Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

L’action des pouvoirs publics à un échelon national est paralysée

Lutte contre la prolifération du frelon asiatique -

Par / 8 février 2012

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Nicole Bonnefoy d’avoir saisi le Sénat de la question de la prolifération du frelon asiatique.

Je ne reviendrai pas sur les causes de l’introduction en France de cette espèce nouvelle ni sur les modalités des attaques particulièrement virulentes dont sont victimes les abeilles et d’autres insectes. Tout cela est connu et a été très bien décrit par Mme Bonnefoy.

Avant de poser quelques questions précises pour tenter ensuite d’apporter des réponses concrètes aux apiculteurs et aux élus sur le terrain, je voudrais insister sur l’importance du rôle des abeilles.

Indispensables à la pollinisation des fleurs, les abeilles constituent, nous le savons tous, un maillon essentiel de la chaîne qui contribue à maintenir l’équilibre des écosystèmes. Elles jouent un rôle primordial dans les diverses phases de la vie de nombreuses espèces végétales et animales. L’abeille mellifère est le seul insecte dont l’homme consomme la production : miel, pollen, propolis, gelée royale, cire.

Il est donc primordial de prendre la mesure des atteintes qui leur sont portées, que ce soit par le frelon asiatique ou par l’homme, à travers, par exemple, l’emploi de pesticides ou le développement de la monoculture.

Aujourd’hui, nous avons le sentiment que l’on ne veut pas vraiment saisir la question dans toute son ampleur. Peut-être ne sait-on pas, ou même ne veut-on pas combattre ? Or le péril existe.

L’évaluation des dangers sera donc le premier point sur lequel j’aimerais avoir des éclaircissements.

Le ministère de l’agriculture, dans les réponses apportées aux nombreuses questions parlementaires portant sur le sujet, explique que la pérennisation du réseau de surveillance de l’implantation et de l’extension du frelon asiatique est confiée au Muséum national d’histoire naturelle. Or les scientifiques peu nombreux qui travaillent sur ce sujet – ils ne sont que trois ou quatre – sont hostiles au piégeage des femelles fondatrices, ainsi qu’au piégeage autour des ruches non attaquées. Ils considèrent qu’une « lutte irraisonnée contre une espèce invasive peut conduire à son installation ». Nous constatons, pour notre part, que ne rien faire est le plus sûr moyen de voir le frelon asiatique coloniser l’ensemble de la France ! (Mme Nicole Bonnefoy acquiesce.)

M. Roland Courteau. C’est sûr !

Mme Évelyne Didier. Le développement des techniques de lutte a été confié à l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation, ou ITSAP, créé en mars 2010. Faute de moyens, l’ITSAP délègue cette activité au Muséum national d’histoire naturelle. L’Institut national de recherche agronomique, l’INRA, quant à lui, ne mobilise qu’une ou deux personnes sur ce dossier.

Qui a tort ? Qui a raison ? La controverse existe, cela a été rappelé. Nous constatons, en tout état de cause, que l’action des pouvoirs publics à un échelon national est paralysée et que chacun, élu ou apiculteur, se débrouille comme il peut pour tenter de régler les problèmes qui se posent.

La réalité est pourtant préoccupante. Les frelons sont présents, on le sait, dans plus de 50 % des départements français métropolitains, et le front d’invasion progresse de 70 à 100 kilomètres par an. Leur nid se fait à partir d’une seule femelle, et une attaque décime des ruches entières d’abeilles. Depuis 2007, en Gironde, région touchée précocement par ce fléau, 71 apiculteurs familiaux ont disparu. Et eux ne reviendront pas !

Le frelon asiatique a été responsable d’une dizaine de morts dans ce département. Les accidents se multiplient parce que le frelon devient très agressif lorsque l’on s’approche de son nid, qui se trouve souvent dans des endroits inattendus ou surprenants. Il serait utile que, outre les centres antipoison, les hôpitaux soient aussi associés au recensement des accidents et des décès imputables au frelon asiatique.

Je voudrais ensuite évoquer les propositions avancées par les ministères de l’agriculture, d’une part, de l’écologie et du développement durable, d’autre part.

Le ministère de l’agriculture a assuré que « la préservation des populations d’abeilles en France fait partie des sujets importants ». Tant mieux ! Mais c’est bien le ministère de l’écologie qui propose de classer le frelon asiatique parmi les organismes nuisibles, affirmant dans un communiqué de presse en date du 22 décembre 2011 que ce même ministère travaille « depuis plusieurs semaines à son éventuelle inscription dans le code rural et de la pêche maritime ».

