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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Débat d’orientation budgétaire pour 2007 : finances publiques et finances sociales (2)

Par / 29 juin 2006

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la cinquième année consécutive, les comptes de la sécurité sociale sont en déficit. Pis, depuis trois ans, le déficit du régime général excède les 10 milliards d’euros, puisqu’il est estimé par la commission des comptes de la sécurité sociale à 10,3 milliards.

Mais si l’on prend en compte l’ensemble des régimes de base et le fonds de solidarité vieillesse, le déficit de la sécurité sociale atteindrait environ 15 milliards d’euros en 2006. Or, nous savons à quel point les chiffres peuvent varier en quelques mois, et nous ne serions pas étonnés de découvrir à l’automne un déficit encore plus important.

Il est sûr, en tout cas, que la sécurité sociale connaît une grave crise financière, avec un besoin de financement de l’ordre de 3 milliards d’euros au moins pour la seule année à venir.

Pour les années précédentes, vous aviez eu recours à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, ce qui équivalait à faire peser sur les générations futures vos orientations budgétaires contestables ; mais, en 2006, cette « largesse » n’est pas envisageable. Évidemment, vos annonces de retour à l’équilibre pour 2007, puis pour 2009, nous paraissent bien irréalistes.

Une fois encore, cette année comme l’an passé, les quatre branches sont dans le rouge.

L’assurance maladie n’a pas réalisé les économies annoncées, ce qui ne nous étonne pas. Le déficit sera d’au moins 6,3 milliards d’euros. Pourtant, la masse salariale est plus importante que prévue et la ponction opérée sur les plans d’épargne-logement s’avère être une véritable manne financière. Malheureusement, elle ne pourra pas être reconduite, et c’est bien heureux pour les petits contribuables pauvres.

Pourtant, les assurés sociaux ont eux aussi été largement mis à contribution, avec des déremboursements massifs de médicaments, l’augmentation du forfait hospitalier ou encore la création du forfait de 18 euros sur les soins lourds.

La branche vieillesse creuse son déficit avec un solde négatif de 2,2 milliards d’euros en 2006 contre 1,4 milliard d’euros annoncé. Ce constat est particulièrement alarmant, car aucun débat de fond n’a été engagé, comme nous le réclamons de longue date, alors que les départs à la retraite commencent à être massifs.

La branche famille voit aussi ses comptes se dégrader avec un déficit de 1,5 milliard d’euros au moins contre 1,2 milliard d’euros prévu. Cela s’explique largement par la montée en charge de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, excessivement coûteuse, bien que ne permettant pas une réelle égalité entre les familles, ce que nous avions d’ailleurs dénoncé lors de sa création.

La sous-dotation chronique de cette branche, en particulier pour le financement des structures collectives, pèse aussi très lourd et met en cause la pérennité du système. On peut aussi s’inquiéter des dernières annonces de M. le ministre Philippe Bas, lors du débat sur le projet de loi réformant la protection de l’enfance, puisqu’il envisage la création d’un fonds dont l’essentiel du financement serait assuré par des charges nouvelles imposées à la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles maintient son déficit, ce qui n’est pas pour autant acceptable. Il convient d’abord de rappeler qu’elle n’est pas initialement autorisée à être déficitaire ; de plus, les arbitrages n’ont pas encore été rendus sur la prise en charge des travailleurs victimes de l’amiante. Les projets de réforme de cette branche sont aussi attendus avec beaucoup d’inquiétude, car chacun sait que le patronat cherche à se désengager de ses responsabilités en matière de santé et de sécurité au travail. D’ailleurs, personne n’ignore que des milliers d’accidents du travail ne sont pas déclarés.

Enfin, en ce qui concerne les deux fonds de financements, le fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, et le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ils se trouvent, eux aussi, dans des situations dramatiques. Le FFIPSA annonce un déficit de 1,3 milliard pour la seule année 2006, mais ce sont au total 5 milliards d’euros cumulés qui font défaut.

Voilà pour les premières estimations chiffrées. Cette situation s’explique, selon nous, par des réformes irréalistes, inefficaces et inégalitaires.

C’est principalement le cas de la réforme de l’assurance maladie engagée par M. Douste-Blazy qui est critiquée de toutes parts, que ce soit par les assurés sociaux, bien sûr, qui sont les principales victimes, mais aussi par les mutuelles, les médecins libéraux, les personnels hospitaliers, etc.

