Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

La pêche doit reposer sur un développement humain durable et un respect des ressources halieutiques

Politique commune de la pêche -

Par / 12 juillet 2012

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui s’inscrit dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche et fait suite aux propositions de résolutions adoptées par la commission des affaires économiques, la commission des affaires européennes et la commission du développement durable.

Le groupe de travail auquel j’ai eu le plaisir de participer a unanimement critiqué les propositions de la Commission européenne. Je constate qu’un même consensus positif ressort de nos débats et que la France défendra une approche plus équilibrée de la politique de la pêche, conciliant emploi et préservation des ressources halieutiques, et toujours aussi intransigeante sur l’interdiction de l’appropriation privée des ressources collectives.

Au-delà de l’Europe, nous devrons également être vigilants à la prise en compte de ces problématiques au niveau international. La conférence « Rio+20 » a défendu l’idée d’une gouvernance internationale de la haute mer ainsi que la nécessité de favoriser une pêche durable et responsable et de garantir un accès aux ressources de la mer aux pêcheurs artisanaux, notamment aux peuples indigènes. Cependant, le secteur des pêches est largement happé par la mondialisation économique et les instruments à caractère incitatif ou marchand promus par l’Organisation mondiale du commerce, qui restent des obstacles majeurs.

Dans son avis du 24 janvier 2012, le Conseil économique et social et environnemental note : « La production annuelle de la pêche communautaire, en diminution constante depuis trente ans, se situe aujourd’hui autour de 5 millions de tonnes, soit seulement 6 % des captures mondiales, alors qu’elle se situait à environ 7 millions de tonnes en 1995. On peut noter parmi les causes de cette baisse la diminution de la ressource, mais aussi la limitation des droits de prélèvements européens, ce que n’ont pas nécessairement mis en œuvre les pays tiers ».

Dans ce contexte, la Commission européenne propose, au nom des enjeux environnementaux existants, de sacrifier encore les enjeux économiques et sociaux de nos territoires en privatisant les ressources et les espaces marins et en renforçant encore sa politique de réduction de la flottille.

Au prétexte de l’urgence écologique, elle ignore l’urgence sociale et, ce faisant, conduit une politique de concentration de l’activité au détriment de la pêche artisanale, politique dont les effets sur la faune et la flore marines sont dévastateurs.

C’est pourquoi nous sommes fermement opposés à la mise en place d’un système de concession de pêches transférables : ce système ne satisfait ni les professionnels du secteur, ni les associations environnementales et présente l’inconvénient de concentrer encore le secteur de la pêche vers la pêche hauturière et industrielle.

Nous sommes favorables à ce que les totaux admissibles de capture soient définis dans le but d’atteindre le rendement maximal durable.

Cependant, la proposition de la Commission européenne, selon laquelle cet objectif doit être rempli en 2015 pour tous les stocks, ne nous semble pas raisonnable.

D’une part, les données scientifiques sur l’évaluation des stocks sont partielles et donc incertaines. D’autre part, au regard des impacts sociaux d’une telle mesure – 50 % des pêcheries seraient menacées de fermeture –, il est essentiel de s’assurer que les pays tiers qui pêchent dans les mêmes zones soient soumis à des contraintes équivalentes.

En ce qui concerne l’interdiction des rejets, il est bien évident que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Cependant, les prises accessoires, en l’état des techniques et des engins, sont inéluctables ; elles sont également difficilement contrôlables sur les navires.

C’est pourquoi nous avons préconisé, dans la proposition de résolution, une réduction progressive des rejets à travers la mise en place d’instruments de pêche plus sélectifs.

Dès lors se pose la question des moyens offerts au renouvellement de la flotte.

Or, face au vieillissement de la flotte de pêche européenne – 27 ans en moyenne –, la Commission européenne souhaite encore réduire les aides à la modernisation et au renouvellement. En particulier, il est nécessaire de redonner une place centrale à la pêche artisanale, qui joue un rôle économique important dans nos territoires et crée davantage d’emplois par tonne de poisson débarquée que la pêche industrielle.

En Bretagne, la pêche et l’aquaculture représentent 15 000 emplois directs et 2 500 entreprises. La pêche côtière est un atout pour la vie économique et touristique des côtes. La région soutient la modernisation de la flotte et l’acquisition d’outils performants ; elle accorde des aides pour l’installation de jeunes patrons pêcheurs et ces démarches doivent être confortées financièrement et politiquement par l’Europe. L’an dernier, les effectifs des quatre lycées maritimes de Bretagne ont augmenté de 6 % : les besoin existent et nous devons adapter les filières de formation afin de répondre aux évolutions technologiques et de développer la qualité de l’emploi de marin.

