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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une armée surtout tournée vers les opérations extérieures

Loi de finances pour 2021 : défense -

Par / 3 décembre 2020

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, lors de l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », Michelle Gréaume a souligné le déséquilibre entre l’évolution des moyens de notre diplomatie et celle, beaucoup plus rapide, des moyens de défense. La trajectoire de la LPM, en forte augmentation depuis trois ans, dont l’accélération est prévue de façon plus nette encore dans la seconde partie de sa mise en œuvre, fait en quelque sorte de nos armées notre vitrine diplomatique. Est-ce bien là le sens que nous devrions donner à l’action extérieure de la France ?

Notre budget militaire, avec une augmentation de 4,5 % cette année, atteint 39,2 milliards d’euros. On peut, comme vous le ferez, madame la ministre, se féliciter de cette augmentation programmée et respectée. On peut aligner les chiffres de la livraison promise et effective de nouveaux équipements : Griffon, Jaguar, fusils d’assaut, nouveaux avions MRTT (Multi Role Tanker Transport), hélicoptères, frégates…

Il est vrai que ces chiffres contiennent une part de remise à niveau nécessaire de nos capacités opérationnelles et de nos équipements, mais aussi du traitement et de la condition de nos militaires et de leurs familles : je pense au plan Famille, à l’hébergement, à l’augmentation des soldes, aux petits équipements. Je note toutefois que le service de santé des armées (SSA), auquel vous connaissez l’attachement de notre groupe, reste en souffrance.

Je veux insister sur un point : l’autosatisfaction sur des dépenses en augmentation ne suffit pas à dire, dans ce monde bouleversé et mouvant, si nous sommes sur la bonne trajectoire en matière de défense, quand tant d’incertitudes et d’évolutions géostratégiques nous interrogent.

Vers quelle armée, vers quel outil de défense nous conduit la forte augmentation actuelle des crédits ? Telle est la question qu’il faut se poser, me semble-t-il.

Madame la ministre, vous revendiquez la construction d’une armée tournée vers des engagements de haute intensité. Ce que nous construisons d’abord et surtout, c’est une armée massivement tournée vers la présence et les opérations extérieures. Ainsi, 13 000 de nos militaires sont déployés sur le territoire national, quand 5 100 le sont au Sahel dans l’opération Barkhane. Il y en a également 3 750 dans nos bases militaires au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, à Djibouti et aux Émirats arabes unis, 600 dans l’opération Chammal en Irak et Syrie, 4 500 en mission maritime sur les mers du monde et 400 auprès de l’OTAN.

La structure de déploiement vers laquelle nous ne cessons d’évoluer est donc claire et elle mériterait pour le moins un débat stratégique. J’espère par exemple que nous pourrons débattre de la poursuite, ou non, de l’opération Barkhane.

D’autres questions se posent toutefois. Par exemple, combien coûte et à quoi sert notre base aux Émirats arabes unis (Mme Nathalie Goulet s’exclame.), forte de 650 militaires ? Quand et où parlons-nous sérieusement de cela ?

Nos engagements financiers au titre de l’Europe de défense augmentent. Au service de quel projet stratégique toutefois ? L’« autonomie stratégique européenne », nous répète le Président de la République. Or c’est exactement le contraire de ce que vient de déclarer la ministre allemande de la défense, qui parle d’en finir avec « l’illusion de l’autonomie stratégique » et pour qui l’OTAN reste l’unique boussole stratégique.

L’avenir de nos industries nationales de défense est une autre question majeure. Vous en faites un argument de soutien à la relance. De quelle relance parlez-vous ? De la relance du soutien à la conception de programmes d’armement adaptés à nos besoins de défense, ce qui serait une bonne chose, ou plutôt de la relance de programmes tournés vers l’exportation et la vente d’armes, guidés par l’engrenage d’une hypersophistication technologique, génératrice de surarmement ? À nos yeux, ces questions doivent être posées avec clarté.

Nous serions, pour notre part, par exemple favorables à une augmentation plus rapide du fonds d’investissement visant à sauvegarder nos sociétés d’intérêt stratégique, ainsi qu’à la reconstruction d’une filière nationale de production de munitions de petit calibre. Le paradoxe est que nous n’en avons plus, alors que Thales aide l’Australie à s’en construire une !

Enfin, j’en viens à l’avenir de notre dissuasion nucléaire, dans laquelle nous investissons cette année 5 milliards d’euros, sans compter le coût de lancement des études sur un nouveau porte-avions. Cela mérite un débat approfondi et sans tabou, au moment où s’approchent de nouvelles ruptures technologiques et où la fin du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, dénoncé par Donald Trump, risque de conduire à une nouvelle escalade extrêmement inquiétante.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, c’est plus d’une revue d’intérêt stratégique de nos priorités budgétaires que d’une litanie de crédits à la hausse que nous estimons avoir besoin. La relance tous azimuts d’une course au surarmement technologique redevient un facteur majeur d’insécurité collective. À nos yeux, le temps est venu de procéder à la révision des objectifs de la LPM.

En l’état, nous voterons contre les crédits de cette mission.

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