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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La politique menée depuis 2012 ne fonctionne pas

Loi de finances pour 2015 : question préalable -

Par / 20 novembre 2014

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Assemblée nationale a adopté, mardi dernier, le projet de loi de finances pour 2015, avec, vous l’aurez noté, une majorité particulièrement étriquée, puisque le texte n’a recueilli le soutien que de 266 députés sur 577.

M. Thierry Foucaud. Il importe de le rappeler !

M. Christian Favier. Il apparaît donc de plus en plus clairement que les choix de rigueur budgétaire opérés lors de la législature précédente, comme depuis le début de la présente mandature, ne permettent pas au pays de sortir de l’ornière des déficits et de la progression de la dette.

La France demeure confrontée à une situation préoccupante de ses finances publiques, loin des objectifs que d’aucuns s’étaient jusqu’à présent fixés. Malheureusement, tout laisse penser que les choix politiques effectués ne permettront pas d’aller dans une meilleure direction.

Le fait que la loi de programmation des finances publiques ait finalement repoussé la date à laquelle l’équilibre budgétaire devra être atteint n’est qu’un rappel, sans doute douloureux pour quelques libéraux dogmatiques,…

M. Vincent Capo-Canellas. Il en existe encore ?

M. Christian Favier. … du principe de réalité. Comme le dit notre collègue Henri Guaino, qui n’est pourtant pas l’un de nos amis politiques, « un déficit, cela ne se décrète pas ! » (M. Michel Bouvard s’exclame.)

M. Vincent Capo-Canellas. Si vous citez M. Guaino…

M. Thierry Foucaud. À chacun ses sources !

M. Christian Favier. Et c’est bien là que nous en sommes. Il nous faut choisir, mes chers collègues. Soit nous discutons d’un projet loi de finances pour 2015 qui ressasse les recettes éculées ayant conduit à la situation que nous connaissons, les divergences politiques se réduisant aux dosages des efforts demandés aux ménages, en particulier aux plus modestes, aux entreprises – mais pas aux plus grosses –, aux fonctionnaires – encore et toujours ! – et aux collectivités locales, surtout cette année. Soit nous posons les bases d’une nouvelle politique, conforme aux intérêts du pays et de ses habitants, et nous remisons au magasin des vieilles lunes certains principes libéraux, imposés par une convergence européenne que l’on sait défaillante.

Dans un monde confronté à des enjeux d’importance planétaire, portant sur la misère, le climat, la lutte contre les pandémies, le développement social, les avancées démocratiques, le combat contre la corruption, le pillage des ressources naturelles, le gaspillage des capacités humaines, il nous faut donner à la politique de notre pays une dimension nouvelle et audacieuse. D’ailleurs, une loi de finances transformée radicalement, comme nous l’appelons de nos vœux, n’est pas le seul outil législatif qu’il conviendrait alors de mettre en œuvre. Cependant, nous nous en tiendrons là aujourd’hui, en posant, d’emblée, quelques questions.

Des sommes très importantes sont aujourd’hui utilisées pour alléger les impositions et les cotisations sociales, en particulier des entreprises. Ce sont les entreprises qui captent l’essentiel des 82 milliards d’euros de dépenses fiscales, l’essentiel des 100 milliards consacrés par l’État aux remboursements et dégrèvements d’impositions de toute nature ou encore des 62 milliards de dépenses fiscales déclassées et, bien sûr, des 33 milliards d’allégements de cotisations sociales. Et ce sont toujours les entreprises, mes chers collègues, qui ont tiré parti de la baisse de l’impôt sur les sociétés, passé en trente ans de 50 % à 33,3 %, mais aussi de la disparition de la taxe professionnelle et du quasi-gel des cotisations sociales, malgré les difficultés financières de la sécurité sociale.

