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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le gouvernement fait le choix de réduire l’ISF plutôt que de répondre aux attentes sociales

Loi de finances rectificative pour 2011 : question préalable -

Par / 21 juin 2011

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente un collectif budgétaire portant sur plusieurs centaines de millions d’euros d’abandon de recettes fiscales et prévoyant d’utiliser une recette exceptionnelle – le remboursement anticipé des constructeurs automobiles – pour apporter notre écot au plan « Grèce » de l’Union européenne...

Ainsi, nous serions sortis de la crise, la France irait mieux et nous ne pourrions que nous en satisfaire. Toutefois, la réalité économique et sociale de notre pays semble montrer que nous pourrions faire un autre usage des ressources ainsi dégagées par la « croissance retrouvée »...

Je vous invite donc, mes chers collègues, par cette question préalable, à nous demander ensemble comment agir autrement avec ce que d’aucuns nous proposent d’utiliser afin d’alléger I’ISF – pour mieux le faire disparaître demain sans doute –, ou afin d’assurer le rendement des créances souveraines sur la Grèce, tout simplement parce que nous devons être attentifs à l’usage des deniers publics.

Je formulerai deux remarques avant d’examiner cette question.

En effet, le préalable aux mesures proposées est que nous ne touchions aucunement au rendement de l’ISF.

Quelques explications s’imposent à ce propos. Il est évident, à la lecture des articles, comme de leurs exposés des motifs, que l’on tente, en fait, de favoriser l’investissement au sein des entreprises par les particuliers – en l’occurrence les redevables de l’ISF – et de défavoriser relativement les autres usages des capitaux disponibles.

On baisse l’ISF, on remet en question les conditions de donation mais, dans le même temps, on maintient le dispositif de financement des PME et on assouplit les règles de prise en compte des biens professionnels.

Ce postulat a d’ailleurs été rappelé lors de la discussion générale, monsieur le ministre : il faut favoriser le financement des entreprises, tout particulièrement des PME, par les particuliers, notamment via les dotations en capital. Quelle drôle d’idée, tout de même !

En effet, quand on examine le traitement fiscal proposé, on se rend compte que cette situation est très coûteuse pour les finances publiques.

Monsieur le ministre, quand un redevable de l’impôt sur le revenu ou de l’ISF investit dans une entreprise de notre pays, il peut, dans certaines limites – qui atteignent 50 000 euros dans le dispositif ISF-PME – déduire le montant des sommes investies de ses impôts. Ce sont, en quelque sorte, des avantages à l’entrée.

Pendant la période au cours de laquelle ce contribuable conserve ses parts sociales, ses actions, notre fiscalité lui permet d’imputer ses éventuelles pertes en capital si, par hasard, l’entreprise ne marche pas et, si elle marche, notre système actuel de crédit d’impôt sur les dividendes s’avère plus rentable que l’ancien avoir fiscal.

Ainsi, dans bien des cas, notamment pour les entreprises non cotées, notre redevable va « faire la culbute » à plusieurs reprises, grâce aux dividendes versés en échange de ses apports et aux crédits d’impôt obtenus.

Pour faire bonne mesure, toute cession anticipée de parts sociales ou de titres permet de dégager une plus-value, plus ou moins imposée, certes, mais généralement à un taux plus faible que les autres revenus.

Dès lors que l’on est assujetti à l’ISF, l’opération peut s’avérer encore plus rentable puisque l’adhésion à un pacte d’actionnaires « sauce Dutreil », ou plutôt « sauce de Wendel », comme l’histoire économique a pu le prouver quant à l’origine de la mesure, permet de percevoir des dividendes plus ou moins importants sans pour autant que l’on doive acquitter la moindre contribution au titre de la solidarité nationale. Et la cession des titres peut, notamment dans le cadre d’une donation soigneusement calculée, se dérouler dans des conditions évidentes d’optimisation fiscale.

Pourtant, dois-je rappeler que les dividendes ne sont rien d’autre que le remboursement de l’investissement initial et qu’ils constituent une préemption constante sur le produit du travail comme sur les fonds propres des entreprises ? Dans les entreprises du CAC 40, 40 milliards ou 50 milliards d’euros ne sont-ils pas ainsi distraits des fonds propres pour rémunérer le capital ?

Monsieur le ministre, l’option choisie par le Gouvernement – favoriser les investissements des particuliers et le financement des entreprises par la Bourse – est de nature à assurer à ces investisseurs un rendement de leur engagement d’autant plus significatif que la dépense fiscale associée, à l’entrée, pendant et à la sortie de ces investissements est particulièrement élevée. Or, à vous entendre tout à l’heure, j’ai cru comprendre que la politique du Gouvernement allait bientôt ruiner les riches !

Mes chers collègues, c’est ainsi que, depuis des années, se creusent les déficits publics sans que soit réglé le problème initial, c’est-à-dire l’insuffisance de fonds propres de nos PME !

