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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Il est temps de tourner la page

Loi de finances rectificative pour 2012 -

Par / 24 juillet 2012

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je viens d’écouter attentivement M. Jean Arthuis.

Auparavant, j’avais écouté M. le président de la commission des finances. Je note d’ailleurs qu’il s’est exprimé non pas au nom de la commission, mais comme un porte-parole du groupe UMP (Mme Michèle André s’exclame.) ; cela me pose tout de même un problème, monsieur le rapporteur général.

Permettez-moi donc de vous faire un petit rappel, monsieur le président de la commission des finances.

Au printemps dernier, lors du scrutin présidentiel et des élections législatives, les Françaises et les Français ont clairement manifesté leur souhait d’un changement de politique pour notre pays.

Ce changement de politique avait été préparé par quelques succès antérieurs des forces de gauche, notamment lors des sénatoriales de l’automne 2011,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il y a encore une opposition et il faut l’écouter !

M. Thierry Foucaud. … tandis que montait un profond sentiment de rejet des choix politiques mis en œuvre dans notre pays depuis 2002.

L’aspiration au changement que les électrices et électeurs ont manifestée s’est d’abord forgée sur le rejet net et massif de la politique développée par l’ancien gouvernement.

M. Francis Delattre. La preuve : la moitié au moins des députés communistes sortants ont été battus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Occupez-vous de vos affaires !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous vous occupez bien des nôtres !

M. Thierry Foucaud. Cette politique était ressentie comme profondément injuste, car destinée aux plus aisés (M. Francis Delattre s’exclame.) et aux plus grandes entreprises, au détriment de l’intérêt général et du progrès économique et social de notre pays.

Le bilan fiscal du second mandat de Jacques Chirac n’était déjà pas exceptionnel. Il était marqué par une réduction de l’imposition des plus aisés, par la naissance du bouclier fiscal et par le développement continu des niches fiscales.

Celui du quinquennat de Nicolas Sarkozy a, au-delà de la volonté de « décomplexer » la droite, constitué le point culminant en la matière.

Dans un premier temps, le bouclier fiscal s’est sérieusement renforcé. Il est très vite apparu que les principaux bénéficiaires de la mesure étaient d’abord les plus riches. (M. le président de la commission des finances et M. Francis Delattre ainsi que M. David Assouline s’exclament.)

Les attaques menées contre l’ISF furent au cœur de la démarche fiscale de l’ancienne équipe gouvernementale. L’adoption du dispositif ISF-PME fut sans doute la plus dispendieuse des mesures d’aide à l’investissement dans les entreprises – on se demande d’ailleurs bien pourquoi les seuls assujettis à l’ISF ont eu droit à un tel traitement de faveur – avant la définition d’un nouveau tarif aboutissant à un véritable cadeau fiscal de plus de 2,3 milliards d’euros pour 600 000 contribuables. Cela a représenté une baisse d’impôts de près de 4 000 euros en moyenne : qui dit mieux ?

La fiscalité du patrimoine fut d’ailleurs largement allégée, dans l’élan de la mal nommée – ou trop bien nommée, peut-être – loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, avec la réduction des droits de transmission, certes sur les successions mais surtout sur les donations, autrement plus rentables pour les plus hauts patrimoines et revenus. Cette loi visait dans tous les cas à préserver l’intégrité des patrimoines, des richesses et des fortunes accumulés, et ce même si cette accumulation avait bien plus à voir avec le travail des autres qu’avec le mérite des détenteurs comme des héritiers...

Monsieur le président de la commission des finances, à cet égard, je ne vous ai pas beaucoup entendu parler des ouvriers, des salariés et des fonctionnaires dans votre exposé liminaire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’ai parlé des salaires de la fonction publique !

Mme Éliane Assassi. Pour dire qu’il fallait les supprimer !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je me suis inquiété de la masse salariale !

M. Thierry Foucaud. Le crédit d’impôt recherche, le CIR, trouva une nouvelle vigueur sous le précédent quinquennat, lui aussi, avec une « réforme » qui a fait passer son « rythme de croisière » à une dépense fiscale de 5 ou 6 milliards d’euros par an, sans qu’il soit permis, réellement, de mesurer à quel point cette dépense a conduit à la moindre hausse des dépenses de recherche développement dans nos entreprises ou favorisé l’emploi de nos jeunes ingénieurs et doctorants.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les entreprises sont des rentières !

