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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de finances pour 2009 : relations financières entre l’Union européenne et la France

Par / 26 novembre 2008

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Permettez_moi tout d’abord de regretter que, sur un sujet aussi important que celui des relations financières entre la France et l’Union européenne, notre débat soit aussi formel.

Je m’explique : nous sommes réunis pour discuter et débattre des crédits octroyés par la France pour abonder le budget de l’Union, à hauteur de 18,9 milliards d’euros, des choix opérés par ce budget, mais sans, pour autant, que les avis que nous pourrions émettre n’aient une quelconque conséquence.
En effet, quel que soit notre vote, la somme inscrite dans le projet de loi de finance est due à l’Union. Il s’agit d’une obligation juridique sous peine de poursuite par la cour de justice.

Curieuse idée du débat démocratique et de la représentation nationale ! Et c’est bien là que le bas blesse, la construction européenne est marquée par un déficit démocratique majeur dont la discussion budgétaire n’est qu’une illustration.
A ce titre, je rappelle que le traité de Lisbonne est caduc, ne vous en déplaise, puisque l’Irlande l’a rejeté à près de 54% comme les peuples français et hollandais avait rejeté en 2005 le traité constitutionnel. Pourtant, les documents budgétaires continuent d’évoquer les conséquences d’une ratification prochaine. Il s’agit là d’un véritable déni de démocratie. Ce traité, par ailleurs, ne s’illustrait pas franchement par sa grande ambition de démocratisation des institutions. En effet, le droit d’initiative législative, y compris budgétaire, était toujours refusé au Parlement européen.

D’autre part, quelle surprise de constater que ce projet de budget ne tient absolument aucun compte de la crise économique et sociale que nous traversons ! Pourtant comment ne pas reconnaître que le cadre des prévisions pluriannuelles couvrant la période 2007-2013 est obsolète et que dès à présent, c’est à dire y compris dans les choix budgétaires, il convient de réorienter les politiques européenne vers l’économie réelle.

En effet, les fondements de la crise trouvent leurs racines dans l’application des politiques économiques et monétaires libérales incarnées au niveau européen par le pacte de stabilité, la marchandisation de toutes les activités humaines ou bien encore l’indépendance de la Banque centrale européenne.

En un demi-siècle d’existence, l’Union européenne n’a eu qu’un seul objectif : l’achèvement du marché intérieur entièrement libéralisé. Le projet politique n’est donc pas celui d’une Europe des peuples mais celui d’une Europe de la finance où la circulation des capitaux ne subit aucune entrave, celui d’une Europe libéralisée où les actionnaires décident seuls des politiques industrielles.
Pour cette raison, nous appelons régulièrement de nos vœux la réorientation des politiques européennes dans le sens d’une solidarité renforcée entre les pays membres et d’un projet commun orienté vers le progrès partagé permettant d’allier performance économique, sociale et environnementale. Le projet que vous nous proposez ne va pas dans ce sens.

Il s’agit d’un budget de la continuité complètement imprégné du cadre financier pluriannuel. Les conclusions du conseil européen de 2005 avaient pourtant invité la commission « ... à entreprendre un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses, y compris la politique agricole commune, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni et à faire un rapport en 2008-2009 ». La communication du 12 novembre dernier ne donne pourtant pas à voir de quelconque changement. Notamment, le système de ressources resterait fondé sur le « RNB » tout en prévoyant la suppression des corrections ainsi que de la ressource TVA.

De plus, la décision appelée « ressources propres » n’apporte aucune clarification sur la notion même de ces « ressources propres ».
Alors que les prélèvements communautaires incarnés par la ressource dite « RNB » qui représente 66% des ressources de l’Union s’apparentent bien plus à un système de contributions budgétaires qu’à un transfert de produit fiscal spécifique aux Communautés.

Nous pensons qu’un large débat doit donc être mené sur les ressources de l’Union et sur le niveau d’engagement que nous pouvons attendre de l’Europe. Ainsi, si l’idée même d’un impôt européen n’est pas sans poser de problème, nous jugeons intéressante la proposition formulée par le gouvernement autrichien d’une taxe européenne sur les transactions financières, proposition qui prend tout son sel dans le contexte de crise financière.

Quoi qu’il en soit, un budget traduit nécessairement des objectifs politiques. Celui de l’Union européenne pour 2009 manque d’ambition dans des domaines fondamentaux comme ceux de la politique extérieure, de la solidarité et des politiques sociales et environnementales. A ce titre, vous reconnaissiez Monsieur le secrétaire d’État que « les crédits accordés à l’énergie, au climat, aux infrastructures, aux relations extérieures, à l’aide au développement, à la recherche, à l’aide aux PME ne représentent aujourd’hui que 20% du budget ».
Il s’agit donc une nouvelle fois d’un budget de saupoudrage et de compromis « largement déterminés par les considérations en terme de « retour net » pour les États contributeurs » par le biais notamment des fonds structurels. C’est regrettable et donne une piètre image de l’Europe politique.

Concernant les dépenses, l’avant projet de budget prévoit 134 milliards d’euros en crédit d’engagement et 116,7 milliards d’euros en crédits de paiements, soit une baisse de 3,3% comparativement au budget 2008.
Le conseil a effectué des coupes importantes et ciblées de 469,5 millions en crédits d’engagement et de 1,7 milliards d’euros en crédits de paiement.
Ces coupes sombres concernent la rubrique « gestion des ressources naturelles » (moins 497 millions) , la politique de cohésion (moins 550 millions d’euros) ainsi que la politique extérieure (moins 392 millions).