On pourrait dire que la France est devenue, aujourd’hui, pour M. Gattaz et ses amis, une forme de paradis fiscal. (M. Vincent Capo-Canellas s’exclame.) Aujourd’hui, il est prévu que 10 milliards d’euros soient consacrés, pendant une année supplémentaire, à financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et la facture est présentée, pour une large partie, aux collectivités locales, puisque les dotations budgétaires que l’État verse à ces dernières sont appelées à subir une réduction de 11 milliards d’euros sur trois ans, après une première ponction de 1,5 milliard en 2014.

Arrêtons-nous quelques instants sur cette question.

Tout d’abord, si le CICE, mesure particulièrement coûteuse, est censé améliorer la compétitivité des entreprises pour favoriser l’emploi – c’est ce qu’a indiqué M. le ministre –, où sont les résultats ? En Val-de-Marne, département que je connais bien, 65 millions d’euros ont été restitués à plus de 2 000 entreprises, mais, dans le même temps, le chômage a progressé de près de 10 %. C’est donc bien là un cadeau sans aucune contrepartie ! C’est la raison pour laquelle il est indispensable d’installer, dans chaque département, un observatoire chargé d’évaluer l’utilisation de ces sommes, conformément à la proposition que nous formulons. Nous avons besoin de cette transparence, que nous avons un peu de mal à obtenir.

Ensuite, au motif que la dépense publique locale constituerait aujourd’hui environ 20 % de la dépense publique totale, il a été décidé de réduire de 20 % les dotations budgétaires aux collectivités. Or, du fait de la décentralisation, les collectivités territoriales ont vu croître leurs interventions dans la vie publique, accomplissant de plus en plus, à la place de l’État, un certain nombre de missions essentielles. Aussi, c’est sans doute pour les remercier d’avoir pris à leur charge l’essentiel du réseau routier du pays, les transports ferroviaires de voyageurs, la rénovation et la construction du parc d’établissements scolaires secondaires et d’avoir assumé des missions sociales décisives en matière d’autonomie des personnes âgées, de prévention de la dépendance et d’action contre l’exclusion sociale que l’État décide, cette année, d’accélérer et de renforcer le mouvement de réduction de leurs moyens financiers, à un niveau jamais atteint !

On nous dit qu’il faut « partager » l’effort entre l’État et les collectivités locales. Toutefois, mes chers collègues, cet effort, voilà des années que les collectivités locales le produisent ! Ainsi, avec le RSA, qui a pris la suite du RMI, depuis 2003, les départements ont pris en charge 48 milliards d’euros sur leurs propres budgets, bien au-delà des maigres compensations accordées par l’État.

Cela dit, cette ligne est loin d’être nouvelle, puisque les lois de programmation votées sous la précédente législature organisaient déjà le gel des dotations et concours de l’État aux collectivités locales. (M. Philippe Dallier s’exclame.) La mesure figurait ainsi en toutes lettres dans la loi du 28 décembre 2010. Elle consistait, en fait, à partager entre l’État et les autres administrations publiques les effets de la norme « zéro valeur ». Mais, monsieur le secrétaire d’État, de zéro, on est aujourd’hui passé à 30 % de diminution de la DGF à l’horizon 2017 !

Aujourd’hui, certains pensent ou laissent penser que l’effort demandé ne serait pas si considérable. Jugez-en par vous-mêmes : 11 milliards d’euros, cela ne représenterait que moins de 2 % des ressources des collectivités locales… Cependant, mes chers collègues, une telle analyse ne résiste pas cinq secondes à l’examen des réalités.

Dans un rapport d’information déposé le 12 novembre dernier sur le bureau du Sénat, trois de nos collègues, Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard, ont étudié la question des perspectives des finances locales d’ici à 2017. Je n’en citerai que quelques sous-titres : « l’effet de ciseaux entre recettes et dépenses était d’ores et déjà difficilement soutenable » ; « sans ajustement, la baisse de 11 milliards ferait de l’impasse financière la situation de "droit commun" des collectivités françaises », « sans mesures correctives, les difficultés financières risquent de devenir la norme », « le retour des dépenses de fonctionnement au rythme de l’inflation ne suffira pas », conduisant, d’ailleurs, à l’« inévitable baisse des investissements ». Le rapport de nos collègues ne laisse planer aucun doute ! Les dépenses de fonctionnement des collectivités locales augmentant plus vite que leurs recettes, leur capacité d’autofinancement diminue. Ainsi, leur dette croît désormais deux fois plus vite que leurs recettes.