M. Thierry Foucaud. À quoi sert le CIR quand PSA maintient son intention de supprimer un emploi sur six en France, et son usine d’Aulnay ?

À quoi sert le CIR quand le même groupe commande à l’étranger les pièces que la société TRW, située dans les Vosges, aujourd’hui en redressement judiciaire, lui fournissait jusqu’alors ?

La suppression de la taxe professionnelle, autre point de bilan, a créé autant d’incertitude juridique pour les collectivités locales que d’incertitude financière pour leurs ressources sans faciliter la création d’emplois dans le secteur marchand. Ici même, l’ancien président de la commission des finances et son actuel président nous affirmaient que, grâce aux mesures prises par le Gouvernement,…

M. François Rebsamen. Cent millions d’euros !

M. Thierry Foucaud. … nous renouerions avec la croissance et l’emploi ! Mais, tout à l’heure, M. le ministre chargé du budget et M. le rapporteur général de la commission des finances ont retracé le nombre d’emplois perdus dans notre pays.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On verra le résultat dans quelques mois !

M. Thierry Foucaud. Autant la taxe professionnelle a été supprimée, autant le chômage a progressé, puisque nous avons atteint, en ce printemps 2012, le seuil des trois millions de chômeurs de catégorie A !

Le bilan fiscal du quinquennat comprend aussi cette hérésie économique et sociale, pour ne pas dire cette stupidité, que constitue l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires.

De 2007 à 2012, nous aurions donc eu des effets d’aubaine pour les patrons, puis l’atteinte sur les droits à la retraite, l’attaque contre le pouvoir d’achat des fonctionnaires et nous avons fini avec la TVA dite sociale, monsieur Arthuis, et le gel du barème de l’impôt sur le revenu qui a rendu imposables des salariés plus que modestes.

Avec le gel du barème, le smicard célibataire devient imposable et perd souvent, par la même occasion, le plein bénéfice – si l’on peut dire – du plafonnement de ses impôts locaux.

L’affaire des heures supplémentaires est connue de tous et alimente encore le débat : voilà un dispositif dont on peine à trouver trace dans une quelconque relance de l’activité, que nombre d’entreprises semblent bel et bien avoir utilisé pour développer un peu plus la flexibilité des horaires (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe CRC.), dont beaucoup se sont servis pour se dispenser d’une véritable négociation sur les salaires…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Une aubaine !

M. Thierry Foucaud. … et que certains voudraient encore maintenir.

Pour faire bonne mesure, ce dispositif aurait entraîné la suppression de 80 000 à 90 000 emplois.

Pour conclure, si l’on peut dire, le quinquennat précédent s’est achevé par l’instauration de la TVA sociale. (M. Francis Delattre s’exclame.) Une mesure de fond, visant à financer notre protection sociale au travers de la taxation de la consommation populaire, a bel et bien été conçue. Elle constitue le meilleur résumé du quinquennat Sarkozy : alléger encore et toujours la contribution des entreprises – comprendre : au bénéfice de la rémunération du capital, prédatrice de la compétitivité retrouvée – au financement de la protection sociale.

Alors, mes chers collègues, il est temps de ne pas faire la même chose et de passer à autre chose.

Le présent collectif budgétaire est l’occasion, pour la représentation nationale, d’analyser les mesures fiscales mises en œuvre depuis dix ans, de solder les comptes et de constater, notamment, cette véritable explosion de la dette publique qui est allée de pair avec la croissance des avantages fiscaux consentis aux plus aisés et aux plus grands groupes : 600 milliards de plus en cinq ans !

Les 1 313 milliards d’euros cumulés de la dette de l’État font le bonheur de bien des spéculateurs !

Solder les comptes, oui, et définir, d’ores et déjà, les nouvelles priorités de l’action publique et les nouveaux usages de l’outil budgétaire.

Notre démarche, en la matière, est claire. Notre groupe entend apporter sa contribution aux changements en cours, en rendant plus efficace ce projet de loi de finances rectificative.

Nous estimons pour notre part que, à l’instar des dispositions votées et des choix opérés cet automne par la majorité sénatoriale lors de la discussion de la loi de finances pour 2012, le présent collectif budgétaire doit constituer une sorte de « manifeste » politique de la nouvelle majorité parlementaire.

