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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Débat d’orientation budgétaire 2003

Par / 26 juin 2003

par Thierry Foucaud

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

Ce débat d’orientation budgétaire 2003 se situe sous des auspices tout à fait particuliers.

En effet, alors que nous avions eu l’occasion, lors du débat budgétaire, de souligner à quel point les attendus et les estimations du projet de loi de finances nous paraissaient quelque peu inexacts, nous pouvons aujourd’hui vérifier, à l’aune des éléments financiers disponibles, que nous avions eu raison alors de nous poser quelques questions.

Ainsi en était il de la prévision de croissance économique, fixée dans le cadre du projet de loi de finances à hauteur de 2,5 % et dont il s’avère qu’elle ne sera pas atteinte, avec tout ce que cela implique, puisque l’on se situera au mieux à hauteur de 1,5 % et sans doute plus vraisemblablement autour de 1 point seulement.

J’ai pu, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, constater d’ailleurs que vous étiez pour le moins inquiets.

Il est vrai que la situation est pour le moins préoccupante : un déficit dérapant vers les 50 milliards d’euros pour l’exercice 2003, un stock de dette publique dépassant les 900 milliards, et seulement l’espérance un peu vaine d’un déficit réduit à 45 milliards en 2004.

Cette situation a évidemment plusieurs origines, dont nous devons, à l’occasion de ce débat, souligner certains aspects.

Figurent en effet parmi les obstacles à l’atteinte de ces objectifs de croissance l’atonie de la consommation populaire, la faiblesse de l’investissement productif des entreprises, entre autres motifs de ralentissement de l’activité économique.

Pourtant, que ne nous avait - on pas promis lors de la discussion de la loi de finances !

Le mouvement de baisse des impôts, les mesures d’incitation fiscale diverses et variées, notamment destinées aux entreprises et aux ménages les plus aisés devaient contribuer à la relance de l’activité économique.

Dans les faits, ce n’est pas le cas aujourd’hui et tout se passe comme si l’argent public avait été dépensé sans que l’on accorde à son affectation toute l’attention requise, sans que l’on fasse effort pour s’interroger sur la pertinence et l’efficacité de la dépense.

Comment par exemple ne pas s’interroger sur le sens de la politique de réduction des cotisations sociales patronales, quand on constate encore une aggravation de la situation de l’emploi qui passe le plus souvent par le biais de la contraction de l’offre de travail temporaire ou le recours massif aux plans sociaux associant licenciements économiques et mises en pré retraite autoritaires.

Le pays a déjà connu dans le passé des politiques de cette nature, privilégiant l’offre au détriment de la réponse aux besoins populaires.

Rappelons - nous le Gouvernement Balladur, recordman de l’augmentation de la dette publique, entre 1993 et 1997, ou encore le Gouvernement Chirac ayant régi les affaires du pays de 1986 à 1988 !

Dans le cadre de l’exécution budgétaire, qu’a t on pu constater également ?

Essentiellement une remise en question de la valeur du débat budgétaire mené au Parlement.

En effet, il n’a pas fallu dix jours en cette année 2003 au Gouvernement pour procéder au plus important transfert de crédits sans doute jamais réalisé.

Par décret en date du 10 janvier, la totalité des charges de pension des fonctionnaires, budgétées dans chaque département ministériel, a été imputée sur le compte des Charges Communes.

Ces sommes particulièrement significatives ( plus de 27 milliards d’euros ) ont ainsi quitté le champ des dépenses adossées à des recettes fiscales pour celui des dépenses gagées sur la sollicitation de ressources extra - budgétaires.

Ce choix, que nous nous devons de rappeler alors même que l’Assemblée Nationale examine, avec toute l’attention requise, le projet de loi de réforme des retraites, est un choix dangereux sur la durée et illustre singulièrement la conception profonde qui anime ce Gouvernement sur la gestion du budget de l’État.

Mais de manière plus générale, les six premiers mois de l’année ont été marqués par la multiplication des arrêtés d’annulation de crédits, de reports de crédits 2002 sur l’exercice 2003, pour des montants particulièrement significatifs.

C’est ainsi que le décret du 14 mars dernier a porté sur des annulations de crédits particulièrement élevées, dépassant le milliard et demi d’euros, et représentant par exemple l’annulation de plus de 50 % des dépenses nouvelles en crédits d’intervention.

Ce sont des dizaines de millions d’euros de crédits ouverts dans les domaines de la recherche, de l’éducation, du logement social, du développement de la vie associative qui ont ainsi été annulés, sans autre justification que celle de tenir, coûte que coûte, les objectifs de déficit dont on sait pertinemment qu’ils ne pourront être atteints sans nouvelles coupes budgétaires.

C’est dans ce contexte, ici rapidement rappelé, que le présent débat d’orientation budgétaire se situe.

Le Gouvernement, malgré l’échec patent de son pari macro - économique, va t il persévérer ?

La réponse est claire et annoncée comme telle dans le cadre de la discussion : c’est oui.

Le Président de la République lui-même a indiqué que le mouvement de baisse des impôts serait poursuivi, accompagnant le mouvement de la décentralisation, c’est à dire le transfert du volume de charges le plus important possible vers les collectivités territoriales, celui d’une réforme de l’État consistant à détruire lentement mais sûrement la présence des services publics sur le territoire, ou encore d’autres réformes essentielles, comme celle portant sur les retraites qui tend à miner pour l’avenir le socle de la solidarité entre générations.

