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Les débats

Une punition collective qui a de dramatiques conséquences humanitaires et sanitaires

Moyen-Orient -

Par / 12 janvier 2010
Une punition collective qui a de dramatiques conséquences humanitaires et sanitaires
Une punition collective qui a de dramatiques conséquences humanitaires et sanitaires

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an, à la même époque, nous débattions de la guerre menée par Israël contre la population de la bande de Gaza.

Quelle est aujourd’hui l’évolution de la situation dans cette partie du monde qui, depuis soixante ans, a vu se succéder tant de conflits armés ?

Bien que ce débat porte sur le Moyen-Orient dans sa globalité, j’évoquerai ici, pendant les dix minutes dont je dispose, exclusivement le conflit israélo-palestinien, car il est la cause principale des tensions dans cette région. Parvenir à régler ce conflit d’une façon juste et durable permettrait précisément d’endiguer les autres sources d’instabilité dans la région.

Mettre fin à ce conflit pourrait ainsi contribuer à écarter la menace que constitue la tentative d’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran et le risque de prolifération à l’ensemble de la région, déjà mise en danger par l’arsenal nucléaire israélien.

De la même façon, trouver des solutions pour résoudre ce conflit aurait assurément des répercussions positives sur la situation du Liban, toujours au bord de l’éclatement, et sur la Syrie, dont l’hostilité envers Israël n’aurait plus de raison d’être.

Je suis donc satisfait de la tenue de ce débat, que j’avais demandé au mois de novembre, et je souhaite qu’il contribue à définir quelques étapes sur le chemin de la paix dans cette partie du monde. Je continue toutefois de regretter que M. le président de la commission des affaires étrangères refuse d’inscrire à l’ordre du jour la proposition de résolution européenne de notre collègue Annie David et moi-même demandant le gel de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.

Mme Nathalie Goulet. Et la mienne !

M. Michel Billout. Cette proposition me paraît d’une extrême actualité, et j’y reviendrai dans quelques instants.

Je voudrais tout d’abord rappeler que l’offensive militaire israélienne était totalement disproportionnée par rapport aux tirs de roquettes en provenance de Gaza qui l’avait motivée : elle a fait plus de 1 400 victimes palestiniennes, dont 60 % de civils, parmi lesquels un grand nombre de femmes et d’enfants.

Les conditions mêmes de cette opération ont d’ailleurs suscité un rapport commandé par la commission des droits de l’homme de l’ONU qui, bien qu’il mette aussi en accusation le mouvement Hamas, est accablant pour les autorités militaires israéliennes : il leur impute très précisément des crimes de guerre.

Depuis un an, la population de la bande de Gaza qui a subi cette guerre souffre désormais d’un nouveau blocus total. Il prolonge celui qui a été instauré par Israël à la suite de la prise du pouvoir par le Hamas sur ce territoire en juin 2007 au détriment de l’Autorité palestinienne.

Cette mesure s’apparente à une punition collective. Elle a de dramatiques conséquences humanitaires et sanitaires, car la population civile manque d’eau, d’électricité et a difficilement accès aux soins médicaux. Avec le blocus, la reconstruction des infrastructures et des habitations détruites est impossible, l’économie et l’agriculture sont asphyxiées.

Depuis un an, les divisions, qui se traduisent parfois par des affrontements armés entre les différentes factions palestiniennes, se sont malheureusement accentuées.

Faute d’un accord entre le Fatah et le Hamas, la direction de l’OLP, l’Organisation de libération de la Palestine, avait, en effet, été obligée de différer, le 16 décembre dernier, la date des élections présidentielle et législatives, et de prolonger les mandats de Mahmoud Abbas à la présidence de l’Autorité palestinienne et du Parlement.

Il semblerait toutefois ces jours derniers que la réconciliation entre les différents groupes, sous les auspices de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, puisse revenir à l’ordre du jour. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous apporter des éléments éclairants sur ce sujet.

Depuis un an également, un élément nouveau est intervenu avec le triple refus du gouvernement israélien de mettre un terme définitif à sa politique de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, de reconnaître Jérusalem comme capitale des deux États et de lever le blocus de Gaza. C’est le principal obstacle à une reprise des négociations entre Israël, les Palestiniens et les États arabes.

Dans ce conflit, l’impression prévaut que ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale » a laissé Israël agir en toute impunité et ignorer toutes les résolutions de l’ONU qui condamnaient sa politique. Nous devons réagir face à cette passivité de la communauté internationale qui, depuis un an, n’a pratiquement pris aucune initiative de nature à régler ce conflit.

Le président Obama, tant dans son discours du Caire que par l’envoi du négociateur George Mitchell dans la région, avait suscité de grands espoirs. À la différence de l’administration précédente, il s’était clairement prononcé pour une solution à deux États et a demandé l’arrêt complet de la colonisation. Il a malheureusement déçu en acceptant par la suite le moratoire israélien sur cette question décisive pour la création d’un État palestinien viable.

L’Union européenne, qui a des atouts en tant que premier partenaire économique d’Israël et principal contributeur en matière d’aide aux territoires palestiniens, s’est pour sa part toujours refusée à prendre une position qui lui soit propre.

Elle se contente de suivre la stratégie de l’administration américaine.

C’est la raison pour laquelle les pays européens, bien qu’ils dénoncent la poursuite de la colonisation et se prononcent eux aussi pour une solution à deux États, se satisfont d’un moratoire de dix mois sur la colonisation en Cisjordanie excluant Jérusalem-Est.