La majorité de gauche du Sénat avait, alors, dégagé 30 milliards de ressources nouvelles, tirées d’une plus juste imposition des hauts patrimoines comme des entreprises. Je crois qu’il y avait et qu’il y a toujours, dans le travail alors accompli, du « grain à moudre » pour ce qui nous occupe aujourd’hui.

Ce projet de loi contient un certain nombre de mesures, au demeurant perfectibles ; c’est le sens du travail que nous pouvons mener, au travers des amendements, sur le texte lui-même, qui trace d’ores et déjà de nouvelles perspectives.

Le tout porte sur 7 milliards d’euros de recettes nouvelles, en net. Nous pourrions faire mieux, pensons-nous, mes chers collègues.

Nous souhaitons dès maintenant libérer la future loi de finances de quelques-unes des contraintes posées par la « revue de détail » du passé qu’elle risque fort d’incarner.

Des mesures essentielles de cadrage, portant sur l’imposition des revenus, des patrimoines et des entreprises, visant notamment le retour à l’égalité de traitement entre grands groupes formés à l’optimisation et parfois à l’évasion fiscale et PME respectueuses des règles du jeu, peuvent être prises dès maintenant.

Certains de nos amendements, portant sur l’impôt de solidarité sur la fortune, sur les modalités de l’impôt sur les sociétés, sur l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu et son application, participent de cette démarche et de celle qui sous-tendra fondamentalement le projet de loi de finances pour 2013.

L’activité parlementaire la plus récente, notamment le fort intéressant rapport de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale – selon lequel l’État perdrait 40 à 50 milliards d’euros par an –, les éléments que nous ont fourni les rapports commandés à la Cour des comptes, l’évaluation du dispositif des heures supplémentaire, du crédit d’impôt recherche ont d’ores et déjà largement pourvu notre assemblée des outils de mesure et des propositions les plus susceptibles de répondre aux questions qui nous sont posées.

Justice fiscale, équilibre de notre système de prélèvements obligatoires, efficacité économique de nos choix fiscaux, valorisation et appui des comportements économiques responsables, pénalisation des attitudes parasitaires et du gaspillage des deniers publics : voilà ce qui doit nous guider dès maintenant.

Le changement, c’est maintenant.

Et le changement, c’est ici, dans le cadre de nos débats, sur la base de la discussion libre et ouverte, de l’exposé des propositions et des idées, que nous pouvons lui donner corps, dès ce collectif budgétaire.

Si nous souhaitons, mes chers collègues, parvenir avec ce texte à réduire le plus possible le déficit budgétaire de l’État, ce n’est pas seulement parce qu’il nous faudrait répondre ainsi à quelque contrainte extérieure. C’est également parce que nous estimons que ce n’est pas aux comptes publics de porter éternellement tout le poids du soutien à l’économie, qui s’est par trop souvent traduit, pendant une bonne quarantaine d’années, à la fois par une austérité généralisée pesant sur le plus grand nombre et par une longue série d’adaptations successives de notre législation fiscale.

Des inégalités de traitement entre entreprises, des inégalités sociales de plus en plus insupportables sont le produit de ces choix antérieurs, source de profonds et graves handicaps pour le pays tout entier.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. J’en ai fini, madame la présidente.

C’est pour y remédier, autant que faire se peut, que notre groupe participera à la discussion de ce collectif budgétaire.

Il y a, dans notre pays, mes chers collègues, des attentes sociales, des inquiétudes, des aspirations jusqu’ici réprimées qu’il nous faut entendre, prendre en compte et que nous devons traduire dans notre travail législatif.

Quatre millions de chômeurs, plus d’un million de mal-logés, des millions de salariés peu ou mal rémunérés, des parents inquiets pour le devenir professionnel de leurs enfants encore scolarisés, des élus locaux courageux mais par trop démunis pour répondre aux attentes sociales de leurs administrés, tous attendent des signes forts de la nouvelle majorité parlementaire, dans sa pluralité et sa diversité.

Et c’est à la lumière des avancées réalisées quant au contenu du texte issu des travaux du Sénat, qui, nous n’en doutons aucunement, seront précis, sérieux et argumentés, que nous apporterons un soutien vigilant au présent projet de loi de finances rectificative.

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