Les communiqués de presse
Une avancée incomplète vers la protection des travailleurs ubérisés ... mais de l’espoir
La requalification en salariat au coeur des débats -
Par Pascal Savoldelli / 17 mars 2021Aux Pays-Bas, en Italie, au Royaume-Uni ou en Espagne… le marteau du juge est tombé. Et il est très clair : il existe bel et bien un rapport de subordination entre les plateformes numériques de travail – comme Uber, Deliveroo… - et ses travailleurs, dits indépendants. Derrière cette notion d’« indépendance » se cache le fait qu’ils sont en réalité soumis à des directives, des contrôles et de potentielles sanctions de la part de ces plateformes.
Celles et ceux que l’on appelle travailleurs indépendants mais économiquement dépendants, ne bénéficient donc ni de l’autonomie de ce statut, ni de la protection sociale du salariat, tout en subissant les inconvénients des deux. Il existe pourtant une option très simple : celle que nous avions défendue en juin 2020 au Sénat, avec notre proposition de loi n°717 proposant d’intégrer cette activité dans le livre 7 du Code du travail, afin de bénéficier d’une autonomie dans le salariat. Celle-ci n’avait pourtant obtenu le soutien concret d’aucun autre groupe politique, les droites votant contre, et le groupe Socialistes et Républicains s’abstenant.
Aujourd’hui, Uber annonce en Grande-Bretagne que ses travailleurs·es passeront sous le statut de « workers », leur permettant d’accéder à davantage de droits sociaux que s’ils étaient travailleurs indépendants. Il s’agit d’une avancée certes, mais d’une avancée incomplète car elle ne permet pas d’appliquer toute la législation sociale aux chauffeurs. Cette concession est donc stratégique pour Uber, qui espère encore faire émerger un pseudo tiers statuts pour ses travailleurs, aux airs de droit du travail mais en pratique bien loin des responsabilités que ce doit lui imposerait. Rappelons que, à l’instar de ce qu’elle a fait en Californie, Uber prépare en outre une vaste campagne de lobbying à l’échelle européenne, pour soutenir partout en Europe, l’option d’un tiers-statut que les plateformes pourraient adapter à leur convenance, et ce au détriment des droits des travailleurs. C’est pourtant une piste on ne peut plus dangereuse, pourvoyeuse d’insécurité et d’illisibilité juridique, l’a également reconnu le rapport de la mission Frouin en France, mandatée par le Premier ministre.
Tout est fait pour éviter ce que les cours de justice affirment aujourd’hui haut et fort : les travailleurs ubérisés sont subordonnés et doivent donc bénéficier de la protection afférente. Notre proposition de loi résonne d’autant plus aujourd’hui qu’elle est confirmée par nombre d’instances juridiques comme la meilleure voie à suivre. Nous espérons donc vivement que les différentes forces politiques comprendront enfin son bienfondé.