Je voudrais maintenant revenir sur certaines lignes définies par le projet de budget 2009.
Concernant les crédits alloués au titre de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi, vous mepermettrez de noter que les dépenses relatives à la politique sociale sont vraiment ridicules puisqu’elles atteignent péniblement 178 millions d’euros de crédits d’engagements en 2009 dans l’avant projet de budget. En crédit de paiement cette mission baisse de 6,7% comparativement à 2008. C’est un comble alors que nous nous apprêtons à traverser une crise sociale importante !

De plus, le conseil européen de mars 2008 en lançant le nouveau cycle de la stratégie de Lisbonne avait affirmé l’importance de la dimension sociale en « faisant valoir en particulier la nécessité de poursuivre l’intégration des politiques économiques, des politiques de l’emploi et des politiques sociales ». Nicolas Sarkozy lui même annonçait le 27 février 2007 « qu’il voulait une Europe où aucun pays ne pourrait pratiquer le dumping social ». Pourquoi une nouvelle fois, ce décalage entre les déclarations d’intention et les actes !

Concernant les politiques économiques, la commission continue de pousser dans le sens d’une libéralisation accrue par une concurrence renforcée. Notamment, l’existence de tarifs réglementés de l’énergie est toujours menacée. Parallèlement la dimension environnementale passe à la trappe. Le fameux plan énergie climat, tant attendu par les associations n’est plus la priorité du l’union. Les 27 peinent à se mettre d’accord et les engagements sont revus à la baisse. Nous allons une nouvelle fois assister à une tractation laborieuse entre États membres, sans que s’en dégage une quelconque notion d’intérêt général communautaire. C’est profondément regrettable.

Concernant les dépenses au titre de la cohésion, qui représente le deuxième poste de dépense de l’Union soit 36 % du budget, on ne peut que déplorer la forte baisse des paiements qui sont amputés de 14,5 % dans le projet de budget 2009. Il faudrait pourtant veiller à ce que les ressources nécessaires aux politiques de cohésion demeurent garanties afin de pouvoir relever les défis actuels et futurs au vu du principe de solidarité prévalant au sein de l’Union européenne. Il y a nécessité de lutter contre les disparités économiques, sociales et territoriales. C’est sur ce plan que l’Europe est attendue par les populations. C’est dans la lutte contre les inégalités que la construction européenne trouvera son sens profond.

Les dépenses liées à « la conservation et la gestion des ressources naturelles » recouvrent essentiellement la politique de la PAC. Il s’agit du premier poste de dépense et représente encore aujourd’hui 42 % du budget. Pourtant, selon les perspectives financières, les politiques agricoles devraient progressivement diminuer. Ainsi, à réglementation constante, la France risque de cesser d’être destinataire de l’aide de la PAC dès 2013 du fait de la montée en puissance des aides directes dans les nouveaux États Membres. La refonte annoncée et attendue de la PAC représente des enjeux majeurs. En effet, à l’heure actuelle seul 25 % des agriculteurs européens perçoivent des aides de la PAC. Ce secteur d’activité est en souffrance et aucun signe n’est donné aux agriculteurs, ni dans le sens d’un prix rémunérateur qui leur serait garanti, ni dans le sens du respect des normes sanitaires et environnementales. En effet, que ce soit la politique relative à la dissémination d’OGM, à la suppression des quotas laitiers, tout concorde pour faire craindre le démantèlement de la PAC et ce, alors même que les risques liés au marché des denrées alimentaires sont redoutables. Je voudrais également souligner, pour clore sur ce sujet, le problème que représente le refus croissant d’apurement des crédits de la PAC.

S’agissant des actions relevant de l’espace « liberté, sécurité et justice », nous nous étonnerons pas que les crédits consacrés au programme-cadre « Solidarité et gestion des flux migratoires » soient en nette augmentation. Ils soutiennet une politique européenne qui s’inscrit dans un mouvement répressif, comme le confirme le Pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté au Conseil européen des 15 et 16 octobre derniers.

Pourtant, aucune politique sécuritaire ne permettra de répondre aux causes des migrations vers l’Europe. L’écart de développement entre le Sud et le Nord alimente ces flux. L’Union s’honorerait donc à promouvoir une véritable coopération internationale au lieu de se transformer en forteresse peu respectueuse des conventions internationales concernant le droit des migrants.

S’agissant des actions extérieures, le budget octroyé reste dérisoire. L’insuffisance des moyens alloués au Kosovo, au Moyen Orient, à l’aide alimentaire est inadmissible. Ceci sans parler de la politique européenne dans le conflit Israëlo-Palestinien qui mériterait un tout autre engagement de l’Europe. Cela confirme en tout état de cause que l’Union européenne refuse de faire le choix de devenir un acteur majeur sur la scène internationale.

En définitive, le budget de l’Europe n’est pas à la hauteur des enjeux. Au-delà de la question, toujours éludée, d’une véritable augmentation du budget européen, la question fondamentale de la répartition des crédits est significative de l’orientation de la construction européenne qui reste en tout état de cause, fondamentalement libérale. Pour toutes ces raisons le groupe CRC votera contre cet article 33.

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