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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce projet de loi permet-il de combler tous ces retards et inégalités ?

Egalité réelle des outre-mer -

Par / 17 janvier 2017
Sénateurs communistes
Ce projet de loi permet-il de combler tous ces retards et inégalités ?

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les populations de ce qu’on appelait « les quatre vieilles colonies » – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion – étaient dans un état de misère effroyable du fait des années de guerre, bien sûr, mais aussi et surtout du fait de leur statut colonial. Les progressistes de ces pays devenus parlementaires, Césaire, Bissol, Monnerville et Vergès, ont fait voter à l’unanimité une loi qui mettait fin officiellement au régime colonial et donnait à ces colonies le statut de département.

Cette loi d’intégration votée le 19 mars 1946 était proclamée comme une loi d’égalité. Elle prévoyait dans son article 2 que, au 1er janvier 1947, toutes les lois sociales existantes en France seraient étendues à tous les habitants de ces nouveaux départements. On connaît la suite.

Cette loi a été trahie par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1946, et cela quelle qu’ait été leur couleur politique. Il a, par exemple, fallu attendre plus de cinquante ans, après des luttes populaires acharnées, pour obtenir l’égalité sociale dans les DOM au niveau tant du SMIC, des allocations familiales que d’autres prestations sociales.

Mais l’égalité n’est pas seulement sociale. D’autres marqueurs doivent être pris en compte, tels que le PIB par habitant, l’IDH, voire l’indice de Gini. De ce point de vue, l’égalité est loin d’être réalisée, et les écarts entre les départements d’outre-mer et la France sont considérables. C’est ce constat unanimement reconnu qui ont conduit le Président de la République et le Gouvernement à présenter le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer que nous avons à examiner.

Malheureusement, ce projet de loi ne donne pas la définition exacte de l’égalité réelle. L’exposé des motifs dit qu’elle est multidimensionnelle et qu’elle vise à combler les écarts constatés entre les outre-mer et la France hexagonale dans les droits économiques et sociaux des populations. Soulignons quelques-uns de ces écarts.

Quand le taux de chômage est de 9 % en France, il est de près de 30 % à La Réunion, ce qui correspondrait à 11 millions de chômeurs en France. Ramener le taux de chômage de La Réunion à celui de la France nécessiterait de créer 13 000 emplois dans l’île chaque année pendant dix ans, alors qu’il ne s’y crée pas 3 000 par an.

À La Réunion, près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Rapporté à la France, ce taux correspondrait à 30 millions de pauvres. On pourrait continuer de la sorte cette énumération...

Le projet de loi qui nous est proposé permet-il de combler tous ces retards et inégalités ? On peut raisonnablement se poser la question. Comment croire que ce qui n’a pas été fait pendant soixante-dix ans pourra l’être en dix, ce qui correspond à la durée du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer ? Difficile d’y croire, d’autant plus que la situation décrite plus haut va s’aggraver du fait des événements qui vont bouleverser le monde et impacter inévitablement La Réunion et les autres DOM. 

Je veux citer les effets du réchauffement climatique, la démographie, la révolution technologique et les échanges économiques mondialisés. Ces derniers feront ressentir leurs effets à La Réunion dès l’année prochaine du fait de la fin des quotas et du prix garanti du sucre. C’est toute la filière canne à sucre qui est menacée, avec pour conséquence la menace sur l’emploi de 15 000 personnes. De même, les accords de partenariat économique entre les pays ACP et l’Union européenne procèdent de ces échanges économiques concurrentiels mondialisés et représentent une grave menace sur toute notre production.

Personne ne peut nier que la loi de 1946 a apporté en son temps, les luttes populaires aidant, des réponses à des problèmes auxquels nos populations étaient confrontées. Je pense à la santé, à la misère, à l’éducation, à l’absence d’infrastructures notamment. On ne peut nier les acquis dans ces domaines.

Cependant, soixante-dix ans après, la situation dans nos pays, caractérisée par un taux de chômage record, un niveau de pauvreté élevé, un nombre de personnes mal logées et frappées d’illettrisme qui ne baisse pas, montre que cette loi a atteint ses limites. Elle n’est plus en mesure de régler les problèmes présents et, à plus forte raison, de relever les nouveaux défis auxquels nos pays sont confrontés.

