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Les débats

L’évasion et la fraude fiscales semblent l’apanage de ceux, entreprises ou particuliers, qui ont beaucoup d’argent, de biens et de patrimoine à soustraire à la juste rigueur du fisc

Evasion fiscale -

Par / 3 octobre 2012

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite bien entendu exprimer la légitime satisfaction de notre groupe d’avoir vu ce sujet, hautement politique, et même hautement éthique, au regard de nos valeurs républicaines profondes, dont font notamment partie le paiement de l’impôt, la participation aux charges publiques en fonction de ses capacités et le contrôle de la qualité de l’utilisation de l’impôt versé, d’avoir vu ce sujet, disais-je, traité en 2012 – enfin, serais-je tenté de dire ! – dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire. En effet, nos prédécesseurs du groupe communiste et apparentés, au début des années soixante-dix, avaient fait la même proposition, qui n’avait pas alors été retenue par la majorité du Sénat. Il s’agit donc, vous en conviendrez, d’une exigence ancienne !

Nous ne pouvons, par conséquent, que nous féliciter de la mise en place de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux hors de France et ses incidences fiscales, du déploiement de son activité et de l’extrême foisonnement du résultat de ses travaux. Même si, pour ma part, je n’ai pas pu m’associer autant que je l’aurais souhaité à son action, je tiens ici à apporter mes plus vifs remerciements à son rapporteur, mon ami et collègue Éric Bocquet, à son président, notre collègue Philippe Dominati, ainsi qu’à l’ensemble des membres de la commission, qui ont fait preuve de ténacité, de sagacité et, souvent, d’à-propos dans le cadre tant des déplacements que des auditions menées par la commission. J’y associerai aussi les fonctionnaires concernés, car je sais que, sans eux, il est toujours difficile de mener ce type de travail.

Nous sommes en présence d’une source d’informations de première qualité, dont nous ne pourrons pas épuiser toutes les potentialités, que ce soit dans le cadre de ce débat d’étape ou dans celui des débats budgétaires et financiers qui nous occuperont cette année.

Je suis d’accord avec Éric Bocquet pour dire que nous ne sommes qu’au début de quelque chose et que le travail accompli n’est encore qu’une partie de ce qu’il reste à faire.

Pourtant, il me semble qu’il nous faut dès à présent tirer parti de ce travail. Il serait dommage qu’il ne soit pas suivi d’effets, notamment en trouvant une traduction législative.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

Mme Marie-France Beaufils. L’« affaire Arnault », avec les intentions plus ou moins déclarées de l’actuel P-DG de Louis Vuitton de faire sa valise pour aller, si j’ose dire, poser son sac en Belgique (Sourires.), a au moins révélé la particulière sensibilité des Français au principe d’égalité devant l’impôt. Cela peut nous aider dans ce travail législatif à mener.

Au-delà des compétences et des qualités de l’intéressé, la question qui nous est posée est bien celle-ci : est-il normal qu’une personne ayant largement bénéficié de l’effort collectif de formation, ne serait-ce que pour ses personnels, des infrastructures de transport, réalisées avec l’argent public, des incitations fiscales à l’investissement dans certains cas, puisse considérer comme légitime de s’abstenir de participer aux charges publiques à raison de ses facultés ?

Bernard Arnault est peut être la première fortune de France, mais il est vite apparu à la grande majorité de nos concitoyens que cela ne lui donnait en aucune manière le droit de se dispenser d’apporter sa contribution aux efforts communs.

Comme le disait notre collègue Yvon Collin, cette affaire a bien montré la nécessité de travailler à une harmonisation fiscale à l’échelon européen.

Je le répète, les Français ont une claire conscience des exigences de justice fiscale, une justice dont ils attendent, notamment, qu’elle tende à corriger les inégalités sociales, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles ont été plutôt dynamisées ces dernières années.

Cette sensibilité de l’opinion à l’équité fiscale doit, à mon avis, constituer le fil rouge et la raison même de notre action législative dans les mois à venir.

La commission d’enquête a permis de révéler l’amplitude, la complexité, la diversité de l’ensemble des problématiques de dépense fiscale, d’évasion et d’optimisation. Il est devenu évident, au fur et à mesure des travaux de la commission, que ces domaines avaient connu un certain développement au cours des dernières années.

