Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Le viol, une arme de crimes contre l’humanité

Violences sexuelles faites aux femmes du fait des conflits armés -

Par / 5 février 2014

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, dans les conflits armés qui font aujourd’hui la une de l’actualité, en Syrie, au Sud-Soudan ou en Centrafrique, les violences sexuelles dont sont victimes les femmes, malheureusement trop souvent passées sous silence, s’ajoutent au chapitre des atrocités. Elles ont pris une dimension insoutenable et insupportable.

L’un des grands mérites du rapport de la délégation aux droits des femmes est de nous permettre de débattre de ce sujet – je félicite Mme Gonthier-Maurin d’avoir choisi de mettre plus spécialement en lumière ces atrocités – à partir d’éléments précis et concrets, afin de dépasser les faciles condamnations morales, les vœux pieux, et de proposer des solutions pour éradiquer ce fléau.

Ce rapport dresse notamment un état des lieux qui est, pour reprendre l’expression choisie, proprement « bouleversant ».

Mais il met aussi heureusement en évidence la prise de conscience croissante de la communauté internationale sur ce sujet, laquelle s’est traduite par de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, et par la construction d’un cadre juridique, en particulier après 2008, à la suite du regain de violence au Kivu, qui s’est exprimé par le viol de 30 000 femmes en une seule année.

Ces résolutions constituent une étape importante, car on ne peut efficacement combattre ces drames par les seules condamnations morales, aussi unanimes et solennelles soient-elles.

Il faut nécessairement que les engagements des États et des institutions internationales soient concrets, publics, et surtout assortis d’obligations.

Ainsi, pour appuyer avec détermination la lutte contre les viols et violences sexuelles commis lors des conflits armés, il nous faut apprécier à leur juste valeur les évolutions, mais aussi les insuffisances de ces diverses résolutions du Conseil de sécurité.

À cet égard, le rapport de la délégation aux droits des femmes nous donne des informations très utiles pour prendre la mesure des responsabilités des États en la matière.

Même si, la plupart du temps, ils ont des effets limités, ces textes, qui contribuent au droit international, sont toujours le reflet et la traduction d’âpres discussions, d’échanges et de la volonté de trouver des solutions.

Ils nous incitent en cela à observer avec un certain optimisme des relations internationales trop souvent conflictuelles, parce qu’elles sont fondées uniquement sur la défense d’intérêts contradictoires. La résolution 1325, adoptée au mois d’octobre 2000 par le Conseil de sécurité, à l’application de laquelle ce rapport nous invite à réfléchir et en faveur de laquelle il nous incite à nous mobiliser, participe de ce mouvement encourageant.

Cette résolution a pu être qualifiée de « véritable révolution » par la représentante française d’ONU Femmes, Fanny Benedetti, que votre délégation a auditionnée, madame Gonthier-Maurin.

En effet, un pas décisif a été franchi, puisque désormais toutes les institutions chargées de la paix et de la sécurité internationales à l’ONU ont la compétence pour s’emparer des questions de viols et de violences sexuelles commis en temps de guerre.

De manière solennelle, je reprends à mon compte ce mot de « révolution », car j’estime que l’acte le plus marquant de la résolution 1325 est de reconnaître les viols et violences sexuelles perpétrés lors des conflits comme un véritable crime contre l’humanité.

En outre, cette résolution souligne clairement le lien qui doit être établi entre les violences subies par les femmes dans ces situations et le rôle qu’elles peuvent jouer en général en matière de reconstruction et de rétablissement de la paix dans les pays concernés.

Dans cette perspective, la résolution exige donc des pays qu’ils mettent en œuvre des mesures concrètes lorsqu’ils participent à des opérations militaires de maintien de la paix, comme cela peut être le cas de la France dans le cadre des OPEX, les opérations extérieures, au Mali, en République démocratique du Congo ou en Centrafrique.

Pour ce faire, le rapport de la délégation rappelle très justement que les mesures de la résolution 1325 doivent être déclinées en un plan national d’action, autour des « 3 P » : prévention des violences, protection et participation accrue des femmes au règlement des conflits.

Il y a là, me semble-t-il, une traduction fidèle des exigences de la résolution, puisque, selon le dernier point, il s’agit non plus seulement de penser les femmes comme des victimes, mais surtout de prendre en considération, sur les théâtres d’opération, le rôle décisif que peuvent jouer les femmes de ces pays en tant qu’acteurs de règlement pacifique des conflits.

