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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Prélèvements obligatoires

Par / 15 novembre 2004

par Marie-France Beaufils

Madame la Présidente,
Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,

Ce débat annuel sur l’évolution de notre système de prélèvements obligatoires présente, sous de nombreux aspects, la caractéristique d’un débat de doctrine, profondément idéologique, dont l’apparence technique empêche que nos concitoyens s’emparent largement du débat.

Les prélèvements obligatoires, concernent en effet la vie quotidienne. De fait, ce débat sur les prélèvements obligatoires est bien celui du choix que le gouvernement propose, celui de la société que l’on veut construire.

Hier, chaque groupe a rendu hommage à ces élus de l’Assemblée consultative provisoire qui, à partir du 9 novembre 1944, avaient su, s’engager dans la reconstruction de la France dont le Général de GAULLE disait dans son discours du 9 novembre 44 qu’il s’agissait pour cette reconstruction : « entreprendre ces réformes profondes que veut la Nation entière, afin que tous ses enfants soient réellement associés et bénéficiaires de sa propre activité. »
La France, au terme de la Seconde Guerre Mondiale, a donc fait le choix d’un système solidaire de protection sociale couvrant l’assurance maladie, l’assurance vieillesse et intervenant dans la politique familiale. Elle a aussi fait le choix de le financer par prélèvement sur la richesse créée, au travers des cotisations sociales.

Elle l’a fait pour apporter un niveau de protection et de garantie élevé à chaque assuré social. C’est ainsi un retour à la richesse produite vers son créateur qui a été choisi. C’est une forme de salaire différé que notre société a mis en place. C’est une conception à laquelle les Français sont attachés et ils ont raison. C’est en effet un formidable outil pour cette cohésion dont vous parlez beaucoup, mais qui est inexistante pour une part de plus en plus grande de la population.

M. le Rapporteur général nous dit dans son rapport : « La dépense publique est devenue une véritable drogue qui engendre des phénomènes de dépendance dont il est difficile de se déshabituer. » Et il ajoute : « La France ne peut assurément prélever plus sur son économie]…[depuis 20 ans, nos principaux concurrents ont procédé à une diminution générale des taux de prélèvements obligatoires. »
La situation à l’échelon mondial présentée par notre Rapporteur est plus contrastée et je ne pense pas que les Français ont envie d’une politique du type de celle que Mme THATCHER a mise en œuvre en Grande-Bretagne.

Avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, nous estimons que le dogme de la réduction des prélèvements obligatoires, comme celui de la réduction à n’importe quel prix, du déficit public, comme le veut le Traité de Maastricht, n’a de sens que pour ceux qui ont fait le choix d’une société ultralibérale et ce n’est pas le nôtre.
Un pourcentage de prélèvements rapporté au produit intérieur brut, en tant que tel, n’a pas de sens.
Les vraies questions sont plutôt de se demander qui prélève, pour quoi faire et est - ce que cela a un impact positif ou non sur la redistribution sociale, sur la qualité de vie de nos concitoyens.

Quel impact réel, peuvent avoir les prélèvements dans le financement des dépenses de l’Etat, des organismes de Sécurité Sociale ou encore des collectivités locales.
Pourquoi considérer la progression des dépenses de santé seulement comme un problème ? Ne faut-il pas plutôt vérifier si les conditions d’une amélioration de la situation sanitaire de la population ont été effectivement réalisées. Et quant aux propositions pour un autre financement des dépenses de santé, je ne les présente pas, nous les avons présenté cette année lors du débat sur la réforme de l’assurance maladie.

En proposant la réduction des prélèvements obligatoires, c’est bel et bien la réduction de la part des prélèvements fiscaux directs de l’Etat, avec son corollaire de l’accroissement de la part des prélèvements sociaux sur le pouvoir d’achat des salariés et, enfin, l’affaiblissement des capacités financières des collectivités territoriales, confrontées depuis plus de vingt ans à la mise en œuvre de la décentralisation, puis demain à la loi Responsabilités locales sans ressource suffisante qui sont à l’ordre du jour.
M. le Rapporteur général, quand vous vous offusquez des augmentations des prélèvements sociaux, nous nous inquiétons, nous, du fait que le financement de la protection sociale par l’impôt est de plus en plus conséquent et qu’il va d’ailleurs de pair avec une aggravation de la situation comptable de ladite protection sociale.

Nous nous inquiétons du fait que les collectivités sont amenées à prendre une place toujours plus importante dans la sphère de l’intervention publique, avec des compétences élargies mais sans que les moyens qui leur sont dévolus correspondent aux besoins à satisfaire.

