Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Relancer la construction et la rénovation de logements sociaux ouverts à l’ensemble de la population est une nécessité

Politique du logement -

Par / 5 février 2015

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, moins de 300 000 logements mis en chantier en 2014 est sans doute le constat qui a conduit nos collègues du groupe UMP à proposer ce débat.

Dix millions de personnes seraient touchés de près ou de loin par la crise du logement. Il conviendrait de modifier la politique publique de fond en comble pour que la demande de logements baisse et que l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics, toujours fondamentale pour l’économie et l’emploi, redémarre.

La construction de logements est en panne depuis plusieurs années et les raisons en sont multiples. Les bonnes volontés seraient découragées, notamment celles des investisseurs. Pourtant, il est inutile de rappeler les nombreuses mesures de défiscalisation proposées par les gouvernements successifs, qui ont produit trop de logements vides d’occupants dans des agglomérations où le besoin ne s’en faisait pas forcément sentir.

Rien que pour le dispositif Pinel, madame la ministre, l’État octroie 34 000 euros par logement, auxquels s’ajoutent les 100 000 euros pour les donations de logements neufs aux descendants ou l’abattement exceptionnel de 30 % sur les plus-values immobilières pour toute cession de terrain à bâtir. Au total, ce sont 300 millions d’euros qui sont accordés à ceux qui détiennent déjà 50 % du patrimoine immobilier !

Et que dire du rapport trisannuel de l’application de la loi SRU ? Celui-ci n’a toujours pas été rendu public et les arrêtés visant les communes qui traînent les pieds attendent depuis six mois la confirmation du ministère. Je crains pour ma part que la forte baisse des dotations aux collectivités locales n’engendre une chute des initiatives des communes et de leur volontarisme.

La crise du logement constitue sans nul doute la face la plus visible et la plus criante de la crise économique et sociale que nous traversons. Elle concentre les plus grandes inégalités et discriminations. Comment expliquer qu’il faille trois mois pour mesurer la moindre inflexion du PIB et plus de deux ans pour déterminer le nombre d’expulsions locatives ? Il aura aussi fallu attendre onze ans pour que l’INSEE relance un recensement exhaustif du nombre des personnes sans domicile fixe, nombre qui a bondi de 50 % entre 2001 et 2012, car ce sont près de 150 000 personnes qui sont aujourd’hui concernées, dont 35 000 enfants.

Les politiques du logement ségrégatives conduites par le passé ont éloigné les populations les unes des autres et organisé les « ghettos de la République » : d’un côté, les cités HLM regroupant les plus modestes ; de l’autre, les quartiers qui accueillent les plus aisés, loin de toute mixité sociale.

Cette situation de pénurie de logements est une réalité cruelle pour bon nombre de nos concitoyens, pour lesquels le droit à un toit n’est pas du tout assuré. Trop nombreuses sont les familles considérées comme prioritaires au titre de la loi DALO, auxquelles aucune solution concrète n’est proposée.

Cette situation insupportable n’aurait jamais dû exister dans notre pays. Il convient clairement d’accorder la priorité aux demandeurs de logement et non aux investisseurs, car nous sommes dans une impasse absurde. La montée du chômage accentue le phénomène du mal-logement – alors que pour avoir un travail, il faut un logement, pour avoir un logement, il faut avoir un travail !

C’est pourquoi relancer la construction et la rénovation de logements sociaux ouverts à l’ensemble de la population est une nécessité et doit constituer la priorité des priorités. Dans ce contexte, les crédits alloués à la construction de logement social et les aides à la pierre ne peuvent diminuer.

Le seuil de 25 % de logements sociaux, recommandé par la loi Duflot, constitue une base, même s’il peut paraître insuffisant dans certaines régions tendues où les demandes sont très loin d’être satisfaites. Au demeurant, et même si nous n’avons pas tous la même analyse à ce sujet, c’est bel et bien la mise en œuvre de la loi SRU – notamment l’application de la règle des 20 % – qui a porté, dans le courant des années 2000, le logement social.

Les sommes disponibles pour construire des logements, les rénover et transformer éventuellement des locaux d’activité ou de bureaux inoccupés en logements, existent. Le prêt à taux zéro, le PTZ, pourrait aussi être étendu aux bailleurs sociaux et venir s’ajouter à une revalorisation du 1 %, qui n’est plus que de 0,4 %, en en élargissant notamment l’assiette. Cela permettrait tout de même une plus grande diversité de l’offre, jouant positivement, de fait, sur les montants des loyers et des charges locatives.

