Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Les choix du Gouvernement pour les collectivités ne sont pas plus pertinents que ses choix économiques et sociaux

Loi de finances pour 2015 -

Par / 20 novembre 2014

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce qu’a déclaré Thierry Foucaud ce matin. Pour ma part, j’évoquerai la question des collectivités territoriales.

Voilà déjà quelque temps que l’État joue d’une certaine façon à cache-tampon avec les collectivités territoriales, réformant ici une dotation, supprimant là un impôt en mettant en place une compensation imparfaite, rognant ailleurs le pouvoir d’achat d’un dispositif, opposant péréquation et individualisation des concours.

Depuis vingt-cinq ou trente ans, les concours budgétaires de l’État connaissent ainsi des correctifs plus ou moins importants.

Lorsque j’ai pour la première fois été élue maire de ma commune, la dotation globale de fonctionnement était fixée à raison des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe professionnelle existait, l’on n’avait pas encore opéré de réfaction sur le montant du fonds de compensation de la TVA et le principe de l’enveloppe normée n’avait même pas été pensé. Nous en étions alors aux débuts de la décentralisation. Les collectivités locales découvrirent ensuite peu à peu que cette dernière se traduirait par un désengagement de l’État.

Les départements engageaient le développement et la réhabilitation de notre parc de collèges. Quant aux régions, elles ont très rapidement mis à l’ordre du jour la remise à niveau des établissements existants et à la construction de nouveaux lycées. Les collectivités ont ainsi fait la démonstration de leur efficacité et de leur réactivité, tandis que les besoins de nos territoires étaient mieux traités.

Où en est-on aujourd’hui ? Dans quelles conditions les collectivités assument-elles leurs interventions ?

La taxe professionnelle s’est dissoute dans la dotation globale de fonctionnement et la contribution économique territoriale, libérant de 8 à 10 milliards d’euros pour les entreprises, sans que cela se traduise par un nouveau dynamisme de l’économie. La DGF a progressivement été « décrochée » de la croissance réelle et son poids relatif, au sein des ressources des collectivités, est loin de s’être accru. En 2004, la dotation avait vu son montant quasiment doubler pour prendre en compte la disparition de la part dite « taxable » des salaires.

Le présent projet de budget va rendre encore plus délicates les relations entre État et élus locaux. Alors même qu’une réforme territoriale s’engage et conduit à revenir sur l’acquis de la décentralisation, et cela sans la moindre consultation démocratique, sous le fallacieux prétexte de faire des économies, lesquelles se traduiront par le démantèlement de services publics et par des suppressions d’emplois, le projet de loi de finances prévoit d’ajouter la mise à la diète financière, conséquence du dogme de la réduction de la dépense publique.

On reproche aux collectivités territoriales des effectifs trop importants. De 1998 à 2012, le nombre de personnels de la fonction publique territoriale est passé de 1 383 600 à 1 912 800, soit une hausse de 529 200 postes, ce qui aura tout de même contribué, mes chers collègues, à éviter que nous ne comptions autant de chômeurs en plus.

Souvenons-nous toutefois que le mouvement de transfert de compétences s’est accompagné du transfert d’effectifs de l’État dans la foulée de la décentralisation Raffarin. Les deux tiers des 82 000 agents régionaux ne sont que d’anciens agents de l’État, comme vous le savez, monsieur le ministre, compte tenu des responsabilités que vous occupiez à l’époque… De la même manière, plus du quart des agents départementaux proviennent aujourd’hui des transferts de personnels de l’État.

Dans le bloc communal, c’est au sein des établissements publics de coopération intercommunale, dont le nombre et les compétences ont fortement évolué depuis la loi de 1999, que l’on a observé l’essentiel de la progression des effectifs. Près de 300 000 emplois ont ainsi été créés par les communes et leurs établissements de coopération depuis 1998.

