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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de finances pour 2009 : défense

Par / 1er décembre 2008

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la défense qui nous est soumis pour 2009 est un budget ambigu, qui suscite de notre part quelques interrogations et de fortes oppositions.

D’un strict point de vue de technique budgétaire, on pourrait dire, comme vous l’affirmez, monsieur le ministre, que c’est un bon budget.

M. Hervé Morin, ministre. C’est sûr !

Mme Michelle Demessine. En effet, dans un environnement contraint, vous prévoyez de réaliser des économies et d’obtenir ainsi des marges de manœuvre qui vous permettraient de mieux équiper nos forces et d’améliorer la condition des personnels.

Toutefois, en y regardant de plus près et, de façon plus réaliste, en resituant les choses dans leur contexte, cette logique, qui a l’apparence de l’évidence, est tout à fait contestable. Il apparaît ainsi clairement que votre budget repose sur des hypothèses incertaines et, surtout, qu’il traduit une politique à laquelle nous nous opposons dans ses principales orientations.

Votre budget est également ambigu car on comprend mal sa place dans la chronologie budgétaire qui structure la défense nationale. Un grand nombre des mesures que nous examinons aujourd’hui sont directement issues de la révision générale des politiques publiques, mais elles sont surtout issues de la mise en place des orientations stratégiques et capacitaires du Livre blanc par la prochaine loi de programmation militaire dont nous n’avons pas encore discuté.

Avec 47,8 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, 37,4 milliards d’euros de crédits de paiement et 5,4 % d’augmentation des ressources totales, hors pensions, la mission « Défense » est l’un des premiers budgets du Gouvernement. En matière d’équipement des forces, avec 10 % d’augmentation, c’est aussi le premier budget d’investissement de l’État.

Cependant, on ne peut qu’être sceptique sur les possibilités réelles d’application de ce budget, dans la mesure où il a été élaboré avant que la crise financière mondiale bouleverse toutes les données.

Certes, vous avez défini des objectifs d’équipement plus réalistes, conformément au nouveau modèle d’équipement issu du Livre blanc, et vous avez revu à la baisse les contrats opérationnels de nos armées.

Mais vous faites surtout le pari de financer les équipements nouveaux par la réduction draconienne des dépenses de fonctionnement qui résultera de la suppression de 54 000 postes d’ici à 2015, dont 8 390 pour la seule année 2009.

Avec cette saignée, vous escomptez faire 2,7 milliards d’euros d’économies, auxquels s’ajouterait un milliard d’euros provenant de la restructuration de nos implantations.

C’est dire à quel prix seront, dans un premier temps, réalisées ces économies : des territoires sinistrés par la suppression ou le départ de certaines unités, des emplois supprimés sur ces territoires et, sur le plan industriel, des programmes annulés ou étalés, comme le second porte-avions, les véhicules blindés de combat d’infanterie, les hélicoptères Tigre ou bien encore les frégates multi-missions.

Vous le savez parfaitement, monsieur le ministre, la restructuration de la carte de nos implantations induit d’abord des coûts importants en dépenses d’infrastructures et en accompagnement social et territorial. Je crains donc que les économies espérées ne se traduisent l’année prochaine par des surcoûts.

En tout état de cause, toutes les économies qui sont attendues de la réorganisation et de la réforme de votre ministère auront automatiquement des incidences, souvent négatives, à tous les niveaux : sur le volume et la structure des forces, sur les équipements et la situation des personnels, tant civils que militaires, sur le soutien, ou encore sur le maintien en condition opérationnelle.

C’est la raison pour laquelle nous serons particulièrement vigilants, au cours de l’exécution de ce budget, sur les économies que vous nous annoncez et nous vérifierons qu’elles sont bien là et qu’elles sont totalement réinvesties dans les équipements, comme vous vous y êtes engagé à la suite des promesses du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Nous serons également vigilants sur les mesures d’accompagnement des territoires et d’accompagnement social et nous vérifierons qu’elles correspondent réellement aux besoins et aux promesses annoncées.

