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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le traité aura des effets concrets sur nos territoires et nos concitoyens

Ratification du TSCG : demande de renvoi en commission -

Par / 11 octobre 2012

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à déplorer les conditions dans lesquelles se déroule le débat. Alors que la discussion n’est pas encore terminée, le ministre décide de répondre aux orateurs, puis on me demande de prendre la parole, tout en sachant que la séance va être suspendue dans quelques minutes. Pour notre collègue qui doit intervenir contre la motion, ce n’est pas très agréable. Il aurait mieux valu organiser les débats de façon plus logique.

Cela étant, je voudrais revenir sur les propos que vous avez tenus, monsieur Leconte. Nous avons, nous aussi, une idée de l’Europe : elle est, certes, éloignée de la vôtre, mais elle existe. Nous n’avons donc pas de conseils à recevoir de votre part, surtout pas de ce genre-là.

J’en viens à la présentation de la motion tendant au renvoi à la commission.

La discussion du projet de loi montre que nous sommes loin d’une banale convention fiscale internationale comportant un simple article de validation de l’avenant le plus récemment signé entre la France et l’un de ses interlocuteurs internationaux. Nous sommes en présence d’un texte porteur de changements profonds dans la gestion de nos affaires publiques, mais de changements éloignés de l’idée que s’en faisait la majorité du peuple français au printemps dernier.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu dire que vos prédécesseurs étaient mauvais, qu’ils ont contribué à faire augmenter le chômage, à affaiblir le pays.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ça, c’est vrai !

M. Thierry Foucaud. Bien sûr, je partage votre avis.

M. Philippe Kaltenbach. Très bien !

M. Thierry Foucaud. Pourtant, pas un mot, pas une virgule, pas un paragraphe n’a été modifié dans le traité annexé à l’article unique. Le changement attendu par les Françaises et les Français se retrouve limité à « tenir la parole » de la France en ratifiant le texte. Sarkozy a coécrit le traité avec Merkel et semble donc nous avoir engagés à le respecter !

Mais que dire du volet de croissance qui figure dans les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, un volet de croissance qui justifie que, bon gré mal gré, nous soyons amenés à ratifier le texte qui nous est proposé ?

Je cite ce passage, au demeurant en français dans le texte : les États membres s’attacheront « à promouvoir la croissance et la compétitivité, notamment en s’attaquant aux déséquilibres profonds et en allant plus loin dans les réformes structurelles afin de libérer le potentiel national de croissance, grâce, entre autres, à l’ouverture de la concurrence dans le secteur des entreprises de réseau, à la promotion de l’économie numérique, à l’exploitation du potentiel de l’économie verte, à la suppression des restrictions injustifiées appliquées aux prestataires de services et aux mesures visant à faciliter le démarrage d’une entreprise ».

Au traité budgétaire s’ajoute donc le retour des vieilles lunes libérales des bienfaits de l’ouverture à la concurrence sur les entreprises de réseau, sur les services – on peut dire que Bolkestein est de retour ! –, toutes dispositions dont les zones blanches de l’internet et les territoires enclavés entre deux autoroutes et deux lignes ferroviaires à grande vitesse sont la meilleure démonstration d’efficacité.

N’en déplaise à beaucoup, l’intervention publique dans l’économie n’a jamais constitué un obstacle au plein développement des potentiels de croissance. Bien au contraire pourrions-nous même dire au regard de la situation de quelques pays privés d’opérateurs publics performants en matière d’énergie, de télécommunications, et j’en passe !

Comprenez, mes chers collègues, que le traité de stabilité, pas plus que son appendice fièrement appelé « pacte pour la croissance et l’emploi », qui vise à aller plus loin dans la libéralisation des services et la flexibilité de l’emploi, une flexibilité d’ailleurs encouragée financièrement dans le cadre du pacte lui-même, ne peut décemment qu’appeler nombre d’observations de fond et de forme.

La discussion du projet de loi de ratification est le premier volet d’une tragicomédie en cinq actes qui va nous occuper une bonne partie de l’automne. Elle sera suivie par l’examen du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, puis du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le tout, évidemment, avant l’épilogue prévisible que constitueront, au cours de l’année 2013, si l’on n’y prend garde, les lois de finances rectificatives ou de redressement occasionnées par le choc récessif des dispositions ici rapidement évoquées.

