Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une loi de programmation des finances publiques décalée et caduque

Par / 16 octobre 2023

Les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Ecologiste et Kanaky proposent le rejet de cette loi de programmation.

Quatre raisons nous amènent à ce choix.

1/ Cette loi de programmation, imposée par 49.3 par le gouvernement, puis ajustée par la droite en deuxième lecture, est en décalage complet avec ce que vivent les habitants de notre pays. En décalage aussi avec ce qu’ils s’apprêtent à vivre dans les prochaines années. En ce sens, elle est injuste.

Que ceux qui nous écoutent le sachent  : nous débattons d’un texte qui est censé structurer les finances publiques, donc l’action publique, pour les années à venir.

Pas une seule fois sont mentionnés les mots «  inégalités  » ou «  pauvreté  ». Personne n’en a parlé. Personne. Ni le gouvernement qui a imposé ce texte par un 49,3 à l’assemblée. Ni la droite sénatoriale, qui a modifié le texte.

Comment peut-on être crédible, avec un tel manquement  ?

Ce qui structure la vie de notre pays aujourd’hui, c’est bien les inégalités sociales, territoriales, environnementales. C’est bien la vie chère. C’est bien le coût de l’électricité et du gaz.

Une loi qui est donc en décalage avec la réalité. Et pour cause  : elle découle de l’article 3 du Traité de Stabilité de Coopération et de gouvernance dont les grands principes, quelques peu amendés devant le principe de réalité, ont été inchangé ont été publiés pour la première fois en 2011  !

Les règles budgétaires d’alors ont volé en éclat depuis la crise sanitaire, mais aussi la guerre en Ukraine et la crise climatique qui s’est accrue. On nous demande donc d’appliquer des règles budgétaires qui d’une part ont fait et refait la démonstration de leur inefficacité.

J’en viens donc à la deuxième raison  : cette loi est caduque et inapplicable. Cela, mes chers collègues, nous le savons tous très bien.

2/ En effet, même l’initiateur de cet outil budgétaire, Nicolas Sarkozy, n’a pas réussi à respecter ses propres prévisions. J’en veux pour preuve  : depuis 2009, 5 lois de programmations ont été adoptées.
• Sur toute cette période, en 14 années, seules deux années ont respecté la prévision de déficit.
• De plus, les écarts de prévision de croissance en volume ont été en moyenne de 3,2 points de pourcentage.
• La croissance potentielle a subi un écart d’1 point en moyenne, inquiétant quand on sait que les prévisions de cette programmation se situent à 1,35%.

Cette trajectoire financière ne fera pas exception  : elle est frappée d’obsolescence programmée  ! Elle est inapplicable et sera inappliquée.

Permettez-moi aussi un mot sur les prévisions macro-économiques du texte.

Même le Haut Conseil des finances publiques les a qualifiées de très optimistes. Le gouvernement n’en a pas tenu compte.

Des prévisions bien trop optimistes pour être prises au sérieux. Le Gouvernement prévoit en effet une évolution des dépenses en volume qui demeura la plus dure du 21ème siècle. C’est-à-dire à 0,1%, taux le plus faible, quand antérieurement le taux de 0,7% justifiait le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

C’est le témoignage des excès de rigueur que porte le projet de l’exécutif et qui constituera un affaiblissement durable de nos services publics.

Inapplicable et inappliquée car ni la version du Gouvernement ni la version issue de la commission des finances. Selon les prévisions, celle-ci se maintiendrait autour de 3,6%. Cela fera donc bondir à 74 milliards d’euros par an les charges des intérêts de la dette.
Mais pourquoi toujours brandir l’épouvantail de la dette ? Si j’ose dire, à qui profite le crime ?

Il faut savoir détention directe par les épargnants est devenue marginale. L’intermédiation du système financier (banques, assurances, gestionnaires d’actifs) s’est largement imposées. Par ailleurs, les non résidents détiennent 54% de notre dette, et les trois pays qui en détiennent le plus sont le Royaume-Uni, paradis de la finance, et deux paradis fiscaux : le Luxembourg et les Îles Caimans.

Nous nous soumettons donc aux intérêts des seuls marchés financiers, au détriment de l’intérêt général de la nation.

3/ Une soumission sous forme de chantage de l’Union Européenne. C’est la troisième raison d’être de cette motion.

Un chantage qui a été exprimé à maintes reprises par le gouvernement  :

«  si vous ne votez pas cette loi de programmation vous priverez la France des crédits européens  ».