Je comprends la grande inquiétude des personnels civils, particulièrement touchés par la restructuration des implantations. Leur reclassement est beaucoup plus difficile que pour les militaires. Une priorité de maintien sur les sites, auprès des armées ou dans la fonction publique territoriale, doit vraiment leur être garantie.

Les ressources exceptionnelles extrabudgétaires me semblent également aléatoires et incertaines. Il est, en effet, aventureux de prétendre résorber la « bosse » budgétaire engagée par votre prédécesseur sur des programmes non financés en faisant reposer son financement sur des cessions d’actifs calculées avant la crise du marché immobilier !

Il en va de même de la cession des fréquences électromagnétiques à des opérateurs de téléphonie mobile. Je souhaite que l’on ne brade pas ces fréquences et que cette opération ne se transforme pas ainsi en aubaine pour des groupes avides de rentabiliser immédiatement leurs investissements.

Au-delà de l’aspect technique de l’utilisation de vos crédits, monsieur le ministre, nos critiques portent sur la politique que vous mettez en œuvre à travers ce budget. Parmi les aspects que nous critiquons particulièrement se trouve la trop grande place accordée à la dissuasion nucléaire. Nous admettons qu’il est nécessaire d’assurer le niveau de crédibilité de notre système de dissuasion, mais nous pensons que votre politique, en ce domaine, n’est pas conforme au principe de stricte suffisance.

Vous ne vous contentez pas de moderniser nos armements nucléaires : à l’instar de vos prédécesseurs, vous continuez à les développer.

Ainsi, les crédits destinés à la dissuasion représentent 23 % des crédits d’équipement de nos forces et progressent fortement en raison de la conclusion de plusieurs contrats résultant de décisions prises au cours des années antérieures.

C’est pourquoi nous restons opposés à la construction d’un quatrième sous-marin nucléaire lance-engins, ainsi qu’aux missiles M51 qui l’équiperont en 2010.

Sur le fond, nous pensons que, dans les conditions actuelles, la dissuasion nucléaire n’est plus la clef de voûte de notre sécurité et que les armes nucléaires ne sont plus adaptées aux menaces du monde d’aujourd’hui. Elles sont, par exemple, inefficaces pour lutter contre les terroristes et les États qui les protègent.

La politique de développement des armements nucléaires que vous menez est encore moins pertinente pour lutter contre la prolifération. Elle incite, au contraire, à la course aux armements, alors que celle-ci doit être combattue de façon multilatérale par la diplomatie, en prenant des initiatives fortes auprès des instances internationales de concertation que sont le Conseil de sécurité de l’ONU ou son organisme de contrôle, l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons fortement que la France fasse des propositions ambitieuses de désarmement lors de la prochaine conférence de révision du traité de non-prolifération nucléaire, prévue à New York en 2010.

Être vraiment crédible et efficace dans la lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire nécessiterait, au contraire, d’augmenter beaucoup plus sensiblement que vous ne le faites les crédits affectés à la recherche et à l’espace militaire, pour développer nos capacités autonomes de renseignement et d’observation.

Pour assurer l’autre pilier de nos armées à côté de la dissuasion, le modèle issu du Livre blanc fait des forces projetables sur des théâtres d’opérations extérieures une priorité. Cela explique certainement que le coût des OPEX ait explosé en 2008, pour atteindre plus de 800 millions d’euros, alors que vous aviez initialement prévu 460 millions d’euros.

Nous apprécions que vous ayez obtenu une augmentation plus réaliste de la provision pour 2009 et, surtout, que le financement de ces opérations soit désormais assuré par une réserve interministérielle, qui mettra fin à un financement par le seul budget de la défense.

Cependant, face à cette inflation, il convient d’élargir la réflexion sur le sens et la légitimité de nos interventions, car elles risquent, comme en Afghanistan, de se transformer en actions de guerre contre un ennemi difficilement identifiable et de ne plus se limiter au maintien de la paix. C’était le sens de notre refus de voter le renforcement de notre contingent dans ce pays, parce que nous considérions que vous acceptiez sans aucune condition les demandes américaines qui changeaient la nature de cette opération.