Cela est si vrai que nombreux sont ceux, à La Réunion comme aux Antilles et en Guyane, qui pensent que nos peuples aspirent à une véritable émancipation. Ils pensent aussi que le cadre mis en place en 1946 a atteint ses limites et qu’il convient désormais de le dépasser. L’appel à la responsabilité des populations, en leur offrant selon les lois de la République plus de compétences, plus d’autonomie, serait de mon point de vue la réponse appropriée à la situation que connaissent aujourd’hui les outre-mer. Il s’agit pour ces populations, en tenant compte du contexte mondial et régional, de relever le défi du développement durable dans les domaines économique, social, environnemental, culturel, éducatif, identitaire et institutionnel.

Un des enjeux majeurs de ce développement réside dans la nécessité d’une double insertion de nos pays dans la France et l’Union européenne, ainsi que dans leur environnement géographique.

L’histoire nous a liés dès le départ avec la France, d’abord, puis avec l’Union européenne. Il convient de consolider les acquis obtenus dans ce cadre. Cependant, nos environnements géographiques connaissent des bouleversements sur le plan tant démographique qu’économique et nos pays ne peuvent pas se tenir à l’écart de ces grands bouleversements qui s’opèrent à leurs portes.

Il est donc vital pour La Réunion comme pour tous les outre-mer de disposer de compétences élargies pour pouvoir passer avec leurs voisins des accords de coopération et de codéveloppement solidaire dans des domaines aussi divers que le commerce, la santé, la sécurité alimentaire, l’éducation, la recherche, les énergies renouvelables, la lutte contre les effets du réchauffement climatique, etc.

Une nouvelle politique pour les outre-mer consisterait à les aider à relever tous ces défis. Le projet de loi qui nous est présenté le permet-il réellement ? Sincèrement, je ne le pense pas, car ce projet de loi reste dans le schéma classique de la loi d’intégration de 1946. Elle ne tire pas toutes les leçons et les enseignements de son application pendant soixante-dix ans, et notamment des inégalités créées. Elle n’arme pas les outre-mer pour relever tous les défis auxquels ils doivent faire face, pas plus qu’elle ne permet, comme le souhaitait le candidat François Hollande en 2012, de mettre en place ce qu’il appelait « un nouveau modèle de développement pour les outre-mer ».

Force est cependant de reconnaître que, sur le plan social, ce projet de loi corrige certains retards accumulés pendant soixante-dix ans. Compte tenu de l’état de désespérance dans lequel se trouvent beaucoup de nos concitoyennes et concitoyens, il n’est pas pensable de les priver de ces nouvelles avancées sociales. Si celles-ci ne sont pas remises en cause durant nos débats, nous voterons ce texte, nonobstant toutes les réserves que je viens de formuler.

Je conclurai mon propos en évoquant le cœur du texte, lequel repose sur les plans de convergence.

Aux termes du projet de loi, l’égalité réelle serait atteinte grâce aux politiques publiques qui seraient mises en œuvre par l’État et les collectivités concernées à travers l’élaboration des plans de convergence, laquelle repose sur les dispositifs d’expérimentation, en vertu des articles 37-1 et 72 de la Constitution, ainsi que d’adaptation et d’habilitation, aux termes de l’article 73 de la Constitution.

Pour l’expérimentation, toutes les collectivités de l’Hexagone et d’outre-mer peuvent mobiliser le dispositif ; pour l’habilitation et l’adaptation, La Réunion est la seule des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution à ne pouvoir y prétendre, aux termes de l’alinéa 5 dudit article : La Réunion ne peut donc ni adapter les lois ni produire ses « propres lois ».

Se pose alors une question de constitutionnalité. Si La Réunion ne peut pas disposer d’outils nécessaires pour l’élaboration de ces plans de convergence, cette loi s’applique-t-elle à La Réunion ? La question est posée : elle est d’ordre constitutionnel. Dans ces conditions, madame la ministre, la prudence nous commande de nous abstenir sur les articles concernés.

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