Mais Monsieur le Ministre, qui a fait le choix délibéré d’inscrire dans le Plan national de relance et résilience envoyé à la Commission, le vote d’une loi de programmation  ?
Ce ne sont pas les oppositions parlementaires  !

Ne vous en déplaise, vous n’avez pas de majorité sur ce texte ni à l’Assemblée nationale que vous avez privé de vote, ni au Sénat.

Vos propos, dans un courrier adressé au rapporteur général et que le Président de la commission de finances Monsieur Claude Raynal nous a transmis, et que je remercie, attestent de l’ambiguïté de la situation.

Je cite, «  la non adoption de la Loi de Programmation des Finances Publiques POURRAIT bloquer non seulement les versements de l’Union européenne attendus en 2023 et 2024 soit 17,8 Md€ mais RISQUERAIT de bloquer la suite de l’exécution du plan français et les versements associés soit 28 Md€  ».

Un chantage d’autant plus inacceptable que sur les 40,3 milliards d’euros que recevraient la France, elle en rembourserait 66 milliards faute de nouvelles ressources propres, faute de mise à contribution du capital. Le Gouvernement s’est engagé sur une trajectoire austéritaire sans soutien parlementaire.

4/ J’en viens à la quatrième raison de cette motion. C’est la surenchère austéritaire de la version modifiée en deuxième lecture.

Bien loin de se différencier des politiques du gouvernement, les apports de collègues de la majorité sénatoriale entérinent et aggravent des choix politiques.

Votre différence avec le gouvernement est une concurrence libre, chers collèges, mais elle est bien faussée.

Le projet de la droite sénatoriale est clair  : des économies de 40 milliards d’euros en 2027  !

Le tout reposant sur l’État avec une brutalité sans nom. Une baisse de 3 milliards en valeur de 2024 à 2025  ; soit beaucoup plus en intégrant l’inflation.

Ce plan met particulièrement à contribution les collectivités  : c’est en effet la proposition de réduction des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités en volume à -0,5%. Comment aller expliquer cela aux Maires, là où les factures de gaz et d’électricité des collectivités ont augmenté de 30 à 300%  ?

Quand le Président du groupe Les Républicains au Sénat, Monsieur Retailleau dit vouloir «  mettre l’État au pain sec  », en vérité il mettra les français au pain rassis. Je m’explique  :

En commission, le rapporteur général nous a expliqué vouloir réduire le poids des agences de l’Etat, avec des économies sur les personnels. Ils proposent de réduire de 5% les effectifs des fonctionnaires de l’Etat et de ses opérateurs.

5%, c’est 100 000 emplois publics en moins. C’était effectivement le droit fil du programme de François Fillon en 2017.

Qu’est-ce que cela signifie  ?

Il y a trop d’agents à la Banque de France pour aider les particuliers en situation de surendettement  ?

Il y a trop d’agents à Pôle Emploi pour lutter contre le chômage ou engager une formation  ?

Trop d’agents à l’office national des forêts pour lutter contre les feux et le réchauffement climatique  ?

La vérité c’est que, derrière les beaux discours devant les élus locaux, la majorité sénatoriale aurait pu voter la version du gouvernement de cette loi  ; comme elle a d’ailleurs voté l’essentiel de ses budgets moyennant quelques modifications…

Cette motion a donc 4 raisons d’être :
Rejeter une loi de programmation des finances publiques injuste du gouvernement, en décalage total avec ce qui vivent les habitants de notre pays,
Rejeter une loi déjà caduque et rendue inapplicable,
Rejet un chantage qui est imposé au peuple français.
Rejeter aussi la réécriture en deuxième lecture.

La France mérite mieux. Elle mérite le progrès économique, elle mérite le progrès social, elle mérite le progrès démocratique d’une nouvelle autonomie financière et fiscale des collectivités, apte à un nouveau développement des services publics locaux. Elle mérite le progrès écologique et non pas seulement la régression permanente, au grès des bouleversements du monde.

En somme, cette motion est profondément progressiste et responsable.

Et la responsabilité, c’est aussi le travail d’amendements dans l’hypothèse de la non-adoption de cette motion.
A la lecture des amendements déposés par les différents groupes, notre motion s’inscrit bien sûr dans la philosophie des amendements du groupe CRCE-K, mais aussi, je crois, dans celle des amendements déposés par les sénateurs socialistes et écologistes.

Donner de la force à cette motion de la force à une perspective de progrès pour les années à venir. C’est aussi donner de la voix à toutes celles et ceux, élus ou pas, qui à travers le pays appellent à un nouveau souffle de l’action publique.

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