Comment attendre 0,8 % de croissance en 2013 après cinq trimestres consécutifs à 0 % ?

Tragicomédie, disais-je, puisque l’on pourrait ainsi résumer le processus futur de confection de nos lois de finances.

Avant le TSCG, nous avions une phase de préparation du budget, marquée, dès avant l’été, par des lettres de cadrage, par des consultations menées avec les partenaires sociaux et les formations politiques, avant que le projet de loi de finances ne soit discuté, débattu, amendé et, finalement, promulgué au terme de la navette parlementaire. Et le Parlement disposait, tout au long de l’année, de pouvoirs de contrôle et d’investigation sur les engagements pris par l’État !

Dans les collectivités territoriales, les conseils municipaux débattaient des orientations budgétaires, puis votaient un budget dès le premier trimestre civil avant de procéder, au terme de la discussion du budget supplémentaire, aux quelques ajustements rendus nécessaires par la situation.

Bien évidemment, au moins depuis une bonne vingtaine d’années et la naissance de l’enveloppe normée des concours, les élus locaux s’inquiètent de connaître l’évolution des choses, notamment des moyens que leur apporteront les dotations de l’État.

Demain, ces équilibres fragiles de la démocratie locale – pour les collectivités territoriales –, de la démocratie sociale – déjà sérieusement entamée mais restant en partie présente dans la gestion de la sécurité sociale – et de la représentation nationale – vote du budget par le Parlement et contrôle de son exécution par celui-ci – vont voler en éclats parce qu’un aréopage d’experts, pompeusement dénommé Haut Conseil des finances publiques, aura déterminé, par avance et au regard de nos engagements internationaux, ce que la loi de finances comme les lois de financement devront comprendre. Il se prononcera également sur ce qu’il conviendra de faire si, d’aventure, la conjoncture économique est si déprimée qu’il importe de procéder à la construction de mesures de redressement des comptes.

Au demeurant, le Haut Conseil ne fera que jouer le rôle sourcilleux de gendarme veillant au respect des règles fixées par le traité européen. Ce collège de docteurs « ès austérité » aura aussi la liberté de partager la facture de redressement entre sous-ensembles du secteur public. On peut imaginer l’affaire !

Supposons que la France soit en décalage de 5 milliards d’euros par rapport à ce qui lui est demandé. Eh bien, j’imagine que le Haut Conseil, agissant par procuration, incitera l’État à trouver 3 milliards d’euros, la sécurité sociale 1,5 milliard d’euros et les collectivités locales 500 millions d’euros… Voilà qui laissera au Parlement, comme aux assemblées élues dans nos territoires, une seule liberté, celle de fixer les conditions d’administration de la purge !

Je doute que si, d’aventure, la hausse des impôts générée par telle ou telle mesure est supérieure au décalage observé, l’excédent puisse être mobilisé pour répondre aux besoins collectifs. Non, ce sera toujours le même refrain : tout pour réduire le déficit ! Telle est la réalité !

De fait, la motion de renvoi à la commission paraît pleinement justifiée aux yeux du groupe CRC.

Comment peut-on se dispenser de l’avis de la commission des lois, alors même que les principes de libre administration des collectivités territoriales sont clairement remis en cause par la logique interne du traité ?

Comment peut-on se passer d’un avis de la commission des affaires sociales, à compter du moment où les équilibres financiers de la sécurité sociale pourront fort bien être mis en question au travers de mesures aussi populaires que la réduction de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ou un éventuel report de l’âge de départ à la retraite ?

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Thierry Foucaud. Comment peut-on se dispenser de l’avis de notre commission des affaires économiques, comme de celle du développement durable, alors qu’il est évident que tout effort de redressement des comptes publics passera par une mise en question de crédits affectés ou destinés à notre politique environnementale, à nos choix d’infrastructure ?

Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, Aurélie Filippetti, ministre de la culture, a d’ores et déjà annoncé que certains projets d’équipements culturels marqueraient une pause. De même, on parle de la mise en suspens de la réalisation du canal Seine-Nord, liaison fluviale de première importance.

Au moment où l’on parle de redressement, de croissance, il est bien évident que si ces programmes sont interrompus, on est dans la décroissance, dans le sous-emploi !