Notre première question est la suivante : pouvez-vous nous préciser quel ministère et quelle direction, à l’intérieur de celui-ci, suivent vraiment le dossier ?

J’en viens au deuxième point de mon intervention. Si nous souscrivons complètement aux critiques opposées au classement du frelon asiatique parmi les espèces nuisibles au titre du code de l’environnement, son classement au titre des organismes nuisibles pose un problème. En effet, la nuisance créée par le frelon asiatique est jugée au regard des dommages qu’il cause aux cultures, notamment fruitières. De fait, les abeilles sont oubliées, écartées de l’analyse. On retient le seul aspect économique, en omettant de parler de la biodiversité. Si la solution proposée par le ministère de l’écologie est intéressante, de par la célérité de mise en œuvre qu’elle pourrait offrir, nous aurions préféré que soit créée une nouvelle catégorie de prédateurs, en plus des parasites ou des maladies, qui sont susceptibles de mettre en danger une espèce animale.

Le troisième point sur lequel j’aimerais avoir plus d’informations concerne les réponses concrètes que le Gouvernement apportera, notamment en matière de piégeage, une fois les frelons classés parmi les organismes nuisibles. Pour les apiculteurs, le piégeage au printemps des femelles reproductrices est très important, ce qui n’est pas du tout l’analyse du Muséum national d’histoire naturelle. Les scientifiques considèrent que les pièges qui ne sont pas sélectifs portent une atteinte trop importante à d’autres espèces. Cette analyse est à relativiser quand on sait que le frelon asiatique, qui n’a pas de prédateurs, compromet non seulement la survie de nombreuses colonies d’abeilles, qu’elles soient sauvages ou non, mais qu’il se nourrit également d’autres insectes et notamment de butineurs. C’est donc l’ensemble des pollinisateurs qui risquent d’être affectés, ce qui ne va pas sans compromettre de nombreuses productions fruitières et agricoles.

De plus, le piégeage précoce a montré son efficacité dans la pratique. Le département de la Dordogne, premier département à avoir participé à la lutte contre les fondatrices par des pièges systématiques mis en place par les communes et les communautés de communes, a vu le nombre de nids présents sur son sol considérablement diminuer. Cependant, il est important qu’un plan de lutte soit organisé au niveau national, afin de contrôler la prolifération et d’éviter de déplacer le problème. On peut également imaginer que soient organisées des formations pour les agents communaux au sein de chaque département.

J’en arrive au quatrième point de mon intervention. Il nous semble utile d’associer les particuliers à la lutte contre le frelon asiatique.

Cela suppose une bonne information. Du matériel existe déjà : l’Union nationale de l’apiculture française a publié un hors-série très explicite en mars 2010 (L’orateur brandit un document.). La région Île-de-France a également développé une plaquette.

Cela suppose qu’on ne confie pas aux particuliers la charge de financer la destruction des nids, qu’on ne les laisse pas seuls face à leur découverte. Des groupements bénévoles de défense sanitaire des abeilles, tout comme les apiculteurs, se sont équipés pour détruire les nids, mais ce n’est pas suffisant. Les services de sécurité civile, très diminués, notamment du fait de la mise en place de la révision des politiques publiques, n’interviennent qu’en cas de danger immédiat pour la population dans le domaine public.

Les particuliers, notamment en raison du prix, ont souvent le réflexe d’appeler les services communaux, qui se trouvent alors démunis. Il est donc nécessaire que le Gouvernement présente un plan cohérent de destruction des nids ou du moins de lutte contre la prolifération du frelon asiatique.

M. Roland Courteau. En effet !

Mme Évelyne Didier. S’agissant du financement, nous aimerions savoir comment le Gouvernement a prévu d’indemniser les apiculteurs qui ont perdu leur rucher afin qu’ils puissent rétablir leur activité.

Enfin, un projet de recherche devrait être engagé afin d’améliorer les pièges et d’explorer des pistes nouvelles. Je pense notamment à une action sur les phéromones pour permettre une lutte conventionnelle par confusion sexuelle.

Les élus et les apiculteurs attendent beaucoup de ce débat, madame la ministre. Il est urgent de mettre en place une lutte coordonnée, afin de limiter très fortement la prolifération de cet insecte avant que le point de non-retour ne soit atteint. J’espère que vous nous apporterez les réponses nécessaires.

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