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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2008 : agriculture, pêche, forêt et affaires rurales (2)

Par / 3 décembre 2007

Monsieur le ministre, le projet de budget de l’agriculture pour 2008 n’est pas très enthousiasmant si l’on s’en tient aux crédits, qualifiés par vous-même, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, de « contraints [...] dans un contexte budgétaire délicat » et en « très légère baisse »...

À l’instar de mon ami Bernard Piras, je n’ose imaginer ce que l’on aurait pu entendre à propos d’un tel projet de budget, ici au Sénat et dans nos départements, s’il avait été présenté par un gouvernement de gauche.

Certes, il est aisé d’invoquer la dominante communautaire des crédits, en provenance de l’Union européenne à concurrence de 9 milliards d’euros, contre 5 milliards d’euros pour la France, ou de s’appuyer sur les diverses contributions des collectivités territoriales qui viennent pallier l’insuffisance, voire l’absence, de crédits dans des secteurs vitaux de l’agriculture, de la pêche et de la forêt.

Toutefois, le poids de la dette, qui sert de prétexte pour justifier tous les « serrages de ceinture » visant les plus modestes de nos concitoyens et les classes moyennes, peut être relativisé quand on sait que la moitié de la dette, soit 450 milliards d’euros, correspond exactement au montant des cadeaux faits au grand patronat depuis vingt ans, et ce sans efficacité réelle si l’on en croit la Cour des comptes.

Ce projet de budget prend en compte, pour clarifier les perspectives d’avenir, trois rendez-vous majeurs, à savoir le Grenelle de l’environnement, le bilan de santé de la PAC et les renégociations au sein de l’OMC.

S’agissant tout d’abord du Grenelle de l’environnement, l’agriculture, qui est pourtant un acteur environnemental essentiel, est restée au « milieu du gué », pour ne pas dire « en rade », quant aux décisions et plans d’action arrêtés à cette occasion.

Prenons l’annonce tonitruante de la réduction de 50 % de l’emploi des pesticides en dix ans : elle a été aussitôt atténuée par la nécessité de trouver des solutions de rechange. Va-t-on réduire le volume des pesticides de moitié ? Va-t-on atténuer leur toxicité pour l’environnement ? Va-t-on modifier les techniques culturales ? Quels moyens de recherche seront alloués à l’INRA et aux laboratoires ?

Par ailleurs, les surfaces consacrées à l’agriculture biologique devraient passer de 2 % à 6 % de la surface agricole totale et la filière biologique devrait fournir la restauration collective à hauteur de 20 %. Or, aujourd’hui, un repas « bio » servi au restaurant scolaire de ma commune coûte 15 % de plus en fournitures qu’un repas conventionnel. Je crains que les collectivités locales, que nous représentons, ne soient une fois de plus les « vaches à lait » de cette réforme. Quant aux crédits nécessaires au passage de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique, je crains fort que le doublement du crédit d’impôt prévu en 2008 ne soit que très peu incitatif.

À propos des OGM, c’est la grande hypocrisie : après l’obtention d’un « gel » de l’utilisation du maïs transgénique MON 810, qui est le seul à être cultivé en France à des fins commerciales, les Français risquent fort de se réveiller un peu tard, par exemple après les municipales, au mois d’avril, en constatant que des semis de plein champ auront été effectués, sous la seule réserve du respect de distances minimales entre les cultures conventionnelles et celles d’OGM. Le récent exemple d’un champ d’OGM non autorisé en Ille-et-Vilaine illustre les débordements auxquels nous pourrons assister demain. Nous savons tous que les semences transgéniques sont prêtes et que Monsanto n’attend plus que le « feu vert » du Gouvernement français.

Ni obscurantistes ni apprentis sorciers, les communistes condamnent cette démarche inutile et dangereuse qui aura, à coup sûr, pour effet d’asseoir le monopole des grands semenciers sur l’agriculture française, dans un pays qui considère que produire soi-même sa semence de ferme est un délit. Où allons-nous, monsieur le ministre ?

