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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de finances pour 2009 : forêt et pêche

Par / 3 décembre 2008

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se concentrera sur deux sujets importants en termes économique, social et environnemental : la forêt et la pêche.

Si nous examinons le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », nous remarquons la baisse des crédits de 2009 du programme « Forêt » qui constitue, pourtant, un enjeu écologique important.

Mais je souhaite évoquer plus particulièrement aujourd’hui le devenir de l’Office national des forêts, dont le personnel a manifesté son inquiétude récemment à Paris et a dénoncé les décisions arrêtées par le Comité de modernisation des politiques publiques concernant l’ONF.

Ces mesures, qui constituent, selon nous, la dernière étape avant le démantèlement et la privatisation de l’activité de l’établissement, s’apparentent à une véritable rupture du contrat qui lie l’ONF, les onze mille communes forestières et l’État.

Rappelons, pour bien en comprendre les enjeux, que cet établissement public est chargé, par la loi, de gérer le patrimoine forestier public de l’État.

Cette mission doit satisfaire à trois fonctions essentielles : la récolte des bois, la préservation de la biodiversité et l’accueil du public, quels que soient les moyens des communes concernées.

L’ONF assure également certaines missions d’intérêt général pour le compte de l’État. Citons la prévention des risques d’incendie, la prévention des risques d’avalanche en montagne, la lutte contre l’érosion sur le littoral et la préservation des sites pour leurs richesses biologiques, notamment les marais, les dunes, les tourbières, les mangroves.

L’Office intervient aussi pour effectuer un certain nombre de prestations, telles que l’aménagement d’espaces naturels ou de loisirs, la réhabilitation de sites, l’expertise d’arbres.

Toutes ces missions, vous en conviendrez, répondent aux objectifs de développement durable prônés par les acteurs du Grenelle de l’environnement.

Dans une situation de raréfaction des matières premières énergétiques, une très forte pression risque de s’exercer sur la biomasse forestière.

II est donc plus que jamais essentiel de conforter le service public forestier, de mettre en place un contrôle indépendant de l’exploitation des forêts domaniales et un financement pérenne de la gestion forestière, afin de réguler l’exploitation en fonction du long terme et de l’équilibre de la forêt.

Or la politique actuelle de l’État vise à favoriser les missions commerciales de l’établissement public. Ainsi, la seule action en augmentation dans le projet de loi pour 2009 est l’action 01, consacrée au « Développement économique de la filière forêt bois ».

Le budget s’inscrit dans la politique menée depuis deux décennies. En vingt-trois ans, près de 37 % des effectifs de l’ONF ont été supprimés. Les réorganisations effectuées ont fait disparaître de nombreux sites situés en zone rurale ou dans des petites villes. Les missions de service public ont été délaissées au profit d’activités plus rentables.

Le Gouvernement poursuit ce mouvement en augmentant les quantités de bois exploitées pour rééquilibrer son budget.

De plus, l’intégration de l’Inventaire forestier national au sein de l’ONF pose plusieurs problèmes. Il s’agit de la reprise des personnels, de la prise en charge du fonctionnement de l’INF sur le budget de l’ONF - soit tout de même 12 millions d’euros par an -, enfin et surtout, de la garantie d’indépendance de cet établissement public national qui mesure l’état des forêts et apprécie leur exploitabilité.

En outre, le désengagement financier de l’État est visible en ce qui concerne le versement compensateur censé couvrir les prestations aux communes.

Or ce versement compensateur constitue l’essentiel des crédits de paiement de l’action 02 « Régime forestier et patrimoine forestier domanial ». Les autorisations d’engagement de cette action sont en baisse de près de 10 % et les crédits de paiement de 3 % par rapport à la loi de finances pour 2008. Le versement compensateur s’élève à 144 millions d’euros.

Alors que la gestion des forêts communales n’a cessé de s’intensifier et que des missions nouvelles ont été confiées à l’ONF, le volume du versement compensateur est en constante diminution depuis 1981.

Pour assurer un régime forestier identique en quantité et en qualité à celui de 1981, il faudrait aujourd’hui un versement compensateur à hauteur de 162,4 millions d’euros, selon les calculs effectués par les syndicats.

Le financement des conventions nationales au titre des missions d’intérêt général est, lui aussi, en recul. Le contrat État-ONF a confié le financement d’un certain nombre d’entre elles à l’ONF.

Le désengagement de l’État, mis en œuvre avec le contrat 2007-2011, aura des conséquences directes sur la qualité du service rendu. Ainsi, on note d’ores et déjà une forte diminution du nombre de patrouilleurs de lutte contre les feux de forêt.

S’agissant des retraites, il convient d’observer que la compensation de l’augmentation de la cotisation au Compte d’affectation spéciale « Pensions » constitue un nouveau transfert de charges du budget de l’État vers celui de l’ONF.

Pour 2009, le surcoût à la charge de l’ONF s’élèvera à 25 millions d’euros pour atteindre 60 millions d’euros en 2011.

Au vu des sources de financement de l’ONF, toutes ces décisions ne peuvent qu’entraîner une augmentation irraisonnée de la récolte de bois et des suppressions d’emplois massives.

Dès lors, quelle crédibilité faut-il accorder au Gouvernement lorsqu’il parle de développement durable ?

Je terminerai sur cette question, en indiquant que les décisions du Comité de modernisation des politiques publiques ne font qu’accentuer le mouvement vers l’abandon des missions de service public.