Nous continuerons à refuser que notre pays participe à des interventions extérieures sans un mandat explicite de l’ONU. Sinon, ce sont des opérations qui portent atteinte aux valeurs de la Charte des Nations unies et au multilatéralisme qui est aujourd’hui, plus que jamais, une condition nécessaire pour régler les conflits.

Il devient donc urgent et impératif de déterminer si le coût de toutes nos interventions extérieures est en adéquation avec des priorités politiques définies en concertation avec la représentation nationale. Nous ne pensons pas qu’une telle adéquation existe. Aussi, nous vous demandons d’associer étroitement le Parlement à la réflexion que vous menez actuellement sur les redéploiements et la réduction de notre présence sur ces théâtres d’opération.

Concernant l’OTAN et l’Europe de la défense, l’affirmation du Président de la République, aux termes de laquelle un retour dans le commandement militaire intégré de l’OTAN est conditionné à des résultats tangibles dans la relance de l’Europe de la défense, nous paraît être un leurre pour masquer un alignement de fond sur la politique extérieure des États-Unis.

L’OTAN est en effet devenue une organisation sans doctrine, servant uniquement les intérêts stratégiques des Américains. C’est flagrant au vu de la politique d’élargissement effréné menée par cette organisation en direction des anciens pays du bloc soviétique, qui, vous le savez, est vécue par la Russie comme une véritable provocation.

On pourrait dire la même chose en ce qui concerne le projet de bouclier antimissile, qui est loin de faire consensus au sein des pays de l’Alliance atlantique.

Le bilan de la relance de l’Europe de la défense, qui était l’une des quatre priorités de la présidence française de l’Union, risque tout compte fait d’être bien mince à la fin du mois de décembre.

L’annonce de nombreux projets, faite à la suite de la réunion informelle des ministres européens de la défense à Deauville, cache mal l’absence de réels progrès politiques : ceux-ci ne seront pas possibles tant que vous n’aurez pas réussi à convaincre les Britanniques de l’utilité de la PESD, et d’autres pays de s’affranchir de l’OTAN pour assurer leur défense.

Dans le domaine des industries de l’armement, vos progrès sont d’une autre nature puisqu’ils visent essentiellement à préserver les intérêts financiers des grands groupes.

Le rôle de l’Agence européenne de défense, qui devrait impulser la coopération entre les industries de défense, restera malheureusement mineur. En revanche, vous poussez à une recomposition de ces industries sur une base essentiellement financière en favorisant les regroupements, les fusions et les prises de participation, ce qui aboutira à briser leur identité ainsi que leur cohérence industrielle et à abandonner notre maîtrise publique et nationale sur celles-ci. Nous en avons des exemples concrets et inquiétants avec ce que vous préparez dans le domaine de la construction navale avec DCNS, dans celui de l’armement terrestre avec Nexter, ou encore avec les combustibles fabriqués par la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE.

Ainsi, je suis tout particulièrement inquiète de l’avenir de DCNS. Certes, le plan de charge semble assuré pour plusieurs années. Mais n’oublions pas que, par exemple, les contrats de construction des sous-marins comportent plus de 80 % de transferts de technologie, ce qui aura à terme des répercussions sur l’emploi en France. De plus, lors du dernier comité d’entreprise, plusieurs scénarios d’étalement des programmes ont été présentés par la direction ; ils auront aussi des conséquences sur l’emploi. Enfin, et surtout, la privatisation de DCNS est clairement inscrite dans la prochaine loi de programmation militaire. La proposition de modifier son statut pour autoriser la création de filiales et permettre ainsi à l’État de ne plus être majoritaire est bien la preuve que vous avez abandonné toute volonté de souveraineté nationale sur nos industries d’armement. À cet égard, vous pouvez d’ores et déjà être assuré de notre ferme opposition à ces mesures lorsque nous examinerons la nouvelle loi de programmation militaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, puisqu’un budget est la traduction d’une politique, le groupe CRC-SPG s’opposera à la vôtre en votant contre les crédits de la mission « Défense » pour 2009.

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