À propos des agro-carburants, qui, il y a peu, semblaient être la panacée pour les agriculteurs en matière de revenu et de diversification, c’est le grand « flop » et le renvoi à la deuxième génération, voire à la troisième. Le calcul du bilan énergétique réel de ces productions, une fiscalité peu incitative et le déficit mondial en céréales et en lait sont passés par là... Ce vaste débat autour des agro-carburants aura au moins eu le mérite de recadrer les objectifs de l’agriculture et de mettre au premier rang d’entre eux celui de nourrir la planète.

Pour autant, nous pensons qu’il est urgent de mieux valoriser la biomasse et d’accroître les crédits de recherche pour développer l’utilisation des carburants de l’avenir, en particulier l’hydrogène. À cet égard, l’objectif gouvernemental de produire 21 millions de mètres cubes supplémentaires de bois par an n’est pas assorti d’une contrainte de temps suffisamment définie, le seul moyen d’accélérer cette production étant d’une part de donner davantage de moyens à l’ONF, d’autre part d’adresser un signal significatif aux trois millions de propriétaires de la forêt privée pour que ceux-ci puissent s’engager dans une démarche positive et constructive.

Ces quelques points relatifs au Grenelle de l’environnement et à l’agriculture montrent, monsieur le ministre, combien une bonne idée peut rester lettre morte si l’on ne crée pas les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre, si l’on ne prévoit pas les moyens financiers de son développement. C’est souvent le principal reproche fait à la démarche du Grenelle de l’environnement : le manque de moyens. Je forme donc le voeu que ce Grenelle sans le sou ne soit pas dissous, dans quelques mois, dans quelques belles promesses !

Venons-en maintenant au bilan de santé de la PAC.

Je vous sais gré, monsieur le ministre, de nous avoir adressé les principaux éléments des discussions qui se sont tenues au sein du Conseil des ministres de l’agriculture et de la pêche de l’Union européenne.

Je vous remercie, au nom des producteurs de porcs bretons, du déblocage des restitutions, qui va dans le sens de la question écrite que je vous ai adressée le 5 novembre dernier.

Nous ne pouvons que partager votre souci d’évoluer vers une PAC « moins libérale », « plus équitable, plus durable et réactive face aux crises et aux aléas du marché ». Vous éprouvez « la nécessité de développer des outils de stabilisation et de gestion des marchés agricoles » et de porter attention « à l’équilibre des productions et des territoires ».

Nous sommes d’accord. En effet, la PAC actuelle et ses résultats sont aux antipodes de nos souhaits, monsieur le ministre. Tout cela appelle un vaste débat pour définir les futurs contours de ce que pourrait être une PAC durable, solidaire et équilibrée.

Nous sommes disponibles, monsieur le ministre, pour vous aider à combattre le découplage des aides, qui est une aberration économique, à mieux répartir les aides en fonction des besoins, des productions, des territoires, à réguler les importations abusives qui déséquilibrent les cours, à lutter contre la réduction des droits de douane, dont l’effet est de favoriser lesdites importations abusives - ainsi, l’exemple récent de la baisse des droits de douane sur les céréales inquiète particulièrement un certain nombre d’agriculteurs -, à appliquer un mécanisme de bonus et de malus à la grande distribution selon sa capacité à favoriser une préférence communautaire, des prix décents aux producteurs et aux consommateurs.

S’agissant enfin des négociations au sein de l’OMC, elles semblent repoussées jusqu’après les prochaines élections américaines, puisque le Congrès, à majorité démocrate, a refusé le 30 juin dernier de proroger l’application de la loi dite Trade promotion authority, qui autorise en temps normal le président des États-Unis à renégocier des accords commerciaux internationaux.

Les communistes ont toujours plaidé pour que l’agriculture sorte du champ des négociations de l’OMC et ne serve pas de monnaie d’échange au regard des produits industriels et des services. Sur ce plan, il y a lieu d’être inquiet et vigilant si l’on s’en tient aux déclarations de M. Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, remontant à la mi-juin 2007 : « Trois éléments sont essentiels pour la réalisation de l’accord intérimaire : le montant des réductions de subventions agricoles, qui favorisent les échanges, le montant des droits de douane agricoles et celui des droits de douane industriels. [...] Concernant l’ouverture des marchés agricoles, les Européens et les Japonais devront améliorer leur offre. »

L’OMC s’inscrit donc toujours bien dans sa démarche fondamentale d’anéantissement des protections douanières pour livrer le marché mondial au libéralisme le plus sauvage et le plus débridé.