On pourrait d’ailleurs se demander, même si la Commission d’Evaluation des Transferts de Charges est en partie là pour le faire, quelle est la part des prélèvements fiscaux locaux imputable aux seules insuffisances de transferts de ressources de l’Etat aux collectivités territoriales.

Vous préférez un système fiscal accordant la primauté à la fiscalité indirecte, au détriment de l’impôt direct et singulièrement de l’impôt progressif, et ce, de manière durable.
Depuis vingt ans, le niveau d’imposition des entreprises au titre de l’impôt sur les sociétés a été réduit dans d’importantes proportions, à la fois par la baisse du taux d’imposition et sa différenciation, mais aussi par le biais de mesures d’assiette, portant notamment sur le crédit d’impôt.

Dans le même temps, le poids relatif de l’impôt sur le revenu progressif s’est réduit, sous les effets conjugués des mesures de taux, de plus en plus prégnantes, et des mesures d’assiette ( nous pensons ainsi aux multiples niches fiscales qui existent désormais dans la fiscalité des revenus ).

La taxe sur la valeur ajoutée, attachée à la consommation populaire, constitue une ponction sensible sur le pouvoir d’achat des salariés et des ménages modestes.
On pourrait y ajouter de multiples taxes qui, comme la TIPP, pèsent plus lourdement sur les ménages modestes, ou encore, celles sur toutes les énergies qui permettent d’alimenter des budgets publics et sont porteuses de recettes pour le budget de l’Etat au travers de la TVA qu’elles supportent.
Certains se plaignent d’une faible consommation populaire. Mais qui pourrait s’en étonner dans de telles conditions ? Les ponctions sur les ressources sont tells que leur pouvoir d’achat est durement atteint. Or, on sait bien que c’est un formidable atout, un élément essentiel pour dynamiser l’économie, l’emploi.

Que nous proposez-vous face à cette situation ? Assurer l’attractivité de notre territoire en participant à la course du moins disant fiscal qui semble consubstantielle de la construction européenne désormais.

En vertu de quoi, on continuerait de baisser l’impôt sur les sociétés, de réduire la fiscalité du patrimoine et du capital, de réduire l’ISF, d’instaurer une TVA sociale venant se substituer aux cotisations actuelles et de développer les alternatives aux prélèvements obligatoires en matière de santé ou de retraite.

Et vous persistez, M. le Rapporteur, malgré les simulations qui montrent que cette TVA sociale n’est pas une solution, allant même, dans les pages 97 et 98 de votre rapport, jusqu’à estimer que les hypothèses utilisées demanderaient à être relativisées par une réflexion économique réellement pluraliste. Au-delà des conséquences pour le consommateur, quel qu’il soit, cette TVA sociale conçue comme un outil favorisant la compétitivité à l’export des productions françaises, deviendrait un atout pour les grands groupes, au détriment des PME et des entreprises individuelles.

En fait, et c’est la constante de votre budget, vous voulez faire supporter aux revenus du travail des charges de plus en plus importantes et alléger celles sur les revenus du capital.
Pour notre part, nous sommes, mais cela n’étonnera sans doute personne, dans une autre logique.
Il convient, selon nous, d’améliorer sensiblement la justice sociale tant dans la réalité de notre système de prélèvements que dans la réalité de la redistribution du produit de ce système.

Une véritable réforme de la fiscalité nationale s’impose, faisant une part plus grande à une progressivité renforcée de l’impôt sur le revenu. Elle doit participer réellement au soutien de l’activité et à la croissance.

Quant à la fiscalité locale, après les diverses annonces faites par le Président de la République, d’abord sur la taxe professionnelle puis dernièrement sur le foncier, il est temps qu’une vraie réflexion s’engage pour que des ressources pérennes puissent leur permettre d’assumer leurs responsabilités.

J’ai bien entendu M. le Ministre aux collectivités territoriales de discuter chaque année de la façon dont elles pourraient, avec l’Etat, réfléchir aux équilibres budgétaires.
Pourquoi cet intérêt tout à coup pour la concertation, quand l’écoute des réactions sur la loi Responsabilités locales a été aussi faible ?

Enfin, s’agissant de la protection sociale, outre qu’il convient de préserver le lien naturel entre activité économique et financement (c’est le sens des cotisations sociales actuelles), il convient aussi de renforcer la part de son financement découlant de la prise en compte des patrimoines et des revenus financiers.

Ce sont là les observations que nous ne pouvions manquer de produire dans ce débat.

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