Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Que faire d’EDF ?
Proposition de loi proposition de loi visant à protéger visant à protéger EDF d’un démembrement -
Par Pascal Savoldelli / 24 janvier 2024Face aux annonces gouvernementales, la renationalisation d’EDF se dessine comme une énigme à déchiffrer, et vous, mes chers collègues, vous interrogez légitimement sur la pertinence de ce texte. Cependant, derrière le rideau de l’engagement affiché en faveur d’une EDF publique, la détention du capital n’est qu’un voile fragile, insuffisant pour protéger l’entreprise des menaces de démantèlement.
Le projet Hercule, toile de fond de cette scène politique, s’avance tel un drame en deux actes, entre nationalisation nucléaire et ouverture sélective, il interroge sur l’avenir de notre principal fournisseur d’électricité.
Le fil conducteur de cette proposition transcende la simple nationalisation, s’érigeant en rempart pour la préservation de l’intégrité du groupe EDF contre tout risque de démembrement. Elle se positionne aussi comme une sentinelle vigilante, s’opposant à toute réforme future concoctée en coulisses, échappant ainsi au dialogue social, aux travailleurs, aux usagers, et au débat parlementaire.
Elle englobe également l’extension des Tarifs Réglementés de Vente d’électricité aux très petites entreprises, indépendamment de leur puissance électrique, ainsi qu’aux petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) pour l’année 2023.
Il est désolant de constater que le Sénat, en première lecture, a démontré une myopie regrettable en occultant les missions essentielles du groupe EDF. Cette omission, se contentant d’afficher la détention publique de la société, est symptomatique d’une vision réductrice. Le Sénat a réduit l’impact potentiellement positif de l’extension des Tarifs Réglementés de Vente d’électricité, en la restreignant de manière disproportionnée aux consommateurs finals domestiques, aux très petites entreprises (TPE) et aux collectivités de taille équivalente.
Pourtant, il est impératif d’insuffler une véritable ambition en reconnaissant pleinement les missions d’EDF dans la reconquête de la souveraineté énergétique, en conformité avec le Préambule constitutionnel qui stipule que tout service public national ou monopole de fait doit appartenir à la collectivité.
EDF se distingue en tant qu’entreprise singulière, et détailler ses activités dans la loi représente une défense cruciale contre d’éventuelles attaques de ceux qui, depuis près de deux décennies, cherchent à affaiblir l’opérateur historique au nom d’une logique mercantile, promouvant une libre concurrence sauvage.
Contrairement à ses promesses, ce marché unique n’a, ni réduit les prix, ni stimulé l’innovation technologique, et encore moins amélioré le service rendu aux consommateurs. Bien au contraire, la hausse historique que nous connaissons aujourd’hui, plus de 44% en deux ans, n’est pas seulement conjoncturelle ; elle est l’aboutissement d’une crise structurelle.
Dans un contexte budgétaire asphyxiant, nous avons besoin d’une véritable planification énergétique. L’an passé, en l’absence de stratégie énergétique réelle, le Gouvernement, pressé par l’urgence, implorait des mesures d’austérité. Aujourd’hui, l’annonce d’une hausse de près de 10% pour tous les usages résonne comme un nouvel empêchement. Avec les récentes vagues de grand froid, cesser les chauffages devient un défi insurmontable.
Pourtant, avec une croissance des travailleurs au SMIC, la situation devient intenable pour de nombreuses familles qui n’auront d’autre choix que de s’y résoudre. Que faudra-t-il sacrifier ensuite au nom de cette folie de la dérégulation du marché de l’énergie ?
Un peu de sincérité ! Augmenter les tarifs électriques et exclure les PME, ETI, et collectivités du TRVE témoigne d’une décision politique antagonique avec les discours sur la relocalisation et la réindustrialisation.
Ainsi, cette proposition de loi se présente comme le prélude d’une symphonie législative plus vaste. Toutefois, il nous faudra poursuivre la mélodie de la réflexion, orchestrer une loi d’envergure pour la renationalisation intégrale du secteur énergétique.
Les défis imminents, de l’électrification des usages à la décarbonation de notre mix énergétique, ainsi que la libération de 15 millions de personnes de la précarité énergétique, nécessiteront une partition législative plus étendue.
C’est pourquoi, nous voterons pour cette proposition bien que nous regrettions qu’elle s’éloigne de son objectif initial.