Toutefois, la constitution d’intercommunalités a eu pour objectif d’apporter une certaine « valeur ajoutée » au territoire concerné et à leurs habitants L’intercommunalité de projet est une réalité, et, bien souvent, depuis quinze ans, c’est l’échelon intercommunal qui a été retenu par les élus locaux pour la création de services à la population que chaque commune, prise isolément, n’aurait pas pu mettre en œuvre.

L’administration locale a donc créé des emplois dans la dernière période, mais c’est bien pour apporter une réponse aux populations et, à cet égard, la réforme des rythmes scolaires a eu pour effet de les obliger à en créer d’autres.

Je précise que la fonction publique territoriale compte d’abord et avant tout des personnels d’exécution – quelque 75 % des titulaires sont des agents de catégorie C, une voie qui peut constituer une réponse au chômage d’une bonne partie de la population – et se révèle fortement féminisée, puisque 60 % des agents sont des femmes.

Les vrais enjeux des années à venir pour la fonction territoriale, ce sont les défis de la qualification et de la promotion interne et non ceux de la réduction arbitraire des effectifs – sauf à considérer que les services publics locaux ne présentent aucun intérêt. Or les collectivités territoriales ont permis l’accès aux familles modestes de multiples activités, qui sont facteurs de cohésion sociale dans une période de crise. De surcroît, ces services publics sont une composante du pouvoir d’achat qui doit être mieux estimée et mieux appréciée par tous.

Que représentent les collectivités territoriales dans l’économie nationale ? Les chiffres de 2013 sont clairs : d’une part, des dépenses de fonctionnement de quelque 163 milliards d’euros, en hausse d’environ deux points par rapport à 2012, et, d’autre part, des dépenses d’investissement de plus de 71 milliards d’euros, avec une hausse significative des dépenses du bloc communal de plus de sept points – c’est ce que l’on appelle « l’effet du cycle électoral », et l’on voit combien il pèse dans notre économie nationale.

Néanmoins, comme le remarque à juste titre l’Observatoire des finances locales dans son rapport de cette année, cet effort d’investissement des collectivités locales se fait au prix d’un endettement plus important qu’auparavant, et le niveau de la dette des collectivités locales a continué de progresser, comme il le fait depuis 2004.

À la suite des errements de Dexia, qui ont conduit à la banalisation du financement des investissements locaux, certaines collectivités connaissent une situation sensiblement plus dégradée que d’autres.

Le Gouvernement a fait adopter un projet de loi conduisant à dédouaner Dexia de ses responsabilités, laissant certaines collectivités aux prises avec leurs emprunts structurés, leurs avocats et leur coût exorbitant en devises et en procédures.

Aujourd’hui, au lieu d’utiliser le fonds départemental d’écrêtement de la taxe professionnelle pour alimenter un fonds d’investissement, ne faudrait-il pas mettre en place un moratoire sur les intérêts des dettes des collectivités territoriales pour leur donner les capacités d’investissement dont notre économie a besoin ? L’orientation imprimée aux collectivités par la loi de finances pour 2015 est malthusienne et contre-productive.

Qui devons-nous écouter, mes chers collègues ? Pierre Gattaz, qui en veut toujours plus en matière d’allégement des cotisations et des impositions des entreprises, qu’elles soient nationales ou locales, ou les patrons des entreprises de travaux publics, qui manifestent pour demander qu’on « lâche la bride » sur les dotations aux collectivités locales, afin que celles-ci puissent investir et, par voie de conséquence, mettre des offres de travaux sur le marché, ce qui est vital pour nos territoires, mais aussi pour l’économie nationale ?

J’ai donc été étonnée par les termes utilisés pour évaluer l’impact de la mesure qui nous est ici présentée. L’évaluation de l’article 9, fournie par le Gouvernement, indique en effet : « La dotation globale de fonctionnement étant une dotation globale et libre d’emploi, les conséquences de sa diminution de 3,67 milliards d’euros en 2015 sur la croissance, l’emploi et l’investissement public local dépendront des choix individuels faits par chacune des collectivités territoriales concernées, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales. » On dit donc aux élus locaux qu’on leur prend une partie des ressources dont ils disposaient jusqu’ici et qu’on leur laisse le libre arbitre de s’en accommoder comme ils le peuvent…

Plus loin, la même évaluation de l’article 9 nous précise que « la présente disposition n’a pas d’impact direct sur l’emploi public, local ou national ».