Quelles seront les conséquences de cette situation ?

Pour maintenir leurs investissements, absolument nécessaires dans la période que nous connaissons, les collectivités risquent évidemment de devoir continuer à s’endetter davantage, de creuser leurs déficits et, parallèlement, d’augmenter leur fiscalité, pour faire face à des dépenses de fonctionnement qui, aujourd’hui, sont parfois devenues, pour beaucoup d’entre elles, totalement incompressibles. Autrement dit, sans être assurés que la croissance soit au rendez-vous des sacrifices demandés à tous les Français, nous risquons fort, au contraire, de voir s’accroître la dette publique. Tout cela conduira au résultat exactement inverse de celui qui est apparemment recherché.

La conclusion du rapport de nos collègues pose toute une série de questions, tout à fait pertinentes, bien qu’elles ne soient que des interrogations.

Je tiens à vous rassurer tout de suite sur le contenu des réponses que les élus locaux seront parfois contraints de mettre en œuvre : ils devront faire des arbitrages difficiles, tout en constatant que certaines dépenses continuent de progresser.

Ils arbitreront en diminuant le volume de l’emploi public, au détriment des chômeurs et, notamment, des jeunes, mais aussi du maintien de certains services à la population. Malheureusement, ils arbitreront souvent en rognant sur les investissements directs, ce qui, on le sait, va peser sur la situation des entreprises prestataires de services et donc aussi, bien souvent, sur l’emploi local. Chacun sait le lien mécanique qui unit investissement public et emploi : tous les pays d’Europe qui, ces dernières années, ont vu leur niveau d’investissement public diminuer ont été confrontés à une progression du chômage à un rythme exactement identique. Parfois, les élus locaux devront également arbitrer en augmentant les impôts locaux.

Pour ce qui concerne la fiscalité, désormais largement orientée sur le produit de la taxe d’habitation, des taxes foncières et, de manière marginale, de la cotisation foncière des entreprises, ce sont là encore les ménages qui auront à payer l’essentiel de la facture. Le présent projet de loi de finances peut prévoir de supprimer la première tranche de l’impôt sur le revenu : cela ne mettra pas les contribuables à l’abri d’une hausse de la taxe d’habitation ni d’une augmentation de la CSG ou la TVA ! Tout cela, on le sait, pour restaurer les marges des entreprises et réduire les déficits – autrement dit, accroître les profits du secteur marchand et alimenter la rente…

Aussi, dans ces conditions et compte tenu des risques, il est indispensable, mes chers collègues, que les moyens des collectivités locales soient préservés.

Il faut que la loi de finances tourne le dos à l’objectif de réduction des dotations, qui constituera finalement, il faut bien le dire, une forme d’impôt supplémentaire, de près de 100 euros annuels pour chaque foyer fiscal de notre pays en 2015. Cet impôt supplémentaire, qui passera à 200 euros en 2016 et à 300 euros en 2017, pour moins de service public, moins de proximité et moins de réponse aux besoins publics, n’est évidemment pas acceptable.

Dans ces conditions, il est plus que temps de mettre en œuvre la profonde réforme fiscale que nos compatriotes attendent maintenant depuis si longtemps et qu’ils espéraient voir arriver avec l’élection de 2012.

La lecture des données de la loi de finances est, de ce point de vue, sans appel. Les inégalités fiscales sont criantes. L’impôt sur le revenu des ménages, c’est 69 milliards d’euros. Le produit de la CSG et de la CRDS s’élève à 100 milliards d’euros. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques frappe les ménages à hauteur de 27 milliards d’euros. Quant à la TVA, son rendement représente 143 milliards d’euros, prélevés sur tous les ménages, quels que soient leurs revenus – on sait bien qu’il s’agit de l’un des impôts les plus injustes. Enfin, les ménages doivent acquitter d’autres impôts directs, pour un produit de 17 milliards d’euros, et les taxes d’enregistrement, à hauteur de 20 milliards d’euros. Pendant ce temps, l’impôt sur les sociétés, c’est 33 milliards d’euros, soit environ 1,5 % du PIB !

La simple connaissance de ces données atteste de profondes inégalités de traitement fiscal entre revenus et patrimoines. Ainsi, 170 milliards d’euros de fiscalité indirecte frappent lourdement les couches les plus modestes et les plus populaires.

Et je ne parle pas ici des impositions locales, singulièrement celles qui concernent les ménages modestes, victimes du retard pris à réévaluer les bases d’imposition. Or, pendant ce temps, les logements sociaux des années soixante, par exemple, correspondant aux exigences de confort et de modernité de leur époque, continuent d’être plus lourdement taxés que les appartements de centre-ville historique, rénovés, parfois, à grands frais.

Sur l’ensemble des enjeux sociaux clés, il nous faut donc clairement changer de logiciel !

En matière de dépenses de logement, nous ne pouvons pas nous contenter des quelque 171 millions d’euros destinés à financer la construction et la réhabilitation, quand plus de 1,8 milliard d’euros est mobilisé pour assurer la rentabilité financière des investissements immobiliers privés ! En outre, comment ne pas souligner, une fois de plus, que l’État mobilise plus de 20 milliards d’euros pour indemniser la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales générales, génératrices de bas salaires ?

Je pourrais ainsi, mission après mission, pointer l’ordre des priorités que nous devons désormais imprimer aux politiques publiques pour sortir de l’étau dans lequel nous nous trouvons enfermés, étau qui résulte de deux facteurs : d’une part, une politique de réduction des impôts et des cotisations sociales au bénéfice des entreprises, dont le seul véritable objectif a toujours été la restauration des marges, et, d’autre part, des politiques publiques asphyxiées par les conséquences de la crise économique et sociale.

La politique nationale du logement ? On le sait, c’est malheureusement d’abord l’aide publique à la spéculation immobilière. On est très loin des grandes politiques volontaristes qu’il faudrait mener pour répondre aux besoins des populations.

La politique nationale de l’emploi ? C’est hélas d’abord des exonérations de cotisations sociales et la prise en charge publique des licenciements de masse.

La politique industrielle ? C’est, là encore malheureusement, une multiplication de crédits et réductions d’impôt, ne faisant que conforter la position dominante des plus grands groupes. Que pèsent, en effet, les 200 ou 300 euros d’exonérations de cotisations sociales mensuelles du patron d’une très petite entreprise – une TPE – face aux millions d’euros dont profitent certains groupes pour réaliser, au jour le jour, des placements financiers particulièrement juteux ?

D’ailleurs, pour discuter très souvent avec des chefs d’entreprise, je suis en mesure d’ajouter que ceux-ci réclament, non pas des exonérations, mais des carnets de commandes remplis afin de pouvoir travailler. De ce point de vue, la commande publique est absolument indispensable. Malheureusement, c’est sur elle que le Gouvernement porte les coups les plus sévères.

Une véritable réforme fiscale, revisitant l’ensemble de nos impôts et reposant la question des priorités de l’action publique, est donc urgente. Elle ne figure pas dans ce projet de loi de finances, qui restreint l’action de l’État à la rémunération de la rente des marchés financiers et conduit les collectivités locales, à leur corps défendant, à prendre à leur charge une partie de cette rente.

Il est donc grand temps que l’intérêt général prime sur toute autre considération. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cette motion tendant à opposer la question préalable.

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