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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2008 : défense

Par / 3 décembre 2007

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget, c’est la traduction financière d’une politique.

Or, manifestement, nous sommes, en matière de défense, dans une période de transition entre la fin de la loi de programmation, les réflexions du Livre blanc et la revue de programmes, éléments qui serviront de support à la prochaine loi de programmation militaire.

Avec le projet de budget que vous nous présentez pour 2008, vous ne gérez que les affaires courantes : vous êtes en attente des décisions que doit permettre de valider le Livre blanc.

Je dis « valider » car, sans contester la qualité du travail qui sera fourni par les membres de la commission de rédaction, je crains que les réponses et les conclusions du Livre blanc ne soient déjà contenues dans les questions posées par le Président de la République dans sa lettre de mission.

Il s’agit donc d’un budget virtuel, qui se contente de gérer l’existant sans proposer de mesures vraiment nouvelles. Nous retrouvons sans surprise les « fondamentaux » et les grands équilibres des années précédentes.

Vous maintenez grosso modo l’effort de défense, en y consacrant 1,71 % du produit intérieur brut. Avec 36,77 milliards d’euros de crédits de paiement et 35,99 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, les crédits de la mission « Défense » semblent être en légère progression par rapport à l’année précédente.

Mais à y regarder de plus près, certains programmes - en particulier le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », qui paraît stable - connaissent en fait une baisse de leurs crédits de paiement. Il en va de même des dépenses d’équipement qui, compte tenu de l’inflation, ne sont pas vraiment celles qui sont inscrites en loi de programmation.

Je pourrais aussi parler des crédits consacrés à l’entraînement de l’armée de terre, qui ne garantissent que 88 jours d’activité, au lieu des 100 jours programmés, ce qui peut avoir quelques conséquences négatives, dont nous nous inquiétons, sur le niveau opérationnel de nos troupes. L’entretien de matériels vieillissants - dû aux retards successifs des plans d’équipement en matériel neuf -, qui entraîne des coûts très élevés de maintien en condition opérationnelle, a également des conséquences fâcheuses.

Les crédits concernant la recherche de défense sont stables, mais il faudra absolument que cet effort soit très nettement accentué lors de la prochaine loi de programmation militaire, tant il est vrai que la recherche et le développement sont l’un des moyens permettant de lutter contre les effets négatifs de la parité euro-dollar, en améliorant la compétitivité de notre industrie aéronautique et spatiale.

Cet effort est d’autant plus nécessaire à l’heure où certains dirigeants de notre industrie aéronautique prennent prétexte de la faiblesse de l’euro par rapport au dollar pour annoncer la délocalisation de certaines productions, qui constitue une fuite en avant et une solution de facilité. Cette question, qui est un réel problème, peut être résolue par d’autres moyens.

Il faudrait en particulier que notre pays intervienne vigoureusement auprès de la Commission de Bruxelles pour que celle-ci défende devant l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, l’outil des avances remboursables.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui se profile derrière cette situation que la parité euro-dollar fait exploser est très grave. L’industrie aéronautique est un pan déterminant et stratégique de notre potentiel industriel - plus de 100 000 salariés y travaillent - et des régions entières en vivent.

C’est une grande question d’actualité, qui en appelle une autre, celle du traité européen dit « simplifié », que l’on nous propose de ratifier dans notre pays sans débat populaire ni référendum.

Au coeur de cette crise en cours, convenez-en, se pose avec force le rôle de la Banque centrale européenne, la BCE, que ce traité ne prévoit malheureusement pas de modifier, comme notre peuple l’avait pourtant souhaité en votant non lors du référendum sur le projet de Constitution européenne en 2005.

Si la Banque centrale européenne était davantage tournée vers le soutien à l’emploi et à la croissance et si elle pouvait agir sur la parité de notre monnaie en faveur du développement industriel, nous ne serions pas dans cet état d’impuissance dont les conséquences sont catastrophiques.

Monsieur le ministre, comment pourrez-vous expliquer que l’Europe avance, si elle est incapable de sauvegarder son potentiel industriel et ses emplois ?

Je veux enfin souligner une réelle sous-estimation de l’importance du spatial militaire, qui conditionne pourtant largement notre indépendance et notre autonomie de décision, grâce aux capacités de renseignement et d’observation.

Le montant des crédits de paiement figurant au programme 146 est inférieur à celui des années précédentes. Cela ne nous permettra ni de moderniser comme il conviendrait nos moyens spatiaux ni de jouer un rôle moteur en Europe dans ce domaine. C’est d’autant plus regrettable qu’un accord, certes fragile et très imparfait, vient d’être récemment trouvé avec nos partenaires européens sur le financement du système de radionavigation par satellite Galileo.

Les autorisations d’engagement, qui s’élèvent à 15,6 milliards d’euros, sont légèrement inférieures à celles de l’an dernier. Encore faut-il tenir compte, sur ces quelque 15 milliards d’euros, des 3 milliards d’euros provisionnés pour l’hypothétique commande d’un second porte-avions.

On peut s’interroger sur un tel provisionnement compte tenu, d’une part, des difficultés rencontrées dans la coopération avec les Britanniques, qui ne nous laisseront que la fabrication des systèmes d’armes, et, d’autre part, de l’incertitude qui pèse sur les conclusions du Livre blanc et sur les arbitrages que rendra le Président de la République sur ce projet.

Comme mesures nouvelles, je ne vois guère qu’un léger effort en direction de l’amélioration de la condition des hommes du rang et des jeunes sous-officiers, ainsi que pour la reconversion des militaires et la valorisation professionnelle des personnels civils. Cela se fait, malheureusement, sur fond de suppression de 6 037 emplois, au nom de la révision générale des politiques publiques, qui incite à ce type d’économies au détriment de l’emploi.