Malgré une décollecte encouragée par la baisse de la rémunération du livret A, des sommes très élevées restent en attente d’utilisation au sein du fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. Fin 2014, ce fonds aura connu une décollecte supérieure à 6 milliards d’euros, qu’il convient évidemment de comparer aux 365 milliards d’euros de la collecte totale du livret A et du livret développement durable.

Pourquoi 35 % de cet encours seraient-ils aujourd’hui non centralisés, alors que nous en avons particulièrement besoin pour financer le logement social mais aussi la transition énergétique ?Nous proposons, comme la loi l’exige et l’autorise, qu’un décret vienne relever le niveau de centralisation et que les sommes ainsi réunies soient immédiatement mobilisées pour des prêts à l’amélioration des performances énergétiques des logements et pour la construction de nouveaux et nombreux logements sociaux. Relever de 5 % la centralisation du livret A et du livret développement durable dégagerait immédiatement 18 milliards d’euros.

À ce propos, il serait opportun également de s’interroger sur les modalités de construction des logements. Des évolutions de conception et d’architecture ne pourraient-elles permettre de bâtir ce que j’appellerais « les logements du futur » ? Nous pourrions facilement concevoir une nouvelle gamme de logements modernes, écologiquement responsables et, surtout, accessibles à tous, car les montants de loyers sont souvent inabordables pour des millions de familles. Je ne suis pas le seul à le dire.

Par ailleurs, le président de la Banque centrale européenne, la BCE, a annoncé que, dans le cadre de dix-neuf tranches mensuelles de 60 milliards d’euros, son établissement financerait la restructuration de dettes publique et privées pour faciliter la reprise de l’activité économique. Prenons-le au mot ! J’invite donc le Gouvernement à s’emparer de cette opportunité pour restructurer la dette de certains organismes HLM, par exemple.

Nous pourrions également envisager de procéder au refinancement de la dette publique en vue d’ouvrir une sorte de fonds national de construction et de financement du logement. Celui-ci accorderait des prêts à taux zéro.

Quant à la question foncière, dont mes collègues ont aussi parlé, nous devons proposer la modulation de la taxation des plus-values foncières, notamment pour les terrains dédiés à la réalisation de programmes comportant des logements sociaux. Pourquoi également ne pas poser le principe de l’exonération d’imposition des plus-values en cas d’apport financier direct à la réalisation d’opérations de logements sociaux ? Ou encore, pourquoi ne pas proposer une alternative à la cession de terrains publics sous décote, comme nous l’avons vu faire ces derniers temps ? Nous pourrions ainsi mettre en place un nouveau dispositif de bail pour que les organismes d’HLM n’aient pas à supporter le coût de l’acquisition foncière.

Vous le comprenez, des solutions techniques et financières existent aujourd’hui…

Mme la présidente. Il faut songer à conclure, mon cher collègue.

M. Michel Le Scouarnec. Face à l’accroissement des situations dramatiques, il y a urgence à les mettre en œuvre. Combien de rapports de la Fondation Abbé Pierre faudra-t-il pour qu’enfin, des mesures concrètes, efficaces et humaines soient engagées ?

Le logement est un droit dont l’application relève de la responsabilité de l’État. Quoi qu’en disent les études sur le prix médian des loyers, la part moyenne des ressources des ménages consacrée au logement a considérablement augmenté de 1980 aujourd’hui, puisqu’elle a doublé.

J’en termine, madame la présidente : cette situation nécessite une réaction forte. Il faut asseoir la politique du logement sur des bases solides, humaines et justes. Pour conclure, permettez-moi d’emprunter les mots de l’abbé Pierre qui déclarait que « construire des prisons est sans doute nécessaire, mais construire des logements en repensant à l’intérieur des cités tout ce qui fait la cohésion sociale, c’est plus urgent. »

J’ajouterais que combattre la pauvreté, la misère et l’injustice sociale, c’est le choix du vrai changement qui permet de construire la mixité sociale et le vivre-ensemble, porteur de toutes les réussites, y compris à l’école, comme l’évoquait Claude Dilain.

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