Groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste

Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Nous allons vers une présidentialisation totale de notre régime

Législation par ordonnance -

Par / 4 novembre 2021

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis 1958 et plus particulièrement à l’occasion des deux dernières révisions constitutionnelles de 1995 et 2008, ma sensibilité politique a dénoncé l’impact négatif de la pratique des ordonnances sur le pouvoir du Parlement. Nous n’avons eu de cesse de demander l’abrogation de l’article 38 de la Constitution, qui organise ce transfert du pouvoir législatif vers le pouvoir exécutif.

Aujourd’hui, peut-être trop tardivement, chacun l’admet : les ordonnances posent problème et mettent en cause le fonctionnement démocratique, équilibré, de nos institutions. Cette prise de conscience provient, bien entendu, de l’utilisation croissante par le pouvoir exécutif de ce moyen d’action, comme l’a détaillé M. le rapporteur.

En 2008, nous avons approuvé l’idée visant à exiger une ratification expresse, c’est-à-dire un véritable examen du texte de l’ordonnance par les assemblées, comme préalable à ce que la valeur législative soit accordée aux dispositions concernées.

Malheureusement, le maintien de l’ancien régime de ratification implicite par le seul dépôt du projet de ratification sur le Bureau d’une assemblée – procédure ne conférant certes qu’une valeur réglementaire à l’ordonnance, mais une valeur juridique tout de même – a créé une incertitude juridique.

En effet, alors que ces dispositions, tant qu’elles ne sont pas ratifiées, doivent être considérées comme de simples actes administratifs pouvant relever de près ou de loin du domaine législatif, le Conseil constitutionnel, en autorisant, par ses décisions du 28 mai 2020 et du 3 juillet 2020, les questions prioritaires de constitutionnalité à leur égard, leur a de fait conféré une valeur législative.

Ce revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel met à mal la prérogative première du Parlement, celle de faire la loi. Le Conseil constitutionnel a pris une lourde responsabilité : conférer une valeur législative à des textes qui n’ont jamais été examinés ni votés expressément par le Parlement. Ses juges, qui, rappelons-le, sont des décideurs politiques, ont pris, seuls, l’initiative de revenir sur l’esprit et sur la lettre de la révision constitutionnelle de 2008 et, ainsi, d’abaisser le rôle du Parlement.

Accepter cela serait un rude coup porté à ce qu’il reste de pouvoir à un Parlement déjà bien affaibli par l’inflation législative et par la réduction des droits d’expression.

Comment ne pas constater que la multiplication des ordonnances, c’est-à-dire l’élaboration de la loi en dehors du Parlement, est une étape dangereuse vers un changement progressif de régime, vers une présidentialisation totale de nos institutions ?

Nous avons évoqué une véritable monarchie présidentielle, que le mode de gestion solitaire de la crise sanitaire a confirmée. L’utilisation à l’excès des ordonnances, héritières des ordonnances royales ou des décrets-lois de la IIIe République, confirme cette dangereuse tentation.

La proposition de loi constitutionnelle de M. Sueur et du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, revisitée avec son accord par le rapporteur, va dans le bon sens.

M. Philippe Bas, rapporteur. Merci !

Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le rapporteur, il fallait limiter le délai d’habilitation et vous l’avez fixé à douze mois. Il fallait établir la caducité totale d’une ratification expresse au bout de dix-huit mois ; c’est un élément très important et vous l’avez fait.

Oui, il fallait raccrocher la pratique des ordonnances à la déclaration de politique générale originelle, mais le maintien de la référence floue au programme et l’accord d’exception, au nom de l’urgence, limitent tout de même un peu la volonté que vous affichez.

Vous êtes bien placé, monsieur le rapporteur, pour savoir qu’au nom de l’urgence – l’état d’urgence actuel le montre – beaucoup de décisions peuvent être prises et introduites dans le droit commun.

Le travail commun de M. Sueur et de la commission des lois a permis des avancées importantes, qui sont de nature à limiter la frénésie ordonnancière du Gouvernement.

C’est pourquoi nous voterons en faveur de ce texte.

Les dernieres interventions

Lois Ce texte est un patchwork de mesures diverses et trop limitées

Réforme de l’adoption (nouvelle lecture) - Par / 26 janvier 2022

Lois Faisons d’abord le bilan du passe sanitaire

Passe vaccinal : article additionnel avant l’article premier - Par / 11 janvier 2022

Lois Une société du contrôle permanent

Responsabilité pénale et sécurité intérieure : conclusions de la CMP - Par / 16 décembre 2021

Lois Avant d’élargir l’électorat, attachons-nous à rapprocher le politique des électeurs actuels

Nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans - Par / 9 décembre 2021

Lois Nous avons un devoir de mémoire

Commémoration de la répression d’Algériens le 17 octobre 1961 : article premier - Par / 9 décembre 2021

Lois Nous sommes incapables, encore aujourd’hui, de savoir combien il y eut de morts

Commémoration de la répression d’Algériens le 17 octobre 1961 : article premier - Par / 9 décembre 2021

Lois Un crime d’État

Commémoration de la répression d’Algériens le 17 octobre 1961 - Par / 9 décembre 2021

Lois L’homosexualité n’est pas une maladie

Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle - Par / 7 décembre 2021

Lois Une justice manquant cruellement d’ambition

Confiance dans l’institution judiciaire : conclusions de la CMP - Par / 18 novembre 2021

Administration