La baisse des impôts a montré sa profonde inefficacité, parce qu’elle a été gagée sur une réduction de la dépense publique qui s’avère meurtrière en dernière instance pour la relance de l’activité économique.

Quand, mais quand les théoriciens forcenés du libéralisme comprendront - ils que la dépense publique peut être le levier sur lequel s’appuie l’ensemble de l’activité économique et que son engagement effectif est souvent le fait générateur de l’intervention du secteur privé ?

Chercher aujourd’hui à la réduire coûte que coûte est anti - économique et inefficace, et crée de nouvelles difficultés.

On nous annonce d’ailleurs que l’on va pousser toujours plus loin dans cette voie, en procédant notamment à de nouveaux transferts de charges en direction des collectivités territoriales et des abandons purs et simples de champs d’intervention de plus en plus larges.

Cela concerne notamment des domaines comme la culture ou le sport, comme l’ont illustré les récentes discussions sur le mécénat ou la loi modifiant la loi sur le développement des activités sportives, mais aussi la recherche, ou encore le logement où l’on supprime les crédits PLA PALULOS au moment même où l’on crée un nouveau dispositif d’incitation fiscale à l’investissement privé, en attendant que l’on aille encore plus loin dans d’autres domaines…

Ces choix politiques ne correspondent manifestement pas aux attentes des populations, ni à la satisfaction des besoins populaires.

Des enjeux décisifs, pour ce pays, ne sont pas pris en compte.

Répondre aux impératifs du développement de l’emploi, répondre aux besoins en matière de logement social, répondre aux attentes en matière de protection sociale et de solidarité nationale appelle d’autres solutions que celles qui consistent à décliner sans cesse avantages et optimisation fiscaux, toujours destinés aux mêmes ( ménages aisés et grosses entreprises ), sans que cela ne contribue ni au développement de l’activité, ni à la réduction des inégalités ou à la justice sociale.

Les sénateurs du groupe Communiste Républicain et Citoyen estiment donc naturellement que d’autres solutions d’affectation des ressources publiques doivent être mises en œuvre.

Cela vaut d’ailleurs à la fois dans le domaine des dépenses budgétaires directes comme de la dépense fiscale.

Mais cela implique entre autres de se libérer du carcan imposé par les orientations européennes, carcan défini dans le but ultime de permettre l’appréciation de l’euro, alors même que tout laisse aujourd’hui apparaître que cette appréciation s’avère économiquement plus coûteuse pour l’emploi et la croissance que l’inverse.

Le respect d’un certain niveau de déficit qui conditionne en particulier nombre des politiques publiques menées par les Gouvernements des Quinze s’avère une forme de course épuisante, sans amélioration réelle de la situation, avec d’ailleurs une aggravation constatée.

L’objectif d’équilibre fixé pour 2006 est sans la moindre équivoque parfaitement impossible à atteindre, d’autant qu’il réside de plus en plus, selon toutes vraisemblances, sur une forme d’obstination théorique plutôt que sur une nécessité absolue pour les économies des Quinze.

On pourrait pourtant fort bien concevoir une réduction sur la durée des déficits publics, mais cela passe par une autre conception de l’action publique, une réforme fiscale plus directement incitatrice au développement de l’emploi, de la formation et de l’investissement que celle aujourd’hui mise en œuvre.

Plusieurs mesures nous semblent devoir être prises aujourd’hui.

D’une part, il est plus que temps d’interrompre le mouvement de réduction des taux d’imposition du barème de l’impôt sur le revenu, et de choisir désormais des baisses plus ciblées, portant sur certaines catégories de revenus ou de contribuables.

Au moment où l’on débat des retraites, il serait peut être de bon ton de revoir la situation de nos retraités au plan fiscal, et notamment de faire un effort particulier en ce sens.

De la même manière, on peut fort bien concevoir que les salariés bénéficient de déductions complémentaires sur leur revenu imposable, en vue de leur rendre, autant que faire se peut, un peu de pouvoir d’achat.

Dans le domaine de la TVA, on doit se pencher réellement sur le maintien de la réduction de taux pour les travaux dans le bâtiment, comme son application dans le secteur de la restauration.

Une telle mesure, au demeurant, ne peut évidemment être mise en œuvre sans qu’une attention particulière ne soit portée sur ses effets en termes d’emplois et de développement de l’activité.

S’agissant de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt de solidarité sur la fortune, nous pensons là encore qu’il est temps de mettre un terme au mouvement d’allégement mis en œuvre depuis 2002, et qui prolonge une tendance lourde imprimée en ces matières depuis plusieurs années.

Il est donc crucial de notre point de vue que les trois années à venir, plutôt que d’afficher un objectif ’ incantatoire ’ de baisse des impôts conduisent à une véritable réforme fiscale, alliant efficacité économique et justice sociale.

S’agissant de la justice sociale, nous ne pouvons également que souligner encore une fois l’importance particulière que recouvre le niveau de l’emploi et des salaires dans le processus de croissance.

Nous ne pouvons en effet escompter la moindre amélioration durable de la situation des comptes publics tant que les salaires nets du secteur privé ne progresseront que de moins de 0,5 point par an en valeur constante, tant que tout sera fait pour encourager les politiques de déflation salariale menées par les entreprises.

Dans le cadre fixé par le Gouvernement dans le document de présentation de ses orientations 2004 - 2006 et la présente discussion, force est de constater que ce n’est pas là le sens choisi.

Le moment venu, les parlementaires du Groupe Communiste Républicain et Citoyen feront donc valoir des choix et des priorités alternatives.

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