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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de Finances 2005 (2)

Par / 25 novembre 2004

par Marie-France Beaufils

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

La France est un pays riche et pourtant des hommes et des femmes vivent encore sous le seuil de la pauvreté. Des salariés n’arrivent plus à faire vivre correctement leur famille avec le SMIC qui n’est plus le salaire minimum, mais devenu le salaire généralisé. Les charges pèsent en effet de plus en plus lourd sur les budgets. Le budget de la Nation devrait tenir compte de cette situation.

La France est un pays riche parce qu’elle dispose, au travers de ses ressources naturelles, de la qualité de la formation initiale et permanente de ses salariés, de la qualité de ses infrastructures de transport, de ses services publics, d’atouts irremplaçables pour faciliter croissance et développement économique et social.
Nous devons donc avoir un regard particulier sur la situation économique et sociale et identifier clairement les retards, les difficultés, les problèmes quand ils se posent et, partant de là, quelles mesures peut contenir une loi de finances pour y répondre. L’objectif doit être, à notre avis, qu’au travers de son budget, l’Etat affirme un partage plus équitable de la richesse créée par le travail de tous entre tous les membres de la communauté nationale.

Pour notre part, ce que nous attendons de la nation, c’est qu’il permette de donner une orientation et une inflexion spécifiques pour que l’exigence de justice sociale qui se manifeste dans le pays trouve traduction dans les choix que l’Etat propose alors son budget.
Mon collègue Bernard VERA a montré, lors de la première des interventions de notre groupe, que le contenu de la loi de finances est fort éloigné de ces objectifs là.
Une loi de finances devrait répondre plus nettement aux impératifs de la situation de notre économie et de notre société ?

La loi de finances que vous nous présentez est alimentée par l’idée que l’Etat n’a plus les moyens et que chacun doit faire des efforts.
On ne peut en effet examiner cette loi de finances 2005 sans se souvenir de tout ce qui a déjà été fait les années précédentes. Une bonne part des mesures prises depuis le printemps 2002 joue encore pleinement dans le cadre de la présente loi de finances.

Le premier point de divergence réside bien entendu dans l’évolution de notre fiscalité.
Si l’on devait en croire certains, et je pense notamment aux responsables du MEDEF ou encore à M. CAMDESSUS, cette fiscalité représenterait un obstacle pour l’attractivité de notre pays. Le Conseil des impôts n’a pas la même analyse dans son dernier rapport. Notre collègue Rapporteur ne souhaite bien sûr pas s’y référer, mais l’analyse est pourtant intéressante.
Vous préférez, en effet, l’impôt sur la consommation que vous appelez TVA sociale, ce qui est déjà dans l’expression, totalement anti-économique.

Tout se passe un peu comme si la France, aux yeux de certains, parce qu’il y aurait compétition internationale, devait se plier à la règle du moins disant fiscal, moins disant fiscal se traduisant comme nous le voyons d’ailleurs dans le cadre de la présente loi de finances par une nouvelle distribution de la charge des prélèvements obligatoires pesant plus sur les salariés et les revenus salariaux ou assimilés.
Cette pression permanente pour l’allégement des prélèvements obligatoires sur ceux qui peuvent, le pays vous conduit à des choix qui contredisent vos déclarations. Tout faire pour redresser la situation de l’emploi nécessite une évaluation efficaces des mesures prises jusqu’à ce jour.
Or, le credo que vous choisissez de la réduction des dépenses publiques aggrave la situation des populations les plus fragiles.

Vous réduisez les impôts qui ne touchent qu’une part infime de la population et vous vous désengagez du financement de la solidarité nationale, de la construction de logements, du développement de notre système éducatif, ou encore vous transférez des dépenses de l’Etat vers les collectivités locales.
Ce qui doit ou devrait animer une loi de finances, Monsieur le Ministre, c’est bien plutôt dans un premier temps de remettre notre fiscalité sur ses pieds.
Elle demeure, cette fiscalité, trop largement marquée par le poids de la fiscalité indirecte.
Les recettes fiscales de l’Etat, ce sont d’abord le produit de la TVA et celui de la TIPP. Celles qui touchent tous les habitants, même ceux qui sont en dessous du seuil de la pauvreté.