Enfin, j’approuve, au nom de la transparence et de la sincérité budgétaire, l’inscription de 375 millions d’euros, auxquels devraient s’ajouter les 100 millions d’euros promis par M. le ministre du budget, en prévision des dépenses liées aux opérations extérieures. Toutefois, nous n’approuvons, et n’approuverons, que celles qui sont menées dans le strict cadre d’opérations de maintien de la paix sous mandat du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est la raison pour laquelle nous nous interrogeons notamment sur l’opportunité du maintien de nos troupes en Afghanistan dans le cadre d’une opération de l’OTAN.

J’ai pris ces quelques exemples dans votre projet de budget, monsieur le ministre, pour montrer qu’au total vous gérez tout juste l’existant puisque vous ne pouvez anticiper ni le résultat de la revue de programmes ni les conclusions du Livre blanc.

Je suppose toutefois que ce que vous avez appelé « une trajectoire de dépense problématique » vous incitera, hélas ! à ne pas mener à leur terme tous les programmes engagés par la loi de programmation et à réduire certaines capacités militaires.

Dans ces conditions, nous considérons que votre budget n’est pas adapté à la réalité du monde d’aujourd’hui, aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces qui seront précisés dans l’analyse du Livre blanc, et sur lesquels je ne suis pas certaine que nous soyons tous d’accord.

Certes, pour rester une grande puissance crédible, il faut que notre outil militaire possède l’ensemble des grandes capacités. Cependant, nous n’approuvons pas la répartition des crédits de votre projet de budget.

Une part trop importante est accordée, en particulier, au développement de l’arme nucléaire. Nous comprenons qu’il faille assurer le niveau de crédibilité de notre dissuasion, mais nous pensons que la politique que vous menez en ce domaine n’est pas conforme au principe de stricte suffisance.

Les crédits destinés à la dissuasion représentent 18,4 % du programme 146 « Équipement des forces ». C’est trop important. Mais, surtout, la répartition est tout à fait disproportionnée entre les crédits qui sont destinés à assurer la nécessaire crédibilité technique des systèmes d’armes - essentiellement la modernisation des vecteurs de l’arme nucléaire - ou encore la crédibilité opérationnelle des forces nucléaires et ceux qui concernent la simulation, laquelle permet de développer l’arme nucléaire en tant que telle.

Nous consacrons, en volume, plus d’un tiers des crédits d’équipement destinés à ce secteur pour perfectionner l’arme nucléaire. Je suis pourtant convaincue que nous n’avons pas besoin d’infléchir notre doctrine d’emploi, comme l’avait évoqué le Président Chirac dans son discours de l’Île Longue, car celle-ci n’est pas la bonne réponse aux nouvelles menaces, notamment terroristes. Le nucléaire est, en effet, inefficace pour lutter contre le terrorisme et les États qui le protègent.

Cette politique n’est pas non plus pertinente pour lutter contre la prolifération. Elle incite, au contraire, à la course aux armements quand celle-ci doit être combattue de façon multilatérale par la diplomatie, en prenant des initiatives fortes auprès d’instances internationales de concertation, comme le Conseil de sécurité de l’ONU, ou son organisme de contrôle, l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA.

Être vraiment efficace dans la lutte contre le terrorisme et la prolifération supposerait plutôt d’augmenter les crédits affectés à la recherche et à l’espace militaire afin de renforcer nos capacités autonomes de renseignement et d’observation.

La place de la dissuasion nucléaire dans notre outil de défense est un des sujets abordés par le Livre blanc, tout comme l’hypothèse du retour de notre pays dans la structure militaire intégrée de l’OTAN.

Dans ce projet de budget, monsieur le ministre, nous ne disposons pratiquement d’aucun élément d’appréciation sur cette hypothèse, alors que nous sommes pourtant l’un des tout premiers contributeurs de cette organisation. De même ne figure nulle part, en autorisations d’engagement, ce que pourrait nous coûter - très cher, vraisemblablement ! - la réintégration.

Nous marquons notre profond désaccord avec une politique de rapprochement, qui nous est fallacieusement présentée comme devant permettre de mieux influer sur l’OTAN et de faire progresser, dans le même temps, l’Europe de la défense. L’indépendance de la France est incompatible avec un retour au sein du commandement militaire d’une organisation dont l’existence même n’est justifiée que par la volonté hégémonique des États-Unis.

Il nous semble que c’est jouer là avec une contradiction et que, au contraire, cette posture mettrait en cause notre souveraineté et notre autonomie d’appréciation et de décision. Ce serait, en outre, donner un signal négatif à nos partenaires européens et affaiblir l’idée même de défense européenne, alors que la politique étrangère des États-Unis est souvent en échec et que l’OTAN elle-même se trouve dans une impasse en Afghanistan.

Nous pensons que le fait de réintégrer les structures de commandement serait perçu par nos partenaires comme l’abandon de tout espoir de voir, un jour, se construire une politique européenne de défense.

Nous regrettons que de tels sujets, décisifs pour notre avenir, ne donnent pas lieu à un véritable débat dans nos assemblées, en amont de la prochaine loi de programmation militaire.

De premières réflexions formulées dans le cadre du Livre blanc montrent pourtant qu’il est absolument nécessaire, au nom de la démocratie, d’impliquer et de mieux associer le Parlement aux affaires de défense.

Quand accepterez- vous enfin ce débat ?

Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, pour les raisons que je viens d’évoquer - notre désaccord sur les orientations de votre politique de défense et la répartition des crédits -, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de budget.

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