Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Loi de finances pour 2007 : enseignement scolaire

Par / 4 décembre 2006

Monsieur le ministre, je ne me lancerai pas dans un inventaire à la Prévert qui me conduirait à citer une série de chiffres indigestes démontrant le manque d’ambition de votre budget pour la réussite de tous nos jeunes. Je préfère consacrer le temps qui m’est imparti à vous exprimer l’ambition qui nous anime, sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, pour l’école de la République.

Loin de renoncer aux valeurs fortes de notre République, nous voulons, bien au contraire, en remettre les principes au centre de notre ambition pour l’école.

Commençons par le principe de liberté, celle-ci étant l’émancipation acquise par l’éducation. Participer à l’émancipation des individus, c’est socialiser les jeunes, leur transmettre des valeurs, les former à l’esprit critique, les aider à se construire, à s’épanouir, leur donner les clés pour comprendre le monde.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Et peut-être aussi les instruire, non ?

Mme Annie David. C’est aussi contribuer à former le travailleur et le préparer à l’insertion professionnelle.

Tel est véritablement le sens que nous donnons au mot liberté, lorsqu’il s’agit de l’éducation.

Vient ensuite le principe d’égalité, auquel d’ailleurs le plan Langevin-Wallon faisait déjà référence comme principe premier. Il est lié à celui de justice, qui offre en effet deux aspects non point opposés mais complémentaires : l’égalité et la diversité.

« Tous les enfants, quelles que soient leurs origines familiales, sociales, ethniques, ont un droit égal au développement maximum que leur personnalité comporte. [...] L’enseignement doit donc offrir à tous d’égales possibilités de développement, ouvrir à tous l’accès de la culture. [...] La diversification des fonctions sera commandée non plus par la fortune ou la classe sociale mais par la capacité à remplir la fonction. »

Même si la formulation peut sembler désuète, nous nous retrouvons dans cette définition du mot « égalité », qui vise bien l’égalité des droits, l’égalité d’accès et non pas l’égalité des chances.

Plus récemment, Jean-Yves Rochex a d’ailleurs dénoncé la dérive à laquelle nous assistons, à savoir la volonté de promotion de tous prônée dans ce plan et la promotion d’une « élite élargie », souhaitée par le gouvernement auquel vous appartenez.

Quant au principe de fraternité, il se retrouve dans notre refus de la sélection sociale et économique, territoriale, culturelle, religieuse.

Pour tous les républicains, cette fraternité, c’est-à-dire ce principe d’équité de traitement sur tout le territoire national fondamentalement lié à l’école de la République, est intangible. En cela, cette école est laïque et gratuite, car ouverte à toutes et tous, sans distinction aucune.

À cet égard, je souhaite exprimer mon indignation devant la « chasse aux enfants » orchestrée cet été par le ministre de l’intérieur et qui se poursuit avec plus d’intensité encore.

Pendant les vacances scolaires, enseignants, parents, citoyens, militants se sont dressés ensemble pour dire « non » à ces expulsions et aux méthodes associées, indignes de notre République.

Aujourd’hui, le combat pour le droit à l’éducation de tous les enfants et la régularisation de leurs parents continue, et les événements de ce week-end, à Lyon-Saint-Exupéry puis à Roissy, m’indignent profondément, car la famille maltraitée, d’origine kosovare, est en France depuis cinq ans, et deux des trois enfants sont nés dans notre pays. Ils y sont d’ailleurs scolarisés tous les trois et auraient dû « entrer » dans le champ de la circulaire de juin.

Le droit à l’école pour tous a été bafoué ce week-end, monsieur le ministre.

L’école de la République, c’est aussi l’école de la démocratie, de la tolérance, une école humaniste. Considérant ses élèves comme des citoyens en formation, renforçant les liens entre l’équipe éducative et les parents, elle s’enrichit de l’échange, de la confrontation d’idées et reste centrée sur le développement et l’épanouissement de l’enfant, tout en prenant en compte les besoins de la société.

Elle est donc aux antipodes de l’école élitiste prônée par le Gouvernement, école au sein de laquelle, dans le même temps, des élèves auront accès à un socle de connaissances et de compétences minimum pendant que d’autres, plus nantis ou se comptant parmi ceux, peu nombreux, qui auront droit à une bourse au mérite, auront la « chance » de bénéficier d’un « socle bis ».

Monsieur le ministre, vous n’empruntez pas la bonne voie pour permettre à l’école d’atteindre l’objectif de réussite pour toutes et tous les élèves. En effet, une nouvelle fois, le budget se caractérise par des suppressions de postes : en 2007, un peu plus de 8 500 suppressions sont prévues !