Notre impôt sur le revenu ne correspond pas le moins du monde à la réalité du revenu des ménages, la part des revenus salariaux y est déterminante (plus de 64 % de l’assiette imposable), celle des pensions et retraites vient (avec près de 23 %) compléter l’essentiel de la base imposable.
Quant aux revenus des capitaux mobiliers, ils ne représentent qu’un peu plus de 2 % des revenus imposables alors qu’ils pèsent pour une part autrement plus significative dans le revenu global des ménages, comme le montre par exemple l’assiette de la CSG ?

Une loi de finances comme nous le souhaiterions devrait s’engager dans cet objectif de justice sociale et d’égalité devant l’impôt, objectif de caractère d’ailleurs constitutionnel, au regard de l’un des textes fondateurs de notre droit, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Le système fiscal de notre pays, quoiqu’on en dise, ne constitue pas un obstacle majeur au développement économique et social, contrairement à ce que l’on entend trop souvent.
Dans son rapport récent sur la concurrence fiscale, le Conseil National des Impôts indique notamment (je cite)
« Les manifestations de la concurrence fiscale attendues par la théorie ne sont pas toutes observées « ou encore « La fiscalité semble jouer un rôle réduit dans la problématique d’ensemble de la localisation des entreprises « .
Ainsi, le rapport du Conseil note (je cite de nouveau) : « Si une fiscalité plus lourde est, toutes choses égales par ailleurs, un handicap, elle a souvent pour contrepartie une offre de services publics qui constitue quant à elle un avantage « (fin de citation).

N’ y eut il pas, d’ailleurs, il y a une dizaine d’années, ici un Ministre du Budget pour nous dire que ce n’était pas l’accumulation d’avantages fiscaux qui pouvait déterminer des choix d’investissement des entreprises ?
Ce Ministre du Budget, Monsieur le Ministre, c’était vous-même.
Une loi de finances digne de ce nom ne peut donc faire abstraction de cette nécessaire mise à jour de notre système de prélèvements.
Ce qui par contre serait à notre avis indispensable, c’est que notre fiscalité prenne mieux en compte la structure même du capital de nos entreprises et s’attache à rendre plus efficace, pour la collectivité nationale, les revenus financiers de ces sociétés.

A contrario, la stabilisation du niveau des prélèvements obligatoires dont vous vous félicitez à redonner aux entreprises (et souvent les plus grandes) et aux ménages les plus aisés des marges de manœuvre payées par les autres.
Nous sommes donc de plus en plus éloignés de la nécessité de la justice sociale et fiscale.
Une loi de finances, ce sont des engagements publics pour répondre aux exigences sociales, aux besoins collectifs, aux attentes de la population.
Nous l’avons dit : notre pays est un pays riche, plein de potentiels aujourd’hui assez nettement inexploités. Les conséquences sont lourdes.
Des jeunes sortent, encore trop nombreux, du système scolaire sans qualification et formation suffisantes pour intégrer la vie active. D’autres, de tout niveau, de qualification, prêts à s’investir dans la recherche sous toutes ses formes, s’expatrient en grand nombre. Le pays perd ainsi son investissement en formation et des possibilités de développement.

Des familles entières continuent d’attendre le logement social que leur situation précaire devrait pourtant leur permettre d’obtenir dans les meilleurs délais.
Des milliers de salariés, malgré les aides abondamment versées aux entreprises pour ’ alléger le coût du travail ’ sont victimes des plans de licenciement, plans de licenciement que l’on continue d’ailleurs de favoriser en adaptant sans cesse notre Code du Travail aux seuls desiderata du MEDEF. Dans un pays comme le nôtre, la mise en œuvre d’un outil sécurisant pour les salariés d’emploi et de formation tout au long de leur vie serait plus efficace que le RMA.

Que de grands projets d’infrastructure, susceptibles de répondre à des exigences en termes d’aménagement du territoire et de désenclavement de certaines parties de ce territoire, sont remis à plus tard, voire purement et simplement annulés.
Il y aurait, dans l’esprit de certains, comme une habitude au moins intellectuelle et conceptuelle à concevoir la dépense publique comme une sorte de maladie dont il faudrait se garder.

Nous sommes, pour notre part, clairement partisans d’une dépense publique à la fois généreuse et efficace.
Généreuse parce que répondant aux impératifs de la situation économique et sociale, aux besoins de la population et notamment de la population la plus vulnérable et la plus précarisée.

Efficace, parce que contribuant, au-delà de la satisfaction des besoins, à donner de nouveaux leviers de développement économique et social à l’ensemble de la collectivité nationale.
Ce sont là les points que nous comptions souligner dans cette intervention.

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