficit, et l’on nous annonce ici encore de nouvelles mesures fiscales.

Le texte portant sur le soutien à la consommation et à l’investissement en donne déjà quelques aperçus : nouveaux cadeaux pour les généreux donateurs, nouvelles incitations au gaspillage de l’épargne sur les marchés financiers ; etc…

Nous, parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen, pensons qu’il eut mieux valu baisser l’impôt sur le revenu des salariés, des retraités, réduire le taux normal de la TVA (véritable frein à l’investissement), stopper l’explosion de la fiscalité pétrolière.

Au lieu de cela, on continue de pousser tous les feux : remise en question de l’impôt de solidarité sur la fortune, volonté de faire disparaître ce que l’on appelle les « entraves fiscales « à l’embauche et à l’activité, chasse ouverte contre la taxe professionnelle, etc, etc…

Qu’attendez-vous, M. le Ministre, pour mettre en œuvre une réforme de la taxe professionnelle permettant de taxer les actifs financiers.

On préfère pleurer pour les 2,6 milliards d’euros que rapporte l’ISF que sur la double imposition du revenu salarial que constitue la TVA !

Et dans ce contexte, que nous propose t on ?

Tout simplement de poursuivre la baisse des prélèvements dits obligatoires, alors même qu’ils sont aujourd’hui la réponse publique aux désordres créés par le libéralisme économique.

Les prélèvements obligatoires, ce n’est pas affaire de taux. C’est répondre à deux questions : qui paie et pourquoi ?

Demain, nous le savons, il manquera de l’argent pour financer la recherche, répondre aux attentes sociales, développer les équipements publics !

Même les missions, dites régaliennes, de police, de justice ou de défense nationale, ne pourront plus être assurées.

Le discours sur la ’ France d’en bas ’ est bien loin.

C’est un peu comme si on l’entendait, mais qu’on ne l’écoutait pas.

Les perspectives 2005, comme celles des années à venir, ne changent rien aux choix opérés.

Ce Gouvernement poursuit donc sa politique fiscale inégalitaire, injuste et finalement incomprise de nos concitoyens.

L’économiste, Thomas Piketty, a dit, je cite : « L’impôt sur le revenu n’a pas simplement pour effet de réduire de façon immédiate et mécanique les disparités présentes de niveaux de vie. L’impôt sur le revenu a également un impact plus complexe sur les inégalités, dont les effets ne se font pleinement sentir qu’au bout d’un certain nombre d’années : en comprimant la hiérarchie des revenus disponibles, l’impôt progressif modifie structurellement les capacités d’épargne et d’accumulation des uns et des autres, et il conduit donc à réduire les inégalités patrimoniales futures, et par conséquent l’inégalité future des revenus avant impôt ».(fin de citation)

La même remarque vaut pour ce que l’on annonce sur l’assurance maladie ou qu’on voit déjà s’appliquer avec la réforme des retraites.

Le TPF (tout pour la finance) qui tient lieu de viatique au Gouvernement actuel a un corollaire, le TSS (Tout Sauf la Solidarité).

Et dans le même temps que nous débattons des orientations budgétaires, voici que l’on s’attaque encore au Code du Travail et singulièrement à la réduction du temps de travail, responsable de bien des maux, si l’on écoute le MEDEF.

La remise en cause de la réduction du temps de travail, la liberté plus grande encore laissée aux entreprises d’avoir recours aux heures supplémentaires pour traiter du travail humain comme d’une marchandise à flux tendu, permettrait de dégager encore, des marges de manœuvre financières pour les entreprises sans l’emploi et sa croissance réelle.

Ceci dit, cette politique, est aussi induite par l’actuelle construction européenne et la poursuite des objectifs du pacte de stabilité.

Là encore, à l’instar d’orateurs de l’autre Assemblée, je ne peux manquer de citer les remarques pertinentes de Thomas Piketty ( je cite ) :

’Que l’on ne s’y trompe pas : cette question fiscale est tout sauf une question technique. Sans impôts, il ne peut exister de destin commun et de capacité collective à agir. De fait, toutes les grandes avancées institutionnelles ont toujours mis en jeu une révolution fiscale. La nouvelle Bastille à prendre s’appelle le dumping fiscal, et elle est la conséquence implacable d’une intégration économique poussée sans intégration politique. Les gouvernements européens sont enferrés depuis vingt ans dans une course-poursuite sans fin où chaque pays chercher à attirer vers lui les facteurs de production les plus mobiles en les détaxant sans cesse davantage. Il s’agit évidemment d’un jeu à somme nulle, ou plutôt négative, car la surtaxation des facteurs qui en résulte, pèse lourdement sur l’emploi et les salaires ». ( fin de citation )

Car il s’agit bien de cela.

La construction européenne, telle qu’elle est pensée, conçue et même aujourd’hui constitutionnalisée au travers du projet Giscard d’Estaing, est la déclinaison libérale forcenée de principes qui créeront à l’avenir, s’ils venaient à s’appliquer, discriminations, tensions sociales et économiques, inégalités, insécurité et, in fine, exercice aveugle et inutilement répressif de l’action publique.

Et que voit on cette année, dans le cadre de ces orientations budgétaires ?

Les mêmes choix qui ont conduit aux mêmes résultats en termes de croissance et d’emploi.

Nous restons à 10% de chômage !

Moins de fonctionnaires sur le compte de l’Etat, avant le grand délestage lié à la mise en pratique de la décentralisation (130.000 emplois transférés aux collectivités locales), et expérimentation élargie de la rémunération au mérite, appelée de manière technocratique ’ rénovation de la politique salariale de l’Etat ’ mais plus prosaïquement, salaire ’ à la tête du client ’.

Gel des crédits publics, en matière d’intervention sociale ou économique, voire économies au travers des redéploiements.

Déstructuration des dépenses d’équipement au travers notamment de la dilution des dépenses du Ministère de l’Equipement et du Logement en direction des collectivités locales.

Tout conduit, dans les orientations budgétaires à l’œuvre, à asservir toujours un peu plus la politique publique aux seules contraintes imposées par les marchés financiers, c’est à dire le règlement de la dette.

Nous sommes arrivés, et cela figure dans le rapport d’orientation, à une situation où le service de la dette publique consomme près de 80 % du produit de l’impôt sur le revenu.

On devrait cependant en toute honnêteté ajouter que l’impôt sur le revenu étant sans cesse ’ mité ’ par les dépenses fiscales les plus diverses et les cadeaux aux plus aisés, il couvre d’autant moins le service de la dette publique.

Et ne doit on pas dire aussi une fois encore que les déficits publics font bien des bénéfices privés ?

Parlementaires du Groupe Communiste Républicain et Citoyen, nous sommes, depuis 2002, au premier rang de ceux qui mettent en question, avec force arguments, les choix budgétaires qui sont ceux de ce Gouvernement.

Nous ne le faisons pas par esprit de système, ni par a priori idéologique.

Nous le faisons parce que ces choix ne correspondent pas aux attentes du pays ( sinon cela se verrait dans les urnes, entre autres ), parce que cela impose sacrifices et souffrances supplémentaires à ceux qui en font et en vivent déjà beaucoup.

Les salariés les plus modestes, les retraités, les jeunes, les femmes désireuses de reprendre une activité professionnelle, les demandeurs de logement sont au premier rang des victimes de ces choix budgétaires contraires à l’intérêt national et aux attentes.

Le moment venu, nous les combattrons comme il se doit.

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