Par ailleurs, toutes les méthodes sont utilisées pour réduire le budget : en diminuant la durée de l’enseignement ; en finançant, d’une part, les dédoublements en langues par la suppression des travaux personnels encadrés, les TPE, en terminale et, d’autre part, le plan « ambition réussite » par la suppression d’une demi-heure de cours au collège ; en diminuant les salaires des enseignants, puisque les décharges supprimées se traduisent souvent en heures supplémentaires.

M. Gilles de Robien, ministre. Ah bon ?...

Mme Annie David. D’ailleurs, Bercy a déjà calculé l’économie pour les finances de l’État et la perte salariale, soit 6 % environ sur la fiche de paie d’un enseignant.

Quant aux frais de déplacement, l’ensemble des personnels nous ont fait part des difficultés qu’ils rencontrent pour leur remboursement.

Je n’insiste pas sur la lente érosion du budget qui se manifeste, entre autres choses, par la diminution du nombre d’adultes dans les établissements, mais il est vrai que le ministre de l’intérieur et vous-même souhaitez remplacer les personnels de l’éducation nationale par des policiers...

Cette érosion ne peut que détériorer de manière inexorable les conditions de scolarisation et de travail des enseignants, alors que la lutte contre l’échec scolaire doit au contraire nous inciter à renforcer l’équipe éducative.

À cet égard, la mise en oeuvre généralisée des programmes personnalisés de réussite éducative, en dépit d’un récent rapport de l’Inspection générale qui souligne « l’absence d’avancée significative dans l’aide aux élèves en difficulté », est parfaitement incohérente, d’autant que les 1 000 assistants pédagogiques seulement affectés à cet effet travailleront à mi-temps, comme M. Richert l’a d’ailleurs indiqué dans son rapport.

J’en viens à la complémentarité des personnels de la communauté éducative en matière de lutte contre l’échec scolaire ; médecins scolaires, psychologues scolaires et conseillers d’orientation-psychologues, ou conseillers d’orientation psychologues, infirmières et infirmiers scolaires, assistantes et assistants sociaux, ils sont toutes et tous en nombre plus qu’insuffisant !

Certes, vous créez 300 postes d’infirmière, mais c’est en vertu de la loi Fillon sur l’école et sans aucune véritable concertation avec les principales concernées. En effet, la répartition de ces postes reste plus que floue, certains d’entre eux devant être prioritairement attribués aux 249 établissements « ambition réussite », les autres répondant à des critères d’attribution bien complexes, ne tenant pas compte de la légitime revendication des infirmières visant non pas à « identifier » une infirmière par établissement mais à permettre la présence de l’une d’elles en permanence.

Quant aux médecins scolaires, seulement 85 postes sont ouverts au concours en novembre 2006 et à peine 10 postes sont créés en médecine scolaire - et encore, ils le sont par un amendement voté par l’Assemblée nationale ! -, alors que la moyenne est d’un médecin scolaire pour 7 678 élèves.

Et que dire du manque de matériel, tant informatique, pour les services administratifs, que médical ?

Je n’en dirai pas davantage sur les conséquences que recouvrent ces chiffres, car toutes et tous nous les connaissons parfaitement.

De plus, alors que la loi du 11 février 2005 a permis la scolarisation en milieu ordinaire des élèves handicapés et suscité beaucoup d’espoirs et d’attentes de la part des jeunes et de leur famille, le manque de personnels qualifiés rend la scolarité de ces élèves très aléatoire.

Quant aux auxiliaires de vie scolaire, censés accompagner ces élèves dans leur scolarité, ils seront pour la plupart recrutés sous contrat d’avenir ou sous contrat d’accompagnement dans l’emploi. Or, non seulement ces contrats sont précaires et induisent donc une inéluctable rotation des personnels, mais ils ne requièrent aucune qualification à l’embauche.

Ainsi, là où il faudrait des emplois stables avec des personnels formés et qualifiés, vous instaurez un dispositif particulièrement instable.

Il en est ainsi pour l’aide donnée aux directeurs d’école, transformés en directeurs des ressources humaines ! Quant aux proviseurs, elles et ils ont manifesté dimanche 26 novembre pour la première fois depuis douze ans, justement pour dénoncer la baisse constatée dans le budget de fonctionnement de leurs établissements.

Monsieur le ministre, allez-vous continuer à nous parler d’égalité des chances là où il faut parler d’un droit à l’éducation pour toutes et tous ?

Force est de constater que cette égalité n’existe pas aujourd’hui.

Par exemple, les zones rurales et montagnardes se caractérisent toujours par une offre éducative plus restrictive et plus onéreuse que sur le reste du territoire. Pourtant, contrairement aux préjugés, la réussite scolaire est indéniable dans ces écoles aux atouts multiples, la classe à plusieurs niveaux en étant le principal.

