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Les débats

Quand les intérêts financiers priment sur la santé des patients

Dispositifs médicaux implantables à visée esthétique -

Par / 1er octobre 2012
Quand les intérêts financiers priment sur la santé des patients
Quand les intérêts financiers priment sur la santé des patients

Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à dire combien je suis satisfaite que nous puissions aborder ce sujet à la suite du débat sur le financement des hôpitaux, en lui accordant une place importante dans nos échanges. Il relève, en effet, lui aussi, d’un enjeu fondamental de notre système de santé.

L’émotion suscitée depuis près d’un an par le scandale des prothèses mammaires PIP justifiait pleinement la création de cette mission commune d’information, élargie à l’ensemble des dispositifs médicaux implantables et aux interventions à visée esthétique.

Les nombreuses auditions organisées par cette mission ont été de qualité et permettent aujourd’hui d’avancer un certain nombre de propositions de bon sens qui faisaient pourtant cruellement défaut jusqu’à présent.

Je tiens donc à remercier Mme Chantal Jouanno, présidente de la mission commune, pour le travail réalisé et M. Bernard Cazeau pour son rapport.

Ce nouveau scandale sanitaire, après celui du Mediator, a mis une nouvelle fois en lumière l’existence de dysfonctionnements en matière de réglementation et le fait que les intérêts financiers peuvent parfois primer la santé des patients. Il n’est pas acceptable que les lacunes du système puissent permettre à quelqu’un, par appétit financier et souci de rentabilité, de déjouer pendant vingt ans tous les contrôles.

Selon le bilan réalisé en juillet dernier par l’ANSM, plus de 3 000 cas de rupture ont été détectés chez des porteuses françaises et plus de 12 000 femmes, sur 30 000 concernées, ont « bénéficié » d’un retrait préventif. Cela nous montre l’ampleur des dégâts. Nous savons la souffrance tant physique que psychologique vécue par ces femmes, et cela doit effectivement nous interroger sur les mesures à prendre pour éviter que de tels événements ne se reproduisent.

Le rapport montre très bien comment, malgré des moratoires successifs de commercialisation de cette technologie depuis longtemps controversée, malgré des signaux d’alerte, les années ont pu s’écouler sans qu’il y ait retrait ou suspension de la mise sur le marché et de l’utilisation de ces implants mammaires fabriqués par la société PIP.

Je suis donc favorable à l’une des préconisations de la mission qui, pour le Gouvernement, consiste à demander à l’Inspection générale des affaires sociales de dresser un bilan détaillé de la gestion de cette crise sanitaire. Je crois que cette transparence, même a posteriori, est essentielle pour les victimes, et demain pour de futures patientes.

Il me paraît tout aussi important de renforcer strictement les contrôles effectués sur les dispositifs médicaux implantables dès leur mise sur le marché et durant toute leur durée d’utilisation. En effet, chacun le sait, contrairement aux médicaments, dont la mise en vente est conditionnée et subordonnée à l’autorisation de mise sur le marché, les dispositifs médicaux peuvent être vendus même en l’absence de tests.

Nous avons voulu renforcer cette pharmacovigilance via la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Les dispositifs médicaux font également partie de cette loi ; or, six mois après la promulgation de la loi, les décrets d’application des articles concernés ne sont toujours pas parus. Peut-être Mme la ministre pourra-t-elle nous éclairer sur ce point ?

Notons toutefois avec intérêt que la Commission européenne vient de réviser la réglementation sur les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Les propositions de la Commission visent, selon le commissaire européen chargé de la santé et de la politique des consommateurs, John Dalli, « à renforcer sensiblement les contrôles pour garantir que seuls des dispositifs sûrs sont placés sur le marché de l’Union européenne et, dans le même temps, à favoriser l’innovation et à préserver la compétitivité de ce secteur ». Figurent en outre parmi ces dispositions une traçabilité totale des dispositifs les plus sensibles et une surveillance accrue du marché.

C’est une décision importante, même si l’on peut regretter qu’il n’y ait toujours pas de véritable autorisation de mise sur le marché pour les dispositifs à haut risque.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

Mme Laurence Cohen. Les investigations de la mission nous ont également permis de nous interroger sur ce que l’on appelle les « interventions à visée esthétique ». Ces nouvelles pratiques, de plus en plus nombreuses, recèlent ou peuvent recéler de nouveaux dangers. Il est de notre responsabilité de les anticiper pour les éviter.

Il s’agit d’un véritable enjeu de société à part entière et d’un secteur économique florissant, puisque plus de 11 millions de soins de beauté et de bien-être auraient été réalisés en France en 2011. Les femmes en sont le public majoritaire.

Notre rapport au corps, au vieillissement, à la beauté, entraîne un recours de plus en plus fréquent et banalisé à ces nouvelles techniques séduisantes, sans que l’on pense à leurs conséquences à plus long terme, ou tout simplement parce que l’on croit ces pratiques sont très encadrées, et donc sans danger.

Il est certes difficile de démontrer le caractère dangereux d’une pratique esthétique en l’absence de données scientifiques ou de statistiques fiables et objectives. À l’inverse, on sait pertinemment que certaines pratiques sont dangereuses. Ainsi ne pouvons-nous ignorer les dangers, aujourd’hui scientifiquement avérés, des cabines de bronzage.

J’approuve donc la proposition de la mission visant à interdire ces cabines de bronzage, hors usage médical. Certes la mesure est radicale et sans doute impopulaire, mais elle est nécessaire si l’on veut éviter un futur scandale sanitaire.

Sans revenir sur chacune des trente-huit propositions formulées par la mission, nous devons, d’une manière générale et pour l’avenir, répondre à trois priorités.

Nous devons, tout d’abord, bien définir les responsabilités en matière d’évaluation, de contrôle et de surveillance des dispositifs médicaux. À ce titre, l’ANSM doit pouvoir pleinement jouer son rôle de gendarme sanitaire en centralisant tous les signalements.

Il faut, ensuite, créer les conditions d’une formation qualifiante des professionnels. Cette demande est revenue très souvent au cours de nos auditions.

Il convient, enfin, de disposer d’un statut bien défini qui s’inscrive dans les frontières, pourtant assez floues, délimitant le médical de l’esthétique.

Selon nous, et nous ne le répéterons jamais assez, il est impératif de mettre fin aux conflits d’intérêt qui peuvent exister et de renforcer les contrôles et les inspections réalisés par les organismes notifiés.

Ces organismes doivent avoir les moyens de remplir leurs missions, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle, les fabricants pouvant décider eux-mêmes des modalités de certification et d’évaluation. Une harmonisation par le haut est donc nécessaire au niveau européen, tout comme une indépendance renforcée de ces structures de contrôle.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour redire combien il est primordial de protéger les lanceurs d’alerte – c’est prévu, là encore, dans la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ! – pour éviter les attaques virulentes dont les professionnels de santé peuvent être victimes dans de telles situations.

En conclusion, nous partageons pleinement la philosophie de ce rapport, bien résumée dans son titre : Santé, beauté, une priorité : la sécurité.

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