Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Projet de loi de finances pour 2009 : transports
Par Mireille Schurch / 27 novembre 2008Madame la présidente, madame, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Écologie, développement et aménagement durables » devait amorcer « une dynamique de changement de notre modèle économique qui sera centré sur le développement durable ».
L’approche multimodale intégrée de la politique de transports, retenue lors du Grenelle de l’environnement, participe logiquement de la mise en œuvre de ce changement. Vu la part importante du transport routier dans les émissions de gaz à effet de serre, et la nécessité de réduire ces émissions de 20 % d’ici à 2020, c’est un objectif ambitieux et une démarche que j’approuve.
Nous attendions donc des crédits importants pour le programme « Infrastructures et services de transports ». Mais force est de constater, monsieur le secrétaire d’État, que votre budget pour 2009 n’est pas au rendez-vous s’agissant d’un texte qui a suscité beaucoup d’espoir ; il ne répondra pas aux enjeux écologiques qui nous pressent d’agir.
Les crédits de paiement de 5 milliards d’euros pour les programmes de transports seraient, d’après le rapport Saddier, en hausse de 30,2 %. Ces chiffres sont flatteurs pour le Gouvernement, mais qu’en est-il réellement ?
Le budget du programme « Infrastructures et services de transports », qui s’élevait à 4,395 milliards d’euros, a déjà été amputé lors de son passage à l’Assemblée nationale de 30,8 millions d’euros. Et la hausse de 1,2 milliard d’euros que vous annoncez sur ce budget n’est due, en fait, qu’à la budgétisation de la subvention d’équilibre de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
M. Jean-Paul Emorine. Ce n’est déjà pas si mal !
Mme Mireille Schurch. Or l’État abondait l’AFITF de 1,260 milliard d’euros au titre de la cession des produits d’autoroutes. En annonçant une subvention budgétaire directe de l’État de 1,2 milliard d’euros, la participation de l’État est donc, en réalité, en diminution de 60 millions d’euros.
Si les ressources de l’AFITF sont en hausse, c’est grâce à l’augmentation importante de la redevance domaniale des sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui passe de 170 millions d’euros à 475 millions d’euros. Ce sont les taxes affectées, c’est-à-dire les ressources extrabudgétaires, qui augmentent, au détriment de l’égalité du citoyen devant l’impôt.
Le rapport de notre assemblée sur le programme « Infrastructures et services de transports » avait pointé la nécessité d’augmenter de façon significative l’enveloppe financière destinée aux infrastructures de transports. Pour prendre en compte le Grenelle de l’environnement, ce rapport préconise de doter l’AFITF d’un budget annuel de 3 milliards d’euros d’ici à 2012 et de 3,6 milliards d’euros à compter de 2013. On est loin du compte, puisque les ressources de l’AFITF sont évaluées à 2,5 milliards d’euros, soit 500 millions d’euros de moins.
En ce qui concerne l’AFITF, le groupe CRC, par la voix de mon collègue Michel Billout, s’était inquiété, l’année dernière, de l’avenir des financements de cette agence, l’État s’étant largement privé de moyens en privatisant imprudemment les sociétés
d’autoroutes.
Cette année, l’agence voit son avenir assuré grâce à la subvention de l’État, mais, au vu des ressources dont elle dispose, elle ne parviendra pas à financer un programme d’investissement fondé sur une approche multimodale intégrée.
Certes, la mise en place de l’écotaxe sur les poids lourds est une mesure qui devrait favoriser le financement des structures innovantes, et nous en acceptons le principe. Malheureusement, la modification à la baisse de la fourchette initiale, la réduction des péages de 25 % pour certains départements, ou encore les exonérations pour les routes nationales à faible trafic, pour ne citer que quelques exemples, font que le financement d’une politique des transports rendant prioritaires les modes alternatifs à la route est reporté sine die.
Comment envoyer un « signal prix » au transport routier, pour accélérer la mise en œuvre de la politique de transport durable, s’il existe, par ailleurs, une compensation avec la taxe à l’essieu ?