Quant à l’enseignement agricole, public ou privé, il subit lui aussi des diminutions. Mais je souhaite insister sur la baisse des moyens octroyés à l’enseignement public. Tant en postes, en dotations globales horaires, en enseignements facultatifs qu’en formation continue, ces moyens ont été réduits comme peau de chagrin depuis 2003, ce qui a contraint plusieurs établissements à refuser des élèves.

À ce propos, monsieur le ministre, je tiens à votre disposition une pétition exprimant la colère des personnels de l’enseignement agricole public, déjà signée par un peu plus de 2 200 personnes auxquelles s’ajoutent chaque jour de nouveaux signataires.

Ces personnels dénoncent une disparité de traitement dans la politique menée, notamment, en matière de dégels budgétaires. En effet, après une forte disparité dans le budget de 2006, l’enseignement agricole public n’a pas été destinataire du moindre euro sur les crédits dégelés par M. Bussereau, et cela malgré les engagements pris par ce dernier.

J’ai appris à cette occasion qu’existaient des « décrets de virement » permettant, en dehors de tout contrôle du Parlement, des prélèvements entre programmes décidés unilatéralement et tout à fait arbitrairement par Bercy. M. Arthuis pourra d’ailleurs peut-être nous éclairer à ce sujet.

Je dirai pour terminer quelques mots sur la diffusion de la culture dans nos écoles, et, à nouveau, je vous invite à parcourir le plan Langenvin-Wallon : « Nous concevons la culture générale [...] comme une initiation aux diverses formes de l’activité humaine, non seulement pour déterminer les aptitudes de l’individu, lui permettre de choisir à bon escient avant de s’engager dans une profession, mais aussi pour lui permettre de rester en liaison avec les autres hommes, de comprendre l’intérêt et d’apprécier les résultats d’activités autres que la sienne propre, de bien situer celle-ci par rapport à l’ensemble...

« Une culture générale solide doit donc servir de base à la spécialisation professionnelle et se poursuivre pendant l’apprentissage de telle sorte que la formation de l’homme ne soit pas limitée et entravée par celle du technicien. »

Or, avec le socle commun de connaissances et de compétences que vous imposez dans nos écoles, vous êtes à mille lieues de cette conception !

Par là même, vous privez nos jeunes d’une possible formation tout au long de la vie, formation dont vous vantez pourtant les bienfaits.

Pour le groupe du CRC, cette conception est toujours d’actualité, non pas par nostalgie d’une école d’antan, qui reviendrait à une méthode syllabique d’enseignement de la lecture, à la bivalence des enseignants ou à la primauté de la grammaire dans les programmes, mais parce que nous vivons dans un monde marqué par l’explosion des savoirs et la révolution de l’information.

Aussi, les métiers impliquent de plus en plus de qualifications, de même qu’il n’est plus rare de changer plusieurs fois de métier dans une vie professionnelle. Tous ces bouleversements supposent la mise en place d’un système de formation tout au long de la vie qui ne peut être viable sans une formation initiale scolaire de haut niveau.

Monsieur le ministre, telle est notre ambition pour une école de la réussite pour toutes et tous nos jeunes ; telle n’est pas la vôtre. Aussi, nous nous opposerons au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Les dernieres interventions

Finances Les injustices de la solidarité fiscale pour les femmes

PPL Justice patrimoniale au sein de la famille - Par / 19 mars 2024

Finances Médecine scolaire : l’État doit assumer son rôle

Proposition de loi visant à PPL visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires - Par / 18 mars 2024

Finances Et pour 13 000 milliards de dollars

Rapport de la Cour des comptes 2024 - Par / 13 mars 2024

Finances Non à l’économie de guerre

Financement des entreprises de l’industrie de défense française - Par / 7 mars 2024

Finances Les Départements dans le collimateur

Débat sur les finances des Départements - Par / 7 mars 2024

Finances Que faire d’EDF ?

Proposition de loi proposition de loi visant à protéger visant à protéger EDF d’un démembrement - Par / 24 janvier 2024

Finances Un budget, deux visions de la société

Explication de vote sur le projet de loi de finances pour 2024 - Par / 12 décembre 2023

Finances La chute de la démographie a bon dos

Débat sur les crédits de l’enseignement supérieur - Par / 4 décembre 2023

Finances Le logement est en urgence humaine, sociale et économique

Vote des crédits pour la cohésion des territoires - Par / 1er décembre 2023

Finances Les lois de la République contre celles des actionnaires

Débat sur la partie recettes du projet de loi de finances pour 2024 - Par / 23 novembre 2023

Finances Le budget de l’État à l’aune de la vie de Chantal

Question préalable au projet de loi de finances 2024 - Par / 23 novembre 2023

Finances 30 millions d’euros pour l’aide alimentaire

Vote sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 - Par / 20 novembre 2023

Administration