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Les débats

La perte de l’emploi industriel en France s’explique par la volonté de dégager des profits en délocalisant la production et la recherche

Filière industrielle automobile -

Par / 9 février 2012

L’industrie automobile joue un rôle particulier au cœur du secteur industriel.

Son poids économique, son impact sur toutes les autres filières, son rôle en tant que productrice d’un bien de consommation de masse, sont autant d’éléments qui en font un des cœurs du développement économique de notre pays.

Pourtant, ces dernières décennies, les gouvernements ont nié l’importance d’une base industrielle forte, choisi d’engager des politiques au service des actionnaires.

A l’heure des bilans, force est de constater que ces politiques libérales sont un échec social, environnemental et économique. Le Président de la République persiste à dire que le grand responsable est le coût du travail, donc les salariés.

Comme l’a démontré ma collègue Eliane Assassi c’est un mensonge.

Le coût du travail est plus compétitif en France qu’en Allemagne et la productivité (PIB/nb heures travaillées) est meilleure en France !

En réalité, la perte de l’emploi industriel en France s’explique - cela se vérifie particulièrement dans l’automobile - par la volonté de dégager des profits en délocalisant la production et la recherche.

Depuis plus de 20 ans, l’industrie automobile contribuait positivement à la balance commerciale. Or depuis 2008-2009, la France est devenue un pays importateur net d’automobiles. Trois groupes d’automobiles – PSA, Renault, Renault Trucks - figurent d’ailleurs parmi les 10 principaux importateurs français.

A l’inverse de l’Allemagne, comme l’a révélé le rapport du Conseil d’analyses économiques de 2008, « performances à l’exportation de la France et de l’Allemagne » : « les grandes entreprises françaises – je cite ce rapport - ont fait le choix d’une implantation et d’une production à l’étranger au détriment de la cohérence et de l’efficacité de la base productive française. »

L’industrie automobile est une parfaite illustration de cette politique, avec des constructeurs qui - je cite toujours ce rapport - « ont le plus souvent choisi de délocaliser dans les pays à bas coût l’ensemble de la production de certains modèles, de telle sorte qu’ils ont, pour la première fois en 2006, produit plus d’automobiles à l’étranger qu’en France ».

Entre 2005 et 2010, la production en France de véhicules particuliers a ainsi reculé de 31% pour PSA et de 53% pour Renault, et respectivement de 38% et 33% pour celle des véhicules utilitaires.

Au prétexte de se positionner sur les marchés émergents, les groupes français produisent dans des pays à bas salaires où les conditions sociales sont moindres et réimportent les véhicules.

La Twingo fabriquée auparavant à Flins, l’est désormais en Slovénie. Même constat pour la « Clio Estate » fabriquée en Turquie et réimportée en France ou encore le « Koléos » réimporté de Corée. La Renault « Latitude » est fabriquée en Corée, alors qu’elle pourrait l’être à Sandouville sur les mêmes lignes que la Laguna 3. Le numéro 2 de Renault, M. Tavares nous explique qu’il construit en France les moteurs les plus performants M9 et R. Mais ce qu’il ne dit pas c’est que le moteur K, le plus monté, est fabriqué, lui, en Roumanie, en Russie.

Parallèlement, Renault organise avec les grands équipementiers leur délocalisation vers les mêmes sites. Le mouvement touche les usines d’assemblages, de mécanique de motorisation ainsi que les fonderies.

L’Etat est premier actionnaire du groupe Renault. Il a donc une responsabilité dans les choix stratégiques du groupe, notamment en tant que membre de son comité stratégique.

Cette délocalisation de notre industrie qui hypothèque l’avenir par la casse de l’emploi, la perte des savoirs faire, des qualifications et la fermeture des sites, s’étend également à la recherche.

Contrairement à l’Allemagne, la France n’a pas développé des liaisons recherche-formation-production suffisantes. Les efforts de recherche et d’innovation dans les entreprises industrielles ont été plus importants en Allemagne.

En annonçant la suppression de 6 800 postes et la destruction de 5 000 emplois d’ici la fin 2012, PSA a pour la première fois frappé en priorité la recherche et développement. 2100 emplois de chercheurs sont concernés et tous les sites de R&D sont touchés : Poissy à Sochaux en passant par le navire amiral, l’Automotive Design Network de Vélizy, la Garenne-Colombes, dans mon département les Hauts-de-Seine.

L’essentiel (1 600) des cadres touchés seront des prestataires. Le groupe PSA explique que les projets de recherche resteront inchangés - je cite - « grâce à une meilleure productivité et aux partenariats noués avec des laboratoires extérieurs ». Cette pression accrue sur les travailleurs est insupportable. Pour le site de R&D de La Garenne-Colombes, selon une enquête du CHSCT, 15% des salariés sont en souffrance.