A contrario, un financement par le crédit, d’autant moins onéreux qu’il serait en grande partie mieux contrôlé qu’aujourd’hui, ne poserait comme problème que celui de son effet sur les bénéfices de l’entreprise, lesquels pourraient être réduits du coût des intérêts ou de l’amortissement des prêts en capital accordés par tel ou tel établissement de crédit. La dépense fiscale, s’il y en avait une, serait alors une moins-value de recettes d’impôt sur les sociétés en provenance de l’entreprise financée, moins-value que pourrait compenser d’autant l’élévation du résultat de l’établissement de crédit.

Mais cela imposerait de changer de politique du crédit, et notamment de parvenir, au niveau européen, à un accord sur des taux directeurs les plus faibles possibles, permettant le refinancement des entreprises à moindre coût.

Voilà qui nous conduirait sans nul doute à nous interroger une nouvelle fois sur la maîtrise publique du secteur bancaire et assurantiel, en revenant, par exemple, sur le mouvement de privatisation qui n’a conduit, dans notre pays, qu’au développement de l’exclusion bancaire des plus vulnérables et à l’émergence des produits dérivés les plus spéculatifs.

Venons-en à la question de l’utilisation de l’argent public.

Quelques centaines de millions d’euros étaient bien disponibles puisqu’on a décidé de réduire les impôts. Et l’on a ainsi décidé de réduire l’ISF plutôt que de répondre aux attentes sociales immédiates.

Permettez-moi en cet instant de pointer du doigt ce que nous aurions pu faire des sommes concernées si nous avions voulu nous en servir pour – horreur inconcevable pour tous les charlatans européistes ! – augmenter les dépenses publiques.

Prenons le cas de la justice.

C’est peu dire que, depuis 2007, des mesures ont été prises dans ce domaine et que, sur tout sujet relatif aux questions juridiques et judiciaires, nous avons eu de quoi faire avec les projets gouvernementaux ! Depuis la refonte de la carte judiciaire en passant par la mise en œuvre des peines plancher, sans oublier le récent texte qui criminalise la maladie mentale bien plus qu’il ne la soigne, nous avons eu du pain sur la planche !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On n’est plus tout à fait dans le sujet !

M. Thierry Foucaud. Si, précisément, monsieur le rapporteur général, parce que nous pouvons nous demander ce que nous aurions pu faire avec 1,8 milliard d’euros au regard des besoins de la France et des Français, au lieu de satisfaire la minorité de celles et ceux qui vont bénéficier encore un peu plus de l’ISF. Vous ne daignez pas regarder la vérité en face, mais d’évidents problèmes se posent dans les domaines de la santé, de l’école, de la justice. Permettez-moi de les évoquer brièvement.

En fait, si l’on observe les indicateurs associés aux crédits de la mission « Justice », il semble bien que les délais d’instruction des affaires n’ont pas été réduits de manière significative et que la mise en œuvre des procédures est toujours aussi longue qu’auparavant.

Pour faire bonne mesure – et je ne sais si cela est dû à la sévérité des jurys ou à l’aggravation de l’échelle des peines –, nous avons battu les records d’occupation de nos prisons et de nos établissements pénitentiaires, avec plus de 65 000 détenus pour un nombre de places très nettement inférieur.

La situation, particulièrement préoccupante, peut se caractériser ainsi : trop peu de gardiens dans les établissements, trop peu de conseillers de probation, trop peu d’intervenants éducatifs en milieu ouvert, notamment pour prévenir la délinquance des plus jeunes, trop peu de personnels à la protection judiciaire de la jeunesse, pas de moyens pour construire et proposer des alternatives à la prison, etc.

Nous avons besoin d’un millier d’intervenants dans les services de probation et de moyens nouveaux pour l’aide juridictionnelle : voilà des choix qui témoigneraient clairement d’une nouvelle orientation de la mission « Justice ».

Et nous pouvons tout à fait reproduire cette démonstration dans d’autres domaines, notamment celui de l’éducation. Car le 1,8 milliard d’euros auxquels le Gouvernement est prêt à renoncer en réduisant le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune représente plusieurs dizaines de milliers de postes d’enseignants du premier ou du second degré – 50 000, en fait –, ceux-là mêmes que l’on supprime aujourd’hui à tour de bras pour tenir l’imbécile objectif de disparition d’un emploi budgétaire sur deux agents de la fonction publique partant à la retraite !

Il y a, dans ce 1,8 milliard d’euros, mes chers collègues, de quoi commencer dès la rentrée 2011 le moratoire sur la fermeture des écoles en milieu rural que le Président de la République a cru bon d’annoncer aujourd’hui à La Canourgue, chez notre collègue Jacques Blanc, mais pour la rentrée 2012.