Ce constat me conduit à réaffirmer notre attachement à l’introduction d’un volet social dans la réforme de la politique commune de la pêche. Nous remercions les sénateurs du groupe de travail d’avoir adopté notre amendement précisant que « la politique commune de la pêche contient un volet social prévoyant l’harmonisation par le haut des conditions de travail des marins pêcheurs à bord des navires et de leur protection sociale ».

En effet, le texte initial de la proposition faisait mention de critères minimaux d’harmonisation des conditions de travail alors qu’il est essentiel pour les travailleurs, leur bien-être et leur sécurité, d’encourager un alignement de tous sur les standards les plus élevés. Nous avons également souhaité élargir le champ de cette recommandation, au-delà des conditions de travail, à la protection sociale des marins.

Le secteur de la pêche connaît des phénomènes de dumping social, y compris entre pays européens, avec l’utilisation de pavillons de complaisance. Il convient que le règlement de base sur la politique commune de la pêche soit ambitieux dans la lutte contre ce phénomène. Nous avons par ailleurs déposé une proposition de loi pour rendre obligatoire l’inscription au premier registre français des navires exclus du registre international français, ou RIF, et intervenant notamment dans le secteur de la pêche.

Il est également important de ne pas oublier les travailleuses du secteur, « invisibles » comme elles se décrivent elles-mêmes : les femmes de marins qui exercent leur métier dans des fonctions d’administration, de ramendeuses de filet, de vente directe du poisson, de gestion, de livraison. Ces dernières années, des avancées majeures ont été réalisées : obtention d’un statut pour les conjointes de marins pêcheurs ou d’aquaculteurs collaborant à l’activité de leur mari, accès à des emplois jusque-là réservés aux hommes dans la marine marchande, implication dans les structures d’accueil portuaires, dans les organisations professionnelles ou encore dans les collectivités territoriales. Cependant, il est nécessaire d’établir un état des lieux afin de déterminer où l’on peut améliorer l’intégration des femmes au sein des différentes activités de la filière maritime.

Par ailleurs, je voudrais aborder la question de la gestion des criées dans la mesure où elles dirigent la sélectivité des pêches, entraînant notamment le problème des rejets de poissons moins nobles sur le pont et dans les ports. Nous avons demandé et obtenu l’inscription dans la proposition de résolution du vœu que « l’organisation commune des marchés permette de mieux réguler les prix au débarquement en criée, et facilite les débouchés pour l’ensemble des produits pêchés ». Les pêcheurs rejettent parfois ce qu’ils savent ne pas pouvoir vendre en criée. Si l’ensemble des espèces pêchées trouvait un débouché au débarquement, avec un prix minimum garanti par un dispositif d’intervention prévu dans l’organisation commune des marchés, la question des rejets serait largement améliorée.

Aujourd’hui, huit poissons consommés sur dix en Europe sont importés ; or des poissons sont rejetés dans les ports et la grande distribution connaît une perte de 5 % à 10 % dans ses étalages. Pourtant, à la porte des criées, les associations caritatives luttent pour qu’on leur permette d’utiliser les invendus. Nous aurions aimé aborder cette question dans la proposition de résolution afin de répondre aux paradoxes de l’économie de marché – hélas, cela n’a pas été possible. Je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur cette question, car des solutions existent, comme à Saint-Malo, où une association récupère les invendus, les transforme et les destine aux plus démunis.

Enfin, la Commission européenne entend réduire les possibilités d’intervention sur les marchés et remet en cause le stockage, qui reste le meilleur outil de régulation tant en matière de pêche qu’en matière agricole. Les aides au retrait, l’aide au report, l’indemnité compensatoire pour les thonidés seraient supprimées à terme. Nous ne pensons pas que l’on s’engage ainsi dans une bonne voie.

Les sénateurs du groupe communiste défendent une politique de la pêche qui puisse répondre à l’enjeu alimentaire. Ils refusent la concurrence libre et non faussée appliquée au secteur, au service de pavillons de complaisance ou au bénéfice de fonds de pension spéculant sur les quotas de pêche. Le projet de la pêche doit reposer sur un développement humain durable et un respect de la ressource halieutique qui passe, pour nous, par une pêche artisanale relocalisée et modernisée, complémentaire à part entière d’une pêche hauturière également indispensable.

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