Interrogé sur la fuite des cerveaux, le PDG de PSA explique qu’il « réorganise » sa R&D en France en reconnaissant supprimer des postes, mais se targue d’investir massivement dans ses centres étrangers. Inauguré en 2008, le China Tech Center de Shangaï va ainsi passer de 450 à 1000 salariés !

Avec la mise en place de plateformes, permettant aux constructeurs de développer conjointement certaines pièces automobiles ou la délégation de la R&D aux équipementiers ; toutes les techniques sont bonnes pour faire du profit à court terme. Ces pratiques sont un désaveu de la politique de Nicolas Sarkozy, qui a massivement subventionné la R&D via le coûteux crédit impôt recherche (5,3 milliards d’euros en 2012), dont PSA est un gros bénéficiaire.

Pour Renault, mêmes constats. Au Technocentre du Guyancourt, le regroupement de tous les sites tertiaires et ingénieries aurait pu suggérer un renouveau. En réalité, les nouveaux projets seront et, sont déjà, en partie développés par des prestataires des sous-traitants de l’entreprise, quand dans le même temps se développent les centres d’ingénieries décentralisés en Roumanie, Amérique du sud, Corée, Inde et bientôt à Tanger où était attendu le ministre. On voit ses préférences. Le groupe finance très peu sa recherche comptant sur les aides publiques de l’Etat ou des collectivités et finalement des contribuables.

De plus, cette politique d’externalisation puis de délocalisation de la recherche, de recours au travail précaire et intérimaire, rend impossible la transmission des savoirs faire. Pour nous, la maitrise sociale de la connaissance est une bataille à mener aussi importante que celle de l’appropriation sociale des moyens de productions et d’échanges. On ne peut plus laisser les actionnaires s’approprier les savoirs faire et les connaissances des salariés. Il faut donc instaurer les outils d’une maitrise par les salariés de la propriété et de l’usage des brevets. Il faut engager un effort massif de formation initiale et continue en faveur des filières scientifique et techniques.

Monsieur le Ministre, il est inadmissible que des groupes qui ont des résultats nets « en temps de crise » de plusieurs milliards d’euros (1,134 milliard pour PSA et 3,49 milliards pour Renault en 2010), des groupes qui ont bénéficié d’un soutien massif de l’Etat en 2009 et 2010, sacrifient les travailleurs pour satisfaire l’appétit sans limite d’actionnaires et de dirigeants. Il est temps de rompre avec les politiques libérales et de remettre la valorisation de l’emploi de toute la chaine industrielle au centre de notre politique industrielle. Les annonces du Président, qui en fin de mandat s’aperçoit qu’il serait utile de créer une banque industrielle, en réalité une filiale d’OSEO, s’inscrivent dans la droite ligne des outils déjà mis en place comme le FSI. Comme vous le savez, en l’absence de contrôle, de conditionnalité des aides, les entreprises dont le FSI a pris des participations ont licencié ou délocalisé.

Vos politiques ont montré leur incapacité à servir l’intérêt général, la valorisation du potentiel industriel de notre pays. Nous proposons une autre mission publique pour les banques faisant reculer la spéculation financière au travers de la création d’un pôle public financier permettant de réorienter les critères du crédit vers la production utile, l’emploi, l’innovation et la révolution écologique.

Nous proposons de supprimer les privilèges fiscaux, notamment les 30 milliards d’euro d’exonération de charges des entreprises et de taxer les revenus du capital au même niveau que ceux du travail.

Nous souhaitons contrôler l’utilisation des aides publiques, et donner de nouveaux droits aux salariés dans les entreprises. D’ailleurs, le 16 février, le groupe CRC défendra au Sénat sa proposition de loi visant à interdire les licenciements boursiers.

Enfin, en vue de relocaliser l’économie et d’œuvrer pour un renouveau technologique et économique, nous proposons d’agir pour mettre en place des protections et des normes sociales et environnementales communes aux Européens, face à la pression de capitaux et des productions à bas coût sur les marchés mondialisés.

Nous voulons une politique d’aménagement et de développement industriel du territoire fondée sur les exigences d’emploi, de qualification, de recherche et d’environnement, porter des stratégies de filières dans les secteurs émergents et stratégiques, intégrant recherche, innovation, développement, production et formation. Loin d’être un handicap cette politique constitue autant d’atouts pour stimuler des coopérations de recherche, de développement et de production.

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