À cet égard, des propositions ont été formulées en vue d’instituer une nouvelle organisation mondiale de l’agriculture, le Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture, le MOMA, qui, bien que libérale - il ne faut pas exagérer ! -, vise à imposer des règles à l’ultralibéralisme qui préside aux destinées des échanges mondiaux.

Je citerai quelques extraits de déclarations faites à Washington à l’occasion de la présentation du MOMA : « L’agriculture est trop stratégique pour être un préalable aux négociations de l’OMC, car seulement 10 % de la production agricole mondiale fait l’objet d’échanges internationaux. [...] Comme nous le soulignons dans notre modèle, nous sommes tous en faveur du commerce, mais la question est de savoir comment organiser ces échanges pour qu’ils puissent profiter au plus grand nombre, sans laisser de côté les plus pauvres. »

En cette même circonstance, Pierre Pagesse, président du MOMA, a affirmé que « l’inadaptation de l’OMC à traiter efficacement les questions agricoles tient au fait qu’elle n’intervient que sur l’aspect commercial et considère sans distinction tous les secteurs d’activité. C’est ignorer une donnée fondamentale : l’agriculture est spécifique. [...] La combinaison de ces facteurs entraîne une très forte volatilité des prix des marchés agricoles pour de faibles écarts entre l’offre et la demande : 1 % à 2 % de variation de production peut conduire à des amplitudes de prix de 1 à 3 voire de 1 à 5. »

Ces citations ont au moins le mérite de mettre en évidence tous les problèmes engendrés par la conception même du fonctionnement et des objectifs de l’OMC, qui mériteraient d’être revus de fond en comble.

En conclusion, je souhaiterais en revenir, monsieur le ministre, à un sujet plus local, à savoir celui des nitrates dans les bassins versants bretons, et particulièrement costarmoricains : où en sommes-nous, monsieur le ministre ? Un bilan a-t-il été ou va-t-il être établi sur l’ensemble des mesures acceptées par les producteurs et leur incidence possible sur la production, l’environnement et l’emploi ?

Au sujet du phosphore, problème qui semble prendre l’importance de celui des nitrates, de nombreux agriculteurs s’inquiètent des mesures à venir. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire ce qu’il en est exactement ?

Par ailleurs, hier matin, j’ai rencontré un groupe de retraités de l’agriculture qui m’ont fait part de leurs doléances, fort justifiées, au regard, d’une part, du niveau des retraites agricoles, et, d’autre part, des promesses sur ce point du candidat Sarkozy, qui tardent à se concrétiser.

Ils demandent le relèvement du niveau minimal de la retraite agricole à 75 % du SMIC net immédiatement, puis à 85 % de celui-ci, comme pour les salariés, la suppression des minorations sur les revalorisations des petites retraites, le droit de réversion pour les points gratuits, la suppression de « l’effet date 1997 », qui provoque des inégalités, la publication par décret de la revalorisation du point RCO, la prise en compte des carrières « tous régimes confondus », une attribution plus équitable de la bonification pour enfants.

Je vous fais grâce de la lecture des promesses du Président de la République, qui s’est empressé de servir d’abord les plus riches, en leur accordant près de 14 milliards d’euros pris dans la poche des plus modestes de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, bien que d’un naturel optimiste, je suis contraint de constater que l’agriculture est en train d’échapper aux agriculteurs à force de crises, de courses à l’agrandissement, de politiques de bas prix, d’importations abusives, de coups portés par l’OMC, par la PAC, mais aussi par la dernière loi d’orientation agricole.

Cette situation fragilise l’agriculture française, menace sa souveraineté et la rend vulnérable aux délocalisations, aux choix financiers des grands groupes bancaires et des fonds de pension. J’avais imaginé mieux pour une profession que j’aime, et dont je suis issu. Il n’est cependant jamais trop tard pour bien faire !

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