Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Les budgets des SDIS sont trop corsetés
Volontariat des sapeurs-pompiers -
Par Éliane Assassi / 22 septembre 2021Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte nous offre l’occasion de rendre un hommage consensuel à ces hommes et à ces femmes qui assurent la sécurité civile de notre quotidien ; je m’incline ici devant la mémoire de celles et ceux qui ont perdu leur vie dans l’accomplissement de leur mission. Reste qu’on ne peut pas omettre ce soir de souligner que la dernière loi de gestion de la crise sanitaire a quelque peu abîmé le lien de confiance entre l’État et nos soldats du feu.
Le fonctionnement de notre modèle de sécurité civile évolue, la crise y a, pour partie, contribué. Dès 1789, la Garde nationale révolutionnaire a cultivé les valeurs du volontariat ; cet engagement citoyen, attaché au statut de pompier volontaire, est aujourd’hui en crise depuis une dizaine d’années. Les effectifs de volontaires continuent de stagner ou de diminuer, et nous attendons le bilan du Gouvernement après les trente-sept mesures de revalorisation annoncées en 2018.
La directive européenne de 2003 sur le temps de travail et la jurisprudence Matzak de 2018 menacent ce pilier de notre sécurité civile, mais révèlent aussi les limites actuelles et les besoins de revalorisation du statut de volontaire. Le sous-effectif chronique des pompiers professionnels conduit à utiliser de manière abusive le statut de volontaire afin de contourner les droits sociaux concernant le temps de repos ou le paiement des indemnités.
Pour reprendre le témoignage d’un pompier relevé par le sociologue Romain Pudal, « le SDIS est un dealer qui vit de la précarité des volontaires ». Ces volontaires représentent 79 % de nos pompiers et assurent une action de proximité primordiale. Nous souhaitons faire perdurer cet engagement citoyen, mais sans que celui-ci devienne pour autant un substitut aux pompiers professionnels pour des raisons de restrictions budgétaires.
Le double statut professionnel et volontaire manque d’encadrement et permet des cumuls d’heures qui créent de l’insécurité lors des interventions, mettant directement en danger la santé de nos pompiers.
Pour que notre modèle de sécurité civile perdure, la revalorisation du volontariat doit passer par un meilleur traitement des volontaires, sans lequel les vocations peineront à se renouveler. La présente loi y contribue par certaines revalorisations et certaines protections ainsi que par une meilleure reconnaissance. Toutefois, sans professionnalisation, rien ne se fera, car nous retomberons toujours sur ce problème structurel d’effectifs de professionnels insuffisants. Une réflexion plus poussée sur les moyens mis en œuvre est donc nécessaire.
Reconsidérer les statuts, c’est aussi prendre en compte l’évolution des missions des pompiers. Le secours à la personne est aujourd’hui leur première activité et concerne 85 % des missions. Cela implique d’en redéfinir le périmètre, notamment vis-à-vis d’autres services, comme l’aide médicale d’urgence, point sur lequel la proposition de loi comporte plusieurs avancées.
Le changement de nature de ces missions met les pompiers face à de nouveaux risques et implique un nouveau rapport entre pompiers et population. Nous déplorons l’explosion des agressions envers les pompiers et nous estimons que leur faire porter des caméras ne réglera en rien les causes premières de ce phénomène.
Valoriser le métier de pompier, c’est aussi, selon nous, mieux les former et mieux distinguer leurs missions de celles des forces de l’ordre afin de mieux les protéger en amont.
La vraie lacune de cette proposition de loi est l’absence de dispositions financières. Les budgets des SDIS sont fortement corsetés, la crise ne fait que peser davantage sur les finances locales, alors que les ressources humaines et financières manquent. Depuis 2000, le nombre de centres d’incendie et de secours chute, compromettant l’égal accès sur l’ensemble du territoire aux interventions et aux soins urgents. Nous sommes passés de 8 700 centres en 2002 à 6 227 centres aujourd’hui ; cette perte de proximité freine l’engagement de pompiers volontaires.
À cette mise en danger de nos concitoyens s’ajoutent des problèmes de sécurité liés à la baisse des dépenses d’investissement dans le matériel. L’État doit être le correcteur de ces inégalités et de ces dangers, mais, depuis 2017, on constate une chute de 60 % de la dotation de soutien aux investissements structurants des services d’incendie et de secours. Le Gouvernement se permet même d’afficher politiquement la revalorisation de la prime du feu, financée en réalité par les départements, qui sont à bout de souffle.
Nous voterons ce texte, qui permet plusieurs petites avancées et apporte des précisions bienvenues. L’examen des articles nous donnera l’occasion de nous exprimer sur l’ensemble de ces dispositions, dont certaines nous posent question, notamment en l’absence d’étude d’impact.
Nous sommes bien conscients que des fragilités persistent dans l’organisation actuelle de notre sécurité civile, qui ne sont pas réglées par ce texte, ce qui doit nous conduire à mener une réflexion plus profonde.