La semaine dernière, l’émissaire spécial pour le Proche-Orient, George Mitchell, a évoqué la possibilité pour les États-Unis de retirer leur soutien aux garanties de prêt à Israël – système grâce auquel l’État hébreu a bénéficié de milliards de dollars de prêts à des taux préférentiels – afin de faire pression sur le gouvernement israélien. Aussi, une pression de l’Union Européenne concernant les conditions d’application de l’accord d’association serait pertinente. C’est encore l’objet de la proposition de résolution déposée par le groupe CRC-SPG.

Quant à la France, sa position est extrêmement ambiguë.

Après s’être abstenu de participer au vote qui a abouti à l’adoption du rapport Goldstone à l’Assemblée générale de l’ONU, notre pays a également considérablement affaibli la portée de la résolution proposée lors du Conseil Affaires étrangères le 8 décembre dernier par la présidence suédoise et prévoyant la reconnaissance de Jérusalem-Est comme capitale d’un futur État palestinien en refusant que cette mention y figure. Et je préfère ne pas évoquer les déclarations consternantes de notre ambassadeur à Tel-Aviv qui s’interroge sur la crédibilité des crimes de guerre, la réalité du blocus de Gaza ou même, selon Le Canard Enchaîné, sur la pertinence de vouloir stopper la colonisation.

M. Guy Fischer. Scandaleux !

M. Michel Billout. Il faut enfin relever les divisions des pays arabes et leur impuissance à opposer à Israël une stratégie cohérente commune.

Après l’intervention militaire israélienne à Gaza, ils ne sont pas parvenus à se réunir au complet, pas plus qu’ils n’ont réussi à se mettre d’accord lors du sommet sur la reconstruction de ce territoire qui s’est tenu au Qatar à la fin du mois de mars.

Il n’est donc pas acceptable de se résigner et d’assister passivement, d’année en année, à la lente dégradation d’une situation dont les implications dépassent largement les frontières du seul Moyen-Orient.

Certes, notre débat de ce soir n’apportera pas de solution miracle.

Mais il n’est pas inutile que dans un pays démocratique comme le nôtre les diverses sensibilités politiques représentatives de la nation puissent s’exprimer au sein des assemblées parlementaires afin de soumettre des propositions sur l’élaboration de solutions politiques et pacifiques.

Pour sa part, notre groupe veut y contribuer et considère qu’au vu de l’urgence et de la gravité de la situation il est impératif, et encore possible, d’influer sur le cours des événements.

Comment agir pour que les différents protagonistes de ce conflit sortent de l’impasse dans laquelle ils se trouvent ?

Que faire pour ne pas perdre l’espoir d’une solution politique négociée, fondée sur deux États dans le cadre des résolutions de l’ONU ?

Comment contraindre efficacement le gouvernement israélien à s’engager dans cette voie ?

Telles sont les questions auxquelles notre pays et l’Union européenne doivent impérativement apporter des réponses.

L’excellent rapport d’information sur la situation au Moyen-Orient de nos collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Jean François-Poncet dégage à propos du conflit israélo-palestinien quelques pistes que je soutiens en grande partie et dont le Gouvernement devrait s’inspirer.

Comme le constate le rapport, nous devons effectivement être réalistes et lucides et avoir conscience que le gouvernement israélien n’acceptera vraiment de changer de politique que sous la pression des États-Unis et de la communauté internationale.

C’est dans cette perspective que l’Union européenne et la France devraient jouer un rôle plus dynamique, faire preuve d’une plus grande autonomie et manifester leur spécificité en exerçant de fortes pressions sur les dirigeants israéliens.

Celles-ci doivent se concentrer sur deux points essentiels : le premier, et le plus urgent, concerne la levée du blocus de Gaza ; le second doit porter sur l’exigence d’un arrêt total de la colonisation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie, car la poursuite de celle-ci morcèle ces territoires et rend de facto impossible la création d’un État palestinien.

Ce sont deux conditions préalables à une reprise des négociations entre toutes les parties prenantes de ce conflit, je dis bien « toutes » car, comme le préconise le rapport, il faudra bien un jour ou l’autre prendre contact et négocier officiellement avec le Hamas, qui est l’une des composantes du peuple palestinien.

Sur ces deux questions, la France doit retrouver sa liberté de parole et d’action, jouer l’important rôle de médiation que lui confèrent l’image et l’influence dont elle dispose dans cette partie du monde.

Notre pays doit agir sans attendre les nouvelles propositions du plan de paix que les États-Unis doivent présenter prochainement.

Telles sont les conditions pour permettre une reprise des négociations débouchant enfin sur la création d’un État palestinien libre, indépendant, souverain dans les frontières établies en 1967.

Notre pays peut aussi jouer un rôle déterminant dans une phase très délicate de la reprise du processus de paix : celle de la libération de prisonniers.

D’une part, deux de nos compatriotes sont détenus dans l’un et l’autre camp de façon totalement inacceptable. Je veux parler du soldat Shalit retenu captif par le Hamas et de Salah Hamouri détenu dans une prison israélienne. Cela nous concerne donc directement et nous donne une responsabilité particulière.

C’est pourquoi je regrette profondément que le gouvernement français n’agisse pas de façon équitable pour la libération de nos deux compatriotes. Les parents de Salah Hamouri attendent toujours d’être reçus par le Président de la République.

Par ailleurs, la libération de Marwan Barghouti pourrait constituer une chance de réconciliation des parties palestiniennes et donc permettre à Israël de trouver un interlocuteur fiable.

Au total, monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche souhaite vivement que votre gouvernement affirme plus clairement ses positions sur l’ensemble de ces questions et qu’il manifeste enfin fermement sa volonté d’aboutir à un règlement juste et durable du conflit entre Israël, les Palestiniens et les États arabes.

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