Par exemple, le dossier médical personnel est coûteux et sans effet, le forfait de 18 euros n’est pas techniquement applicable et le parcours de soins est incompréhensible, compte tenu du maquis tarifaire. L’hôpital public est littéralement asphyxié, en particulier avec la mise en place de la comptabilité sur la base de la tarification à l’activité, la T2A, qui ne correspond pas au fonctionnement ni aux missions du service public. En revanche, la T2A a permis aux cliniques privées de faire exploser leurs coûts, certaines n’ayant pas hésité à frauder, alors qu’elles sont financées pour l’essentiel par la sécurité sociale.

Nous pensons aussi que l’ONDAM est irréaliste. Par exemple, on sait déjà que, pour 2006, le comité d’alerte signale un dérapage de plus de 600 millions d’euros pour la médecine de ville. Et pour cause : on compense la baisse du nombre des consultations chez les spécialistes, liée à la mise en place du parcours de soins, par la hausse de leurs tarifs !

Les premières victimes de toutes ces réformes sont les assurés sociaux eux-mêmes.

Pour l’assurance maladie, la relative diminution des déficits est due, à hauteur de 80 %, à la croissance des recettes : augmentation de la CSG et de la CRDS, diminution des remboursements, institution d’une contribution de 1 euro par consultation et d’un forfait de 18 euros pour les actes médicaux coûtant plus de 91 euros, et surtout ponction sur l’épargne populaire.

Cependant, plus généralement, c’est le pouvoir d’achat de tous qui baisse, celui des retraités en particulier, lesquels subissent la non-revalorisation des pensions.

Finalement, on constate une grave dégradation non seulement des comptes sociaux, mais aussi du niveau et de la qualité des soins dans notre pays. La permanence des soins n’est plus assurée, les plus démunis ne sont plus protégés, et, plus globalement, la santé devient un bien de luxe, qui se finance individuellement par le recours aux assurances privées, selon la logique anglo-saxonne. Cette tendance est en train de s’affirmer.

Vos choix en matière de solidarité et vos orientations budgétaires sont à nos yeux inacceptables.

Progressivement, sous votre impulsion, les interventions de l’État au titre de la solidarité se réduisent comme peau de chagrin. Vous souhaitez une sécurité sociale résiduelle, centrée sur quelques interventions ponctuelles, le reste étant abandonné aux systèmes assuranciels privés. C’est ce qui explique que vous n’hésitez pas à littéralement assécher les comptes de la sécurité sociale, par le désengagement financier de l’État.

Nous aurons l’occasion d’en reparler à l’automne, monsieur le rapporteur général !

Les chiffres de déficit que vous avancez recouvrent des choix financiers bien contestables. Notre position, en matière de financement de la protection sociale, est radicalement opposée à la vôtre.

Nous pensons, pour notre part, que les moyens de fournir à tous des prestations de sécurité sociale de qualité existent.

Je me bornerai à évoquer, à cet égard, les plus de 21 milliards d’aides directes que vous accordez aux entreprises sous forme d’exonérations de charges, alors que chacun s’accorde aujourd’hui à reconnaître que les exonérations de charges restent sans effet, ou presque, sur l’emploi. Or ces 21 milliards d’euros pourraient permettre de financer bien des actions en matière de solidarité.

Globalement, pour l’ensemble des branches, les exonérations non compensées progresseraient de 10,8 % en 2006, contre 1,6 % en 2005, comme l’indique le rapport transmis par la CNAM au Gouvernement et au Parlement. Cela équivaudrait, pour 2006, à une perte nette, pour les comptes de la sécurité sociale, de l’ordre de 2,3 milliards d’euros.

Une véritable réforme du financement de la sécurité sociale doit donc être engagée, qui permette d’augmenter les recettes, seul moyen de satisfaire l’ensemble des besoins actuels, et de résorber le déficit sans altérer la qualité des soins pour tous, ni le niveau de prise en charge.

En tout état de cause, nous refusons le choix d’une plus forte fiscalisation, par le biais d’un dispositif du type de la CSG, nous rejetons toute idée de TVA sociale ; à l’inverse, nous présentons un projet de refonte du mode de calcul de la cotisation sociale patronale prévoyant une modulation et intégrant la notion de valeur ajoutée, afin de financer la protection sociale. J’espère que ce thème fondera l’un des grands débats de l’automne.

Il s’agit donc de réformer l’assiette des cotisations pour augmenter les ressources et moderniser le financement de la protection sociale, afin de conjuguer, dans la situation présente, solidarité, justice sociale et développement économique, tout en respectant les principes fondateurs du financement de la sécurité sociale.

Il est urgent de répartir plus équitablement les richesses créées, de prélever l’argent là où il est, pour l’orienter vers le financement des besoins sociaux d’intérêt collectif auxquels tiennent nos concitoyens dans tous les domaines, et particulièrement en matière de santé.

C’est avec cette exigence que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen aborderont les débats à venir.

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