Enfin, cette éco-redevance ne sera perçue qu’à l’horizon 2011, et ne rapportera que 880 millions d’euros. Vous avez d’ailleurs rappelé, monsieur le secrétaire d’État, qu’il fallait lancer un appel d’offres et vérifier que les choses étaient techniquement réalisables. Voilà qui laisse planer l’incertitude sur les conditions de perception de cette éco-redevance.
En ce qui concerne Réseau ferré de France, l’État réduira de 63 millions d’euros sa participation. Bien entendu, il a signé avec RFF, le 3 novembre dernier, un contrat de performance par lequel il s’engage sur cinq ans, pour la période 2008-2013, à hauteur de 13 milliards d’euros. Mais cette somme ne représente, à bien y regarder, que les concours précédents de l’État, globalisés sur cinq ans et amputés de 63 millions d’euros !
De plus, l’examen du contrat de performance est particulièrement inquiétant pour les lignes secondaires et les lignes de proximité desservant l’ensemble des territoires. Qu’advient-il de l’amélioration de la desserte des agglomérations enclavées et des zones rurales, ainsi que du maillage du territoire, dans une perspective d’aménagement ?
En effet, pendant ce temps, le réseau se dégrade et les ralentissements s’accumulent. On compte 1500 kilomètres de ralentissements, dont 200 kilomètres pour la seule Auvergne.
En tant que sénatrice de l’Allier, je me permettrai, monsieur le secrétaire d’État, d’évoquer ma propre expérience. Je pense aux ralentissements prévus entre Clermont-Ferrand et Paris - les trains circuleront à 10 kilomètres-heure sur certains tronçons -, aux gares menacées de fermeture, à la suspension, pour ne pas dire la fermeture, par la SNCF des tronçons Montluçon-Ussel et Montluçon-Clermont-Ferrand via Volvic, alors que ces deux lignes desservaient des bassins industriels, dont le fret se retrouve dorénavant sur les routes.
Le contrat de performance signé avec RFF est bienvenu, mais les contributions de l’État aux charges d’infrastructures, à la régénération du réseau et au passif financier ont disparu du budget. Si RFF doit faire davantage, il sera contraint de s’endetter. On ne règle donc pas la question de sa dette.
Enfin, quelle crédibilité accorder, à plus long terme, à un projet qui se veut ambitieux, lorsque les crédits de paiement pour les infrastructures et les services de transports sont en baisse d’environ 22 % entre 2009 et 2011 ?
L’urgence écologique d’aujourd’hui sera-t-elle oubliée demain ? Comment pense-t-on faire évoluer la part de marché du fret non routier de 14 % à 25 % à l’échéance 2022 si, par ailleurs, le financement des infrastructures alternatives à la route n’est pas assuré ?
Admettez-le, l’absence de traduction budgétaire des orientations du Grenelle est criante dans votre projet de loi. Vous pouvez d’autant moins le nier que ce constat, l’an dernier comme aujourd’hui, est partagé par la majorité des sénateurs.
Vous proposez une politique multimodale des transports, tout en organisant le désengagement de l’État. Pour vous, le transfert modal depuis la route est un enjeu de première importance, à condition toutefois de respecter les contraintes économiques et budgétaires.
La réponse à l’urgence écologique est bridée par ces contraintes, alors que les dérives de l’idéologie libérale que vous défendez ne s’en embarrassent guère : 360 milliards d’euros ont été débloqués en faveur des banques, le paquet fiscal a été voté pour les plus privilégiés et les exonérations fiscales sont accordées à souhait. Telles sont les priorités de votre Gouvernement, que nous sommes loin de partager.
Certains secteurs ne peuvent être confiés au marché libéral. La solidarité nationale en matière de transports doit jouer en faveur du transport ferroviaire - mode de transport peu polluant -, pour l’entretien des lignes existantes, la création de nouvelles lignes, le développement des transports collectifs plus respectueux de l’environnement et les lignes de proximité.
Le groupe CRC ne peut accepter de lier le sort du développement durable à des impératifs de rentabilité financière. C’est pourquoi nous voterons contre la partie de votre budget consacrée aux transports.