Une réforme plus profonde encore de la dotation globale de fonctionnement devrait être engagée en 2015, mais, selon certaines informations, elle comporterait une sorte de « démarche qualité » sanctionnant, par des réductions de dotations, les « mauvais élèves » par trop dépensiers. Toutefois, nous apprécierions, monsieur le ministre, que vous nous annonciez un objectif différent.

À la vérité, le choix opéré par le Gouvernement pour les collectivités n’est pas plus pertinent du point de vue économique et social que ceux qui imprègnent l’ensemble du projet de loi de finances pour 2015.

Les rapporteurs de la commission des finances pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales », Charles Guené et Jean Germain, le disent d’ailleurs dans leur rapport, quand ils parlent d’« effet potentiellement récessif » de cette réduction de 3,67 milliards d’euros, qui se poursuivrait, je le rappelle, en 2016 et 2017.

De deux choses l’une : ou bien les collectivités territoriales constituent, comme dans d’autres pays européens, des interlocuteurs majeurs de l’État et, dès lors, on fait confiance au sens des responsabilités des élus locaux pour tirer au mieux parti des moyens matériels et humains dont ils disposent ; ou bien l’on pense qu’il convient de les enrôler de force dans une politique de réduction des déficits et de la dette dont elles ne sont que fort peu responsables.

On décide donc, de fait, de produire un mouvement de recentralisation, laissant peu de place à l’initiative locale. À force de dépenses obligatoires et de moyens contraints, interchangeables, quelle que soit par ailleurs l’étiquette politique des élus, quel est l’avenir de nos institutions locales ?

Ne serait-ce pas là le plus sûr moyen de dévitaliser l’attachement de nos compatriotes à la démocratie locale, mettant en péril, in fine, les valeurs et vertus républicaines du dialogue citoyen et de la confrontation des idées, ainsi que la pluralité des options et des orientations politiques ?

Les collectivités locales fonctionnent aujourd’hui grâce à des élus, le plus souvent quasi bénévoles, qui consacrent une partie de leur temps libre à gérer les affaires de leur village, de leur bourg, de leur ville. Ce terreau démocratique, il nous faut le nourrir et non le faire mourir.

Les dernieres interventions

Finances Les injustices de la solidarité fiscale pour les femmes

PPL Justice patrimoniale au sein de la famille - Par / 19 mars 2024

Finances Médecine scolaire : l’État doit assumer son rôle

Proposition de loi visant à PPL visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires - Par / 18 mars 2024

Finances Et pour 13 000 milliards de dollars

Rapport de la Cour des comptes 2024 - Par / 13 mars 2024

Finances Non à l’économie de guerre

Financement des entreprises de l’industrie de défense française - Par / 7 mars 2024

Finances Les Départements dans le collimateur

Débat sur les finances des Départements - Par / 7 mars 2024

Finances Que faire d’EDF ?

Proposition de loi proposition de loi visant à protéger visant à protéger EDF d’un démembrement - Par / 24 janvier 2024

Finances Un budget, deux visions de la société

Explication de vote sur le projet de loi de finances pour 2024 - Par / 12 décembre 2023

Finances La chute de la démographie a bon dos

Débat sur les crédits de l’enseignement supérieur - Par / 4 décembre 2023

Finances Le logement est en urgence humaine, sociale et économique

Vote des crédits pour la cohésion des territoires - Par / 1er décembre 2023

Finances Les lois de la République contre celles des actionnaires

Débat sur la partie recettes du projet de loi de finances pour 2024 - Par / 23 novembre 2023

Finances Le budget de l’État à l’aune de la vie de Chantal

Question préalable au projet de loi de finances 2024 - Par / 23 novembre 2023

Finances 30 millions d’euros pour l’aide alimentaire

Vote sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 - Par / 20 novembre 2023

Administration