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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Dans les grands corps, le pantouflage est généralisé

Conflits d’intérêts liés à la mobilité des hauts fonctionnaires -

Par / 22 février 2018

La déontologie, c’est comme la médecine par les plantes (M. Jean-Raymond Hugonet sourit.) : cela ne fait pas de mal, mais que cela puisse guérir de vrais malades reste à prouver… (Rires et applaudissements sur diverses travées.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est bien vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. Or les institutions de notre République sont sérieusement malades, comme le montrent les résultats électoraux de 2017, véritable triomphe du « dégagisme », de l’absentéisme, et des votes blancs et nuls. Les élus, députés comme Président de la République, l’ont été par défaut.

Cette « sécession » civique renvoie pour une bonne part au sentiment que, quelle que soit l’issue des consultations, pour l’essentiel, la même politique continuera, avec les mêmes résultats, des résultats marquent la transformation progressive de la Ve République en une république oligarchique, cogérée par la nébuleuse politique gravitant autour du Président, par les fondés de pouvoir des milieux d’affaires – finance et très grandes entreprises –, et par une nouvelle bureaucratie céleste,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce n’est plus la gauche caviar, c’est la gauche affairiste !

M. Pierre-Yves Collombat. Elle a fait ses affaires. (Sourires sur plusieurs travées. – M. le président de la commission des lois s’exclame.) Ce n’est pas mon cas !

Et par une nouvelle bureaucratie céleste, disais-je, constituée en « caste » (M. le président de la commission des lois s’exclame de nouveau.), selon l’expression d’Emanuel Macron lui-même – je n’invente rien –, caste qui se protège et qui veille à son enrichissement.

La fonction de l’État n’est donc plus de faire prévaloir un intérêt général distinct des intérêts particuliers, mais d’assurer la pérennité du système, la concurrence « libre et non faussée » entre les acteurs, l’intérêt général résultant du bon fonctionnement du marché et non d’équilibres dont l’État serait le garant.

Dans un tel agencement des pouvoirs, le « pantouflage », les allers et retours du public – politique ou administratif – au privé ont une fonction essentielle : il s’agit non pas seulement, comme on le dit, d’une gestion fluide des carrières des hauts fonctionnaires, mais du liant qu’il faut mettre entre les membres de l’oligarchie. Pas question donc d’interdire ces pratiques, ni même de les limiter significativement !

Les défenseurs du système sont très nombreux, je le constate encore. Première ligne de défense du pantouflage contre les « irresponsables » qui voudraient le réduire à la portion congrue : noyer le poisson, laisser croire qu’il est un « phénomène qui reste marginal », selon l’expression même du récent rapport d’information de l’Assemblée nationale, datant de février 2018. Selon ce rapport, cela toucherait 1,6 pour 10 000 des agents de la fonction publique.

Bref, pas de quoi s’exciter,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non…

M. Pierre-Yves Collombat. … sauf qu’agréger des inspecteurs généraux rejoignant une grande banque, des agents hospitaliers ouvrant une pizzeria, ou encore des professeurs de philosophie devenant bergers (Sourires.)…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ou sénateurs ! (Nouveaux sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. … – ce n’est pas le secteur privé, monsieur le président de la commission des lois –, cela n’a aucun sens. (MM. Guillaume Arnell et Arnaud Bazin s’esclaffent.)

Le problème n’est pas le nombre de fonctionnaires quittant le service public ou y revenant, mais le fait que de hauts fonctionnaires ayant directement participé à l’élaboration des lois et règlements se retrouvent en position de faire bénéficier leur nouvel employeur de leur connaissance intime des secrets de fabrication et de leur carnet d’adresses, moyennant, évidemment, la multiplication plus que substantielle de leur salaire.

Dans certains ministères et dans certains corps – particulièrement dans celui des inspecteurs des finances –, le pantouflage n’est pas une pratique marginale. Ainsi, parmi les 333 inspecteurs et inspecteurs généraux des finances recensés par une enquête de 2017, plus de 55 % travaillent ou ont travaillé à un moment de leur parcours dans le secteur privé, dont 34 % dans le secteur bancaire. Près de la moitié reviennent dans le secteur public après avoir travaillé dans le privé, les allers et retours multiples étant nombreux. Près de 40 % ont fait un .passage dans un cabinet ministériel ou ont exercé un mandat politique. Enfin, plus de la moitié des grands patrons français du CAC 40 sont polytechniciens ou énarques.

Deuxième ligne de défense : réduire le problème du pantouflage extensif des grands corps à celui du conflit d’intérêts, à une simple question de déontologie. Pas question de se préoccuper des effets corrosifs d’une telle pratique sur les fondements de notre démocratie ; on se concentre donc sur les dispositifs techniques – commission et entretiens de déontologie, déclarations en tout genre, chartes éthiques – censés prévenir les conflits d’intérêts. Tel est l’esprit tant de cette proposition de loi que du rapport de l’Assemblée nationale évoqué voilà quelques instants, dans lequel il est écrit « Vos rapporteurs considèrent le dispositif légal actuel abouti, notamment grâce aux dernières évolutions. » Bref, « Circulez, il n’y a rien à voir ! »…

Troisième ligne de défense : un usage spécieux du conflit d’intérêts, réduit au seul risque de favoritisme. Ainsi, la seule contrainte qui s’impose à un fonctionnaire passé dans le privé est de ne pas faire bénéficier son nouvel employeur d’informations dont ses concurrents ne disposeraient pas. Un ancien directeur de BNP Paribas devenu gouverneur de la Banque de France devra, lui, se déporter, si l’institution doit traiter une question intéressant cette banque, afin d’éviter tout traitement de faveur par rapport à ses concurrents.

Il ne vient pas à l’esprit que le risque de conflit d’intérêts pourrait se situer ailleurs : entre les intérêts du système bancaire, opposé à tout ce qui pourrait ralentir son business, et ceux des citoyens préoccupés avant tout de la résilience du système bancaire par rapport aux crises spéculatives. Le rôle évident joué par la Banque de France dans l’échec des projets de séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires montre qu’il ne s’agit pas d’une question théorique.

Non seulement la proposition de loi ignorait ces questions essentielles, non seulement elle s’en tenait, dès le départ, à quelques mesures déontologiques, que l’on aurait pu soutenir, visant à renforcer les dispositifs de contrôle existants, mais, à l’arrivée, malgré l’adoption de quelques amendements, il n’en reste plus grand-chose ; elle s’est autodétruite en vol. Difficile de s’y résoudre et de ne pas réaffirmer qu’il faut en finir avec ces pratiques délétères.

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