Une de nos collègues faisait état tout à l’heure de la nécessité d’informer et d’expliquer. À cet égard, je voudrais saluer ici un travail très important, qui mérite sans doute d’être mieux connu : il s’agit d’un documentaire réalisé par la chaîne de télévision Arte et présenté hier soir qui avait pour thème la City, présentée comme malade de la finance. Il décrit notamment la façon dont s’est mis en place le système des subprimes. Je crois que nous ne sommes pas en mesure de relayer cette information avec la même amplitude que la télévision. Il me semble d’ailleurs que c’est là un élément à prendre en compte dans le débat sur le financement des projets audiovisuels, que nous évoquions justement ce matin en commission des finances.

Avec ce rapport, la fraude aux allocations sociales, dont certains se firent un temps les dénonciateurs implacables – je pense ici à la stigmatisation des présumés fraudeurs à l’aide médicale d’État -, a pris un « coup de vieux » devant l’ampleur de ce qui a été découvert sur les montages financiers et juridiques en vigueur dans certains groupes, adeptes du « sandwich hollandais », du « double irlandais » ou des carrousels de TVA. Les sommes en jeu y sont autrement plus importantes et les méthodes de dissimulation bien plus sophistiquées !

L’un des constats essentiels de la commission d’enquête sénatoriale est bel et bien là : l’évasion et la fraude fiscales semblent l’apanage de ceux, entreprises ou particuliers, qui ont beaucoup d’argent, de biens et de patrimoine à soustraire à la juste rigueur du fisc.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Marie-France Beaufils. N’allez pas penser que nous assisterions à un retour des « deux cents familles », symbole des années trente, mais le fait est que la croissance des inégalités entre ménages, les différences de traitement entre les entreprises du point de vue fiscal ont connu ces dernières années une telle vigueur qu’il nous faudra bien, lors de nos prochains débats budgétaires, en tirer les conclusions pour mettre fin à ces dérives et revenir à des pratiques plus équilibrées.

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Marie-France Beaufils. Le projet de loi de finances pour 2013 peut d’aller dans ce sens, en faisant porter une part importante de l’effort de redressement des comptes publics sur les revenus les plus élevés et les entreprises les plus importantes. Le Gouvernement a également décidé de s’intéresser à certaines conventions signées avec des États européens voisins. Mais nous savons que ce sont plus de cent vingt conventions fiscales qu’il nous faudra dénoncer pour contrecarrer l’évasion et la fraude fiscales.

Modifier nos règles et faire de la justice fiscale la règle d’or de nos choix en matière de recettes va de pair avec une réorientation de nos dépenses publiques, laquelle peut et doit, en principe, justifier de dépenser moins ici et plus ailleurs. Le changement attendu par nos compatriotes prendra alors tout son sens.

Le rapport de la commission d’enquête porte à la connaissance de l’ensemble des parlementaires et, progressivement, du public, une bonne part des enjeux du débat sur les finances publiques, conditionnant par là même le sens que nous entendons donner à l’action publique dans notre pays.

Nous disposons, avec les recommandations de la commission, d’un certain nombre d’outils pour améliorer sensiblement les recettes fiscales, bien assez, sous certains aspects, non seulement pour répondre en partie à l’objectif de réduction des déficits, mais aussi pour penser et repenser l’action publique, les dépenses publiques devant redevenir le vecteur de la croissance qu’elles ont été maintes fois dans l’histoire économique du pays.

Si nous voulons, dans les années à venir, réduire les déficits publics et retrouver la voie d’une croissance responsable et durable, nous devrons bel et bien allier justice fiscale et nouvelles dépenses publiques. J’insisterai tout particulièrement sur la nécessité absolue de mettre à la disposition des services de l’État concernés les moyens, notamment en personnels, d’agir efficacement dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Mme Odette Herviaux. Très bien !

M. Guy Fischer. Exactement ! Revoyons la RGPP !

Mme Marie-France Beaufils. Toute autre voie nous conduirait à l’échec dans ce domaine !

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