J’en viens maintenant au secteur de la pêche, sévèrement touché par des crises successives, en raison des impératifs de gestion de la ressource halieutique, mais également des coûts d’exploitation très lourds, notamment de la facture énergétique.

Dans ce contexte, les conditions de travail difficiles rendent peu attractifs les métiers du secteur.

D’abord, la hausse du coût des carburants que nous avons connue en 2008 a fortement diminué les ressources des marins pêcheurs.

Nous saluons donc l’effort fait par le Gouvernement en réponse à cette crise, au travers de la mise en place d’un plan pour une pêche durable et responsable.

S’il est vrai que les pouvoirs publics français se sont heurtés à la Commission européenne, le Gouvernement a finalement décidé de consacrer au secteur de la pêche 300 millions d’euros sur deux ans et non plus trois ans, et nous espérons qu’il respectera cet engagement.

De plus, le chapitre social du plan comprend la mise en place d’un salaire minimum pour les marins pêcheurs, en accord avec les salariés du secteur, ce qui est une bonne chose.

Mais n’oublions pas que des problèmes persistent, puisque beaucoup d’autres emplois, dépendant indirectement du secteur, sont touchés par la crise et que des bateaux de pêche sont encore détruits.

Ensuite, en ce qui concerne la gestion de la ressource halieutique, les réglementations ne peuvent pas être déterminées au seul échelon européen. Pour aider durablement la pêche, une réglementation internationale est essentielle, ce qui, nous le savons, pose problème.

Enfin, il serait nécessaire d’aller plus loin que le plan proposé pour répondre en profondeur à la crise du secteur.

Le découragement touche l’ensemble du monde de la pêche. Mon collègue Gérard Le Cam m’a fait part de la situation de l’armement Porcher d’Erquy, dans les Côtes-d’Armor, qui menace de se séparer de la moitié de ses bateaux, voire de la totalité, découragé par les contrôles tatillons et permanents de l’administration, par les appréciations divergentes sur la ressource réelle, certains pays de l’Union européenne ne jouant pas le jeu, par la hausse des carburants, par les abandons technologiques qui conduisent les armateurs à s’approvisionner à l’étranger.

Si la menace devait se réaliser, demain, ce sont trois cents à cinq cents personnes qui seraient touchées et, bien entendu, l’économie locale en souffrirait.

Alors que le conseil général vient d’investir dans le port d’Erquy, il est réellement souhaitable que l’activité perdure et se développe.

Nous savons que vous vous êtes investi, monsieur le ministre, sur ce dossier. Aussi, nous aimerions savoir quelles sont les perspectives dans ce secteur.

Cet exemple permet de poser la question de l’avenir de la pêche française qui s’amenuise d’année en année, alors que nous importons 80 % de la consommation nationale. À force d’être un élève zélé de l’Europe, nous payons chèrement l’addition. Un rééquilibrage serait nécessaire.

Pourquoi, par exemple, ne pas sensibiliser les pêcheurs à la diversification des activités de pêche et de cultures marines, comme la vente directe, la valorisation des produits, le tourisme bleu, la table d’hôte ?

Une telle évolution permettrait aux acteurs concernés de faire face aux difficultés rencontrées, notamment à la réduction des quotas, en percevant une plus-value, nécessaire dans la conjoncture actuelle.

Il nous semble important de réfléchir à la mise en place d’actions incitatives dans le cadre des politiques publiques, en nous servant - pourquoi pas ? - de l’expérience des pêcheurs qui se sont déjà engagés sur la voie de la diversification.

Je terminerai en évoquant les grandes difficultés que rencontre la conchyliculture. L’été de 2008 a été très mauvais pour le secteur en raison d’une forte mortalité d’huîtres juvéniles et de naissains. L’allégement des contributions, l’aide au réensemencement de naissains, le report des cotisations sociales et la mise en œuvre du Fonds national de garantie des calamités agricoles sont de bonnes mesures, mais elles ne concernent pas tous les ostréiculteurs.

Ainsi, alors que les huîtres d’Arcachon étaient enfin mises hors de cause dans les deux décès survenus en septembre 2007 et que le sous-préfet déclarait avoir eu confirmation par le parquet général que l’enquête était close, le ministère de l’agriculture apportait des réserves.

À l’approche des fêtes de fin d’année, la profession estime la baisse des ventes à 30 % dans le commerce de détail et entre 50 et 80 % dans les grandes surfaces. Les trois cent cinquante entreprises du bassin voient arriver cette période avec appréhension. Pour beaucoup, cette période représente de 30 % à 40 % du chiffre d’affaires de l’année. La profession se sent de plus en plus incomprise et craint de nouvelles interdictions.

Que proposez-vous à ces professionnels, monsieur le ministre ? Ne serait-il pas temps de regarder de plus près comment cette culture pourrait être protégée durablement, en lui permettant d’intégrer le périmètre Natura 2000 ou en accélérant le traitement des eaux usées qui se déversent à l’entrée du bassin ?

Ces politiques que je viens d’évoquer sont étroitement liées aux questions de biodiversité, de lutte contre la pollution et de développement durable.

Nous estimons que la réponse budgétaire apportée aux objectifs affichés est insuffisante. Pis, elle va à l’encontre de leur réalisation.

C’est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du parti de gauche voteront contre.

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