L’interruption, voire la mise en question de Seine-Nord Europe, ce sont les économies budgétaires d’aujourd’hui qui nous coûtent le développement de l’économie de demain. Elles mettent en cause les infrastructures intermodales déjà en cours de réalisation, les emplois et l’activité qu’elles pourraient générer.

Dans le même ordre d’idées, mon amie Mireille Schurch, sénatrice de l’Allier, m’indiquait récemment que les nécessaires travaux de mise au gabarit de la route nationale 145, la trop tristement célèbre route Centre Europe Atlantique, seraient probablement remis en question.

À partir de ces exemples que d’aucuns qualifieront de simplistes, la question est posée : combien faudra-t-il encore de pertes en vies humaines pour arriver à la mise en sécurité de la N 145 et à une réflexion plus globale sur les alternatives à la route, notamment le développement indispensable du fret ferroviaire dans le cœur de notre pays par trop enclavé encore ?

Vous le voyez, ce débat sur le traité budgétaire n’est pas qu’une affaire d’indices statistiques. Le traité budgétaire a et aura, mes chers collègues, dans tous les cas de figure, une traduction concrète, au plus près des territoires que nous représentons et des citoyens qui nous confient l’honneur de parler ici en leur nom. Le projet de loi de finances pour 2013, pour ne donner qu’un exemple, transpire dans tous ses articles, dans son architecture générale, dans ses objectifs et finalités, la logique du traité.

Augmenter les impôts, contenir les créations d’emplois budgétaires, geler ou réduire la dépense publique, procéder, au besoin, aux transferts de compétences et de charges en direction des collectivités locales ou de la sécurité sociale, tout concourt et concourra – dans le cadre de la loi de programmation – à répondre aux objectifs du traité.

Je ne peux manquer de souligner ici que la mise en œuvre du traité budgétaire souffrira de plusieurs obstacles qui auraient mérité autre chose que la consultation parlementaire qui nous est proposée.

Ainsi, il va bien falloir, mes chers collègues, qu’Eurostat, sur la foi des éléments fournis par les différents signataires du traité, nous dise exactement ce qu’est le déficit structurel du budget de l’État et ce que serait son déficit conjoncturel. En disant cela, je rejoins M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, qui s’est exprimé récemment sur le sujet en commission.

Si la définition du déficit structurel est arrêtée, qu’on nous la fournisse au plus tôt, monsieur le ministre, ne serait-ce que pour ceux qui l’auraient oubliée. Tous les pays de l’Union n’ont pas le même aménagement du territoire, la même structure économique, la même situation démographique, autant d’éléments constituants de la société propre à chaque nation. Les différences de taux d’activité féminine sont déjà, pour ne donner qu’un exemple, un aspect structurant des économies et sociétés des pays européens.

Un économiste comme Benoît Cœuré, ancien de l’INSEE, ancien directeur de l’Agence France Trésor et aujourd’hui membre du directoire de la BCE, avait lui-même conclu, dans une étude publiée en 1998, que la notion de déficit structurel ne pouvait être définie avec précision et qu’il convenait même de s’en garder. Tout simplement parce que les paramètres qui servent à le déterminer, notamment la distinction entre croissance du PIB et PIB potentiel, c’est-à-dire l’écart de PIB, sont d’un maniement complexe pour définir toute politique économique.

Les membres de mon groupe et moi-même sommes toutefois persuadés de quelque chose : quarante ans de dérégulation financière renforcée, quarante ans de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises, quarante ans de prise en charge par les deniers publics des désordres du marché ont largement contribué à la situation actuelle.

L’armée industrielle de réserve que constituent 3 millions de chômeurs à temps plein et 2 autres millions à temps partiel montre clairement où est l’origine du déficit des comptes publics.

M. Guy Fischer. Cela fait 5 millions de chômeurs !

M. Thierry Foucaud. Et que dire du gaspillage de l’argent laissé au libre arbitre d’agents économiques qui n’ont pas joué le jeu et ont préféré le profit de court terme à toute autre considération ?

Pour respecter mon temps de parole, je dois à présent conclure, mais je sais que d’autres membres de mon groupe ont déjà défendu ces arguments et mieux que je ne l’ai fait. En tout cas, vous aurez aisément compris pourquoi il ne faut surtout ni signer ni ratifier ce pacte budgétaire sans en avoir mesuré tous les tenants et aboutissants. Voilà ce que propose la motion de renvoi à la commission !

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