Ce programme national prévoit également le renforcement de la participation des femmes militaires aux missions de maintien de la paix et aux opérations de reconstruction, ainsi que la sensibilisation au respect du droit des femmes au travers des formations spécifiques pour les personnels, hommes et femmes, militaires et civils envoyés en opérations extérieures.

Il faut vraiment considérer comme un important changement de mentalité cette vision du rôle des femmes.

Je voudrais dire, en tant que membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, que j’ai particulièrement apprécié la précision des informations et les explications fournies par les deux représentants de l’état-major de nos forces armées lors de leur audition par la délégation, ainsi que leur exposé des difficultés de mise en œuvre de ces mesures.

Comme l’a d’ailleurs relevé, au cours d’une audition, Mme Castagnos-Sen, représentante d’Amnesty International, le ministère de la défense serait le seul à avoir véritablement tiré les conséquences de l’application du plan d’action national de la France, notamment à travers l’élaboration d’un programme de formation de ses personnels composant les forces de maintien de la paix.

Ces efforts, méconnus, destinés à introduire des principes éthiques et moraux dans nos interventions militaires à l’étranger, méritent vraiment d’être notés et popularisés, notamment lors des auditions effectuées par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à laquelle plusieurs d’entre vous appartiennent également, mes chers collègues. Celle-ci accorde une grande attention à tous les aspects des opérations extérieures. (M. Alain Gournac approuve.)

Je propose – vous en êtes les témoins aujourd’hui – que le sujet qui nous occupe aujourd’hui soit davantage placé au cœur des préoccupations de notre commission. (Marques d’approbation sur plusieurs travées.) Nous aurions alors le sentiment d’avoir mieux accompli notre devoir sur cette question. D’ailleurs, nous inscrirons ce thème à l’ordre du jour des questions que nous poserons lors de la prochaine visite que nous rendrons à nos soldats en mission en Centrafrique. Pour ma part, je profiterai de cette occasion pour m’informer des dispositions qui sont prises par nos forces pour traiter de ces diverses exactions. En l’absence d’informations précises, je crains malheureusement que les exactions commises au cours de cette guerre civile ne soient particulièrement atroces.

C’est aussi par le biais d’un cas concret comme celui-ci que je conçois le contrôle parlementaire sur l’application de cette résolution par notre pays.

Au plan international, parmi les avancées dans la prise de conscience de l’horreur des violences sexuelles faites aux femmes, je voudrais également mentionner le traité sur le commerce des armes, dont nous avons voté ici même la ratification au mois d’octobre dernier.

L’article 7 de ce texte vise explicitement les violences faites aux femmes et engage les États exportateurs à s’assurer que les armes classiques ne puissent servir à commettre des actes de violences sexuelles ou des actes graves contre des femmes et des enfants. Voilà encore une tâche à laquelle nous pourrions nous atteler dans le cadre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Le rapport de la délégation aux droits des femmes note enfin qu’il reste bien entendu beaucoup à faire, au plan tant international que national, pour lutter efficacement contre ces phénomènes inhumains et les éradiquer, en particulier s’agissant du traitement de l’impunité, quasi totale, dont bénéficient aujourd’hui encore les auteurs de ces violences.

De ce point de vue, l’apport d’une aide importante au renforcement des moyens de fonctionnement des institutions judiciaires des pays concernés après les conflits préconisé par le rapport me paraît essentiel.

À cet égard, le procès qui s’ouvre aujourd’hui devant la cour d’assises de Paris à l’encontre d’une personne accusée d’avoir commis voilà plusieurs années des crimes contre l’humanité au Rwanda mérite d’être suivi avec attention et pourrait avoir valeur d’exemple. Nous devons y prêter une attention particulière.

Par ailleurs, je souscris totalement à la nécessité d’un plus grand soutien aux ONG et aux associations qui, sur le terrain, au plus près des populations, jouent un rôle considérable de prévention puis aident les victimes à l’issue des conflits. D’ailleurs, si nous pouvons aujourd’hui dénoncer avec force certaines situations, c’est en grande partie grâce au travail efficace d’alerte qu’elles ont mené.

Les ONG agissent donc bien souvent comme lanceurs d’alerte, et sont ensuite plus facilement acceptées par les victimes que les États en tant que tels.

Telles sont les principales réflexions que m’inspire ce rapport de grande qualité. Pour ma part, j’en soutiens les préconisations et je veillerai, dans l’exercice de mes responsabilités, à ce qu’elles puissent être rapidement mises en œuvre.

Ce serait ainsi une contribution éminente de notre assemblée à la lutte contre les viols et les violences sexuelles faites aux femmes à travers le monde.

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