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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une rupture d’égalité sur le sol français

Délai d’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à Mayotte -

Par / 14 février 2019

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une erreur de coordination intervenue lors de l’examen de la loi Asile et immigration a harmonisé sur l’ensemble du territoire le délai de saisine de deux jours du juge des libertés et de la détention pour les personnes placées en centre de rétention administrative. Pour une fois, l’impair allait dans le bon sens, puisqu’il mettait fin au délai spécifique inique de cinq jours jusque-là en vigueur à Mayotte.

L’objet de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui vise justement à réinstaurer cette rupture d’uniformité du droit sur le sol français, en réintroduisant ce délai de cinq jours à Mayotte. Mes chers collègues, ce texte n’a qu’un seul objectif, celui d’éloigner de leur juge les personnes enfermées et de les priver d’un contrôle judiciaire, ce qui aboutit à violer l’article 66 de la Constitution…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. C’est exagéré !

Mme Esther Benbassa. … que je souhaite rappeler ici : « Nul ne peut être arbitrairement détenu ».

Le motif de la pression migratoire est l’argument principal utilisé pour justifier cette différence de traitement et de droit dans le département de Mayotte. Certes, elle est très importante, nous le reconnaissons. Toutefois, c’est au nom de l’ordre public que le rôle du JLD est entravé. Ce recours ne devrait pourtant pas être une option, mais bien une obligation constitutionnelle et un droit effectif.

De mes dernières visites dans des centres de rétention administrative en Île-de-France, notamment à celui du Mesnil-Amelot il y a quinze jours, je retiens le constat de conditions matérielles indignes, de l’existence de mutineries et de mutilations et d’une gestion administrative très autoritaire qui laisse les personnes retenues sous-alimentées et sans suivi médical digne de ce nom. Dès lors, et du fait de la pression migratoire qui est celle de Mayotte, je n’ose imaginer les conditions de rétention dans lesquelles se trouvent les étrangers qui atteignent le sol mahorais. Ce département représente à lui seul 43 % des placements en rétention en France. Parmi eux, plus de 4 000 enfants sont chaque année enfermés et expulsés dans des conditions qui ne permettent même pas aux agents de vérifier leur véritable pays d’origine et leur identité réelle. Le placement systématique des personnes arrivant dans les centres de rétention et la soustraction à leurs droits légitimes constituent une préoccupation partagée tant par Adeline Hazan que par la CNCDH.

Nous le savons, le maillage rudimentaire des services publics et la pauvreté des infrastructures dans ce département constituent un frein à l’accueil des personnes étrangères. Bien plus grave encore, les populations immigrées de Mayotte ont une très faible connaissance de leurs droits : la Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, a rapporté que la possibilité d’effectuer une demande d’asile ne leur était même pas notifiée par les agents mahorais. Comment justifier le rallongement inscrit dans cette proposition de loi, alors que les conditions de détention à Mayotte sont inhumaines et dégradantes ?

Les principes de la République ont été suffisamment mis à mal par la suppression du droit du sol à Mayotte – des personnes se retrouvent étrangères dans leur pays natal ! – pour ne pas avoir à créer une spécificité supplémentaire dans cette île. Nous demandons donc à ce que la politique migratoire en outre-mer soit respectueuse des droits de l’homme et ne déroge pas aux règles élémentaires qui devraient bénéficier à tout être humain, à savoir des garanties procédurales contre les mesures privatives de liberté afin de limiter les éventuels agissements arbitraires d’une administration qui se croit parfois surpuissante pour décider du sort et de l’avenir des personnes migrantes.

Rappelons également que les alternatives à la rétention existent et qu’elles sont prévues par le CESEDA et par la directive Retour du 16 décembre 2008.

Mes chers collègues, ne laissons pas Mayotte seule et isolée face à la gestion d’un flux migratoire si important ! L’État doit renforcer les moyens et mobiliser du personnel de justice dans ce territoire au lieu d’instaurer un droit à géométrie variable. Ce choix n’est pas digne de notre République et je m’y oppose avec force, ainsi que le groupe CRCE.

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