Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Faisons de ce service civique un outil qui permette réellement la mixité sociale

Service civil : volontaire ou obligatoire ? -

Par / 5 mars 2015

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République a annoncé, en novembre 2014, un « élargissement » du service civique pour aboutir finalement, à la fin du mois de janvier, à la suite des dramatiques attentats, à l’idée d’« un service civique universel » afin de répondre au souhait de renforcer l’éducation à la citoyenneté.

Entre ces deux annonces, beaucoup de questions se posent. Ce service sera-t-il fondé sur le volontariat ou sera-t-il obligatoire ? Quelle sera sa durée ? À partir de quel âge s’appliquera-t-il ? Et surtout, quelle sera son utilité ?

Tout d’abord, faire évoluer ou compléter le dispositif ne peut s’envisager sans évaluer le service civique tel qu’il est aujourd’hui mis en œuvre, et ce dans tous ses aspects.

À propos de la perception qu’ont les jeunes du dispositif actuel, ma collègue Éliane Assassi a fait référence au sondage TNS-SOFRES de juillet 2014. S’il en ressort que de nombreux jeunes affirment avoir acquis une ouverture au monde, de la confiance en eux et envers les autres, et donc se sentent des citoyens plus actifs et plus impliqués, il n’en demeure pas moins que cette perception diffère en fonction du niveau d’études. Si les jeunes diplômés en recherche d’emploi abordent le service civique comme un tremplin ou comme une nouvelle expérience professionnelle, le constat est beaucoup plus nuancé pour les jeunes les moins diplômés, ce qui est en contradiction avec l’objectif initial du service civique.

Concernant l’analyse des structures d’accueil – associations, collectivités et services publics –, il apparaît que de nombreux jeunes ayant effectué un service civique au sein d’une association s’engagent et s’impliquent par la suite au sein même de l’association. Le service civique peut même déboucher sur un emploi dans la structure d’accueil.

De nombreuses associations estiment cependant qu’une durée minimum s’impose pour que les objectifs du service civique puissent être atteints. Une durée de six mois est souvent avancée, ce qui signifie que deux à trois mois seraient inappropriés. En outre, si l’encadrement n’est pas suffisant et si le jeune est peu autonome, le service civique peut conduire à un sentiment de déshérence et d’abandon.

Il apparaît également, et cela est confirmé par le rapport de la Cour des comptes de février 2014, que certains jeunes ont une mauvaise perception du service civique, assimilé à un contrat d’insertion parmi d’autres, pour faire face au chômage. En conséquence, ces jeunes peuvent exprimer un sentiment de déception quant aux bénéfices retirés de leur engagement. Ce constat vise particulièrement les moins formés d’entre eux.

Certaines structures sont d’ailleurs réticentes à accueillir des jeunes peu qualifiés, car cela nécessite un encadrement renforcé. On relève, par exemple, une faible mobilisation des collectivités territoriales en matière d’accueil de jeunes en service civique. Certaines collectivités méconnaissent même ce type de contrat.

Au moment où est envisagé un élargissement notable de l’accès au service civique, et si l’ambition est de faire du service civique un service universel, nous devons nous donner les moyens de cette ambition et réfléchir à un projet de qualité, vecteur de réussite pour les jeunes. Voilà pourquoi le dispositif doit être nettement amélioré.

La finalité première du service civique doit consister à valoriser l’adéquation entre le projet des jeunes et la mission proposée. Cette construction avec et par les jeunes d’un véritable parcours est déterminante dans la réussite du service civique, particulièrement pour celles et ceux qui sont les plus en difficulté. Or cette nécessaire construction, cette recherche d’adéquation pourraient être mises à mal dans le cadre de l’élargissement du dispositif tel qu’envisagé.

Diminuer sa durée à trois mois risquerait également de favoriser l’assimilation du service civique à un simple stage de découverte, ce qui entraînerait de la part des jeunes une implication moindre et exigerait la multiplication des missions proposées. De plus, ainsi raccourci, le service civique pourrait perdre ses objectifs d’insertion et de formation, par abandon de la notion de « projet » et diminution de la qualité des missions.

Par ailleurs, se pose aujourd’hui la question des instances de coordination, de référence, de formation et d’encadrement.

Les réponses, dans ce domaine, sont inégales. Certaines structures sont missionnées pour effectuer cet accompagnement, mais elles manquent de moyens pour l’étendre et le généraliser auprès de l’ensemble des jeunes en service civique. Un élargissement et donc une augmentation du nombre de services civiques ne peuvent en conséquence s’imaginer sans prévoir les réponses nécessaires, notamment en moyens humains pour les structures qui coordonnent et qui bénéficient d’agréments dans nos territoires.

Enfin, il faut traduire ces ambitions en termes budgétaires et non faire du service civique un service bénévole. Agir autrement serait se méprendre totalement sur la définition de l’acte bénévole, qui relève du choix volontaire de l’individu, et non d’un dispositif et d’une réponse de la société, si généreux soient-ils.

J’apporterai enfin un dernier éclairage concernant le service civique : celui de son ouverture européenne ou internationale.

De plus en plus de jeunes souhaitent être informés et s’engager pour effectuer des missions à l’étranger, en Europe et, plus globalement, dans le monde. Les opportunités à cet égard sont aujourd’hui marginales et sont l’expression de grandes inégalités : les jeunes qui effectuent leur service civique à l’étranger sont plus âgés et, encore une fois, plus fortement diplômés.

À l’étranger plus encore que sur le territoire, la question de l’encadrement est inéluctable. Faute d’accompagnement structuré, ce sont les inégalités sociales qui se creusent. Il faut donc imaginer un accompagnement plus fort encore concernant les projets internationaux. Il s’agit de véritables chances pour les jeunes. Pourquoi les collectivités ne développeraient-elles pas des actions transversales dans le cadre de leurs coopérations décentralisées ou de leurs jumelages ?

En conclusion, tâchons de multiplier ces opportunités pour le plus grand nombre de jeunes. Faisons de ce service civique un outil qui permette réellement la mixité sociale, sans qu’il soit pour autant l’unique réponse en faveur de l’éducation à la citoyenneté. La formation et la lutte contre le chômage des jeunes appellent des réponses beaucoup plus appropriées.

La Nation se doit d’être à la hauteur de cette ambition en s’assurant des moyens humains et budgétaires nécessaires afin de garantir les objectifs du service civique, de développer l’implication citoyenne des jeunes et leur insertion dans la société, dans des conditions matérielles et humaines favorables.

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