Le niveau des élèves en sortie de CM2 comme celui de nombreux collégiens, les difficultés d’insertion sociale et professionnelle d’environ 150 000 jeunes par génération constatées ces dernières années ne constituent-ils pas, pourtant, des raisons suffisantes pour que nous changions notre fusil d’épaule et que nous envisagions de donner aux plus jeunes des Français les moyens d’une scolarité réussie ? D’autant qu’il nous faudra ensuite payer la facture sociale résultant de cette fracture éducative !

Une meilleure formation pour nos jeunes, des angoisses moindres pour leurs parents : cela ne vaut-il pas que nous revenions tout simplement sur cette réforme de la fiscalité du patrimoine ? Mais cela implique effectivement d’opérer d’autres choix, de fixer d’autres priorités à l’action publique, de définir d’autres voies.

Et j’aurais pu évoquer de la même manière le logement, la santé, les transports, la culture.

Nous ne légiférons pas uniquement, mes chers collègues, pour complaire aux agences de notation ! Nous légiférons pour que l’argent public aille à ceux qui en ont besoin, pour répondre aux attentes sociales, pour créer les conditions de la croissance et du développement de l’ensemble de la société.

Il y a donc mieux à faire avec le fruit du travail de tous que de veiller au confort financier des contribuables de I’ISF, ainsi que cela nous est proposé aujourd’hui.

Je veux encore pointer quelques-unes des contradictions du discours gouvernemental comme de l’analyse de notre rapporteur général.

Le présent texte constitue un ensemble de mesures destinées à réformer la fiscalité du patrimoine, mais, comme par hasard, le jeu du « qui perd gagne » ne concerne pas toujours les mêmes personnes…

Figurez-vous, mes chers collègues, que la fiscalité du patrimoine, ce sont 56 milliards d’euros de rentrées fiscales pour l’État ou les collectivités, dont 14 milliards d’euros au titre de la seule taxe foncière. Quels sont, dans ce texte, les efforts réalisés sur ce dernier point ? Il n’y en a aucun ! Il aurait pourtant été bienvenu de faire un geste envers les petits propriétaires, ceux dont le pavillon de banlieue vaut, au mieux, 100 000 euros et qui ont vu, eux, leur taxe augmenter sans interruption année après année !

Autre exemple : une partie de la réforme est gagée sur la suppression du bouclier fiscal, dispositif aux effets « mitigés », selon les termes du rapporteur général lui-même. Autrement dit, pour supprimer un dispositif boiteux, le bouclier fiscal, on s’attaque à un impôt efficace, l’ISF. Parmi les perdants de la réforme figurent donc, entre autres, les 3 500 ménages qui ne sont pas redevables de l’ISF et qui avaient, pourtant, sollicité le bouclier fiscal, notamment pour leur taxe foncière. La seule réponse que l’on ait trouvée est celle de la cote mal taillée de l’article 14.

Mais surtout, comme nous nous en sommes rendu compte, la réponse la plus nette que le Gouvernement ait trouvée est celle de la remise en cause du dispositif des donations, dont on a pu vérifier, depuis la loi TEPA du 21 août 2007, tout le caractère pernicieux. Hélas, le Gouvernement fait notamment le choix de taxer un peu plus les donations d’un montant inférieur au seuil d’application de l’ISF. Cela conduit à financer la baisse de l’impôt de solidarité sur la fortune par l’augmentation des droits perçus sur les donations dont le montant sera inférieur à 1,3 million d’euros, seuil d’entrée dans l’ISF et, pis encore, pour les biens immobiliers, à 800 000 euros.

Ce sont donc des ménages moyens un peu moins riches que les actuels redevables de l’ISF qui vont payer la facture pour ceux qui sont pourtant à la tête d’un patrimoine élevé.

Quant aux effets de la mesure, nous les connaissons : tandis que, le 1er juillet, les 3 millions de smicards de notre pays toucheront exactement 27,30 euros bruts de plus sur leur fiche de paie, si ce texte est voté en l’état, 310 000 foyers redevables de l’ISF gagneront, sans le moindre effort, sans fournir aucun travail, environ 1 100 euros sur l’année, soit l’équivalent d’un SMIC brut mensuel !

Encore plus fort : les quelques milliers de redevables de l’ISF qui disposent d’un patrimoine plus important vont, quant à eux, toucher le jackpot ! Avec un peu plus de 40 millions d’euros de patrimoine, ce sont 450 000 euros, soit l’équivalent d’un SMIC mensuel chaque jour, qui seront rendus à chacun de ces contribuables !

Que valent 1 000 ou 1 500 euros rendus à 300 000 contribuables de l’ISF face aux difficultés qui attendent 150 000 jeunes sans diplôme lorsqu’il s’agit pour eux de trouver un emploi et de se dessiner un avenir ? Que vaut le 1,8 milliard d’euros de baisse de l’ISF face au million de mal-logés, aux 2,6 millions de chômeurs officiels ?

Devant un tel choix de société, nous ne pouvons, mes chers collègues, que